Quelques jours après la diffusion de la vidéo montrant la scène d’agression sexuelle contre une jeune adolescente dans un bus, les réactions d’indignation n’ont pas cessé sur les réseaux sociaux, les médias nationaux et même internationaux. Face au silence de la classe politique, les associations féminines se sont réunies dans le cadre d’un collectif pour appeler à une mobilisation générale afin de dénoncer ce viol en particulier et l’atteinte aux droits des femmes en général. Le sit-in organisé mercredi sur la place Maréchal à Casablanca a été marqué par la participation de quelques centaines de personnes, notamment des artistes, des intellectuels et des représentants de la société civile. À noter également une forte présence de jeunes filles venues exprimer leur solidarité avec la victime et leur indignation, scandant des slogans qui appellent au respect des droits des femmes et de leur liberté.
Présent au sit-in, Ahmed Ghayet, activiste sociale et fondateur de l’association «Marocains pluriels», a insisté sur l’ampleur de l’enjeu que les jeunes sont venus défendre. Il a également mis l'accent sur la nécessité de renforcer la représentativité masculine dans ce genre de combat. «Il est important que les hommes soient là. C’est un combat de femmes, mais c’est un combat pour les hommes également», nous a-t-il déclaré en exprimant son regret pour l’absence des politiques, «mais la présence des artistes, des intellectuels et de la société civile est importante».
Analysant ce phénomène et les facteurs de propagation de tels crimes, Abdessamad Dialmy, sociologue de la sexualité, du genre et de la religion, a tenu d’abord à préciser que la mixité, pratique assez récente dans la société urbaine marocaine, reste «mal vécue par des hommes qui continuent de considérer l'espace public comme leur propriété exclusive. C'est par conséquent l'espace où les hommes se sentent obligés d'affirmer leur masculinité face aux femmes, ces intruses», explique le sociologue qui pousse l’analyse plus loin en indiquant dans ce sillage que «les femmes ne sont pas encore considérées comme des citoyennes, mais comme des corps femelles à la fois excitants et inaccessibles». Et de déplorer que «les autorités publiques n'aient pas eu de politique éducative en la matière».
À cela s’ajoutent, toujours selon M. Dialmy, d’autres facteurs comme la frustration et la misère sexuelle, l’absence d’éducation sexuelle pour «montrer aux jeunes, et aux moins jeunes, que la violence n'a pas sa place dans la sexualité». Force est donc de constater que dans notre société, selon le sociologue, ces facteurs engendrent de multiples crimes contre la dignité et la liberté des femmes, et pis encore, des jeunes filles. La prévention est donc de mise, rappelle M. Dialmy. «En amont et comme prévention primaire, l'éducation sexuelle compréhensive doit être dispensée d'abord aux éducateurs : parents, enseignants, professionnels de santé, journalistes et artistes», insiste-t-il. Ces derniers sont en contact direct avec les jeunes et, de ce fait, les mieux habilités à transmettre les bonnes valeurs. «Morale islamique perdue et morale civique non conquise, une fois conjuguées, font que la liberté de l'homme ne s'arrête pas là où commence celle de la femme», déplore M. Dialmy.