L'Observatoire marocain des prisons vient de rendre public son rapport 2015-2016 sur la situation des prisons. Le rapport aborde de nouveau la question de la détention préventive comme principal facteur amplifiant la dégradation et le surpeuplement des prisons. Selon les données disponibles, les détenus préventifs représentent 40,8% de la population carcérale totale. Un taux alarmant, souligne le rapport, qui fait des prisons des établissements punitifs, au lieu d’être des établissements de qualification et de réinsertion sociale. De plus, la part élevée des détenus préventifs représenterait une charge financière lourde pour l’État. «La détention préventive pèse lourdement sur le budget de l’État et amplifie sérieusement la surpopulation carcérale, ce qui impose inéluctablement de trouver ses solutions réalistes à ce phénomène pour en réduire l’ampleur», peut-on lire dans ce rapport.
Ce document qui traite plusieurs thématiques portant sur la justice et les établissements carcéraux, relève également les défaillances des prisons. Parmi les dysfonctionnements relevés vient en tête, l’aggravation du phénomène du surpeuplement. Selon le rapport, l’encombrement des établissements pénitentiaires a atteint au cours des années 2015 et 2016 des seuils très inquiétants, particulièrement au sein de certaines prisons, comme la prison locale de Marrakech où le taux d’occupation a frôlé les 328% ; la prison de Nador, elle, affiche un taux d’occupation de 245%. Idem pour celle de Souk Larbaa où ce taux atteint 190%. Selon l’Observatoire national des prisons, seuls deux établissements au Maroc ne souffriraient pas de ce phénomène, à savoir la prison agricole de Zayou et celle du Centre de redressement de Salé.
Outre le phénomène de détention préventive, l’Observatoire attribue le surpeuplement des prisons à la hausse continue du nombre de prisonniers. En 2016, il y a eu près de 5.329 nouveaux détenus (rien qu’au cours des onze premiers mois de l’année) portant ainsi le nombre global à 79.368 prisonniers, dont 30.340 à titre préventif, contre 74.039 en 2015. La lenteur des procédures judiciaires et la non-application des dispositions juridiques relatives à la libération conditionnelle sont également pointées du doigt. Selon le rapport, le nombre des prisonniers ayant bénéficié de mesures de liberté conditionnelle n’a pas dépassé 5 cas en 2016, d’où l’importance, souligne le rapport, de revoir l’approche sécuritaire prônée par l’autorité judiciaire et d’élaborer des procédures juridique et pénale permettant d’accélérer les procès et d’adopter des dispositions légales relatives à la libération conditionnelle tout en examinant les pistes d’instauration de peines alternatives.
Sur un autre registre, l’Observatoire marocain des prisons a dévoilé le nombre des plaintes qu’il a reçues directement durant la période 2015-2016. Il s’agit de 460 plaintes, sans compter celles qui lui ont été transmises par d’autres parties ou celles rapportées par la presse. S’agissant de leur répartition, on apprend que 107 plaintes ont concerné le transfèrement vers d’autres prisons, 77 ont porté sur la violence et les traitements inhumains et dégradants subis par les prisonniers hommes et femmes, alors que 56 plaintes avaient pour objet des grèves de la faim. Les autres plaintes ont porté par ailleurs sur l’accès aux soins et l’hospitalisation, la privation de visite, l’accès à la scolarité et à la formation professionnelle, ainsi que l’accès à la procédure de grâce. Sur ce volet, le rapport souligne que le non-respect des droits des prisonniers n’est pas spécifique à une seule région, mais qu’il s’agit d’un phénomène général couvrant toutes les régions du Maroc.
Par ailleurs, et abordant la thématique de la peine de mort, le rapport a déploré l’abstention du Royaume lors du vote de la résolution se rapportant à l’instauration d’un moratoire universel sur les exécutions de la peine de mort le 19 décembre lors de la tenue de la 75e session de l’Assemblée générale des Nations unies. Ce qui témoigne, selon l’Observatoire, de la persistance de la logique de sanction traditionnelle radicale. Sur ce point, le rapport souligne que le nombre total de prisonniers condamnés à cette peine jusqu’à novembre 2016 a atteint 92 personnes, dont 88 hommes et 4 femmes, rappelant que le Code pénal prévoit la peine de mort dans 937 cas criminels.