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Leadership féminin, l'éternel débat !

Elles ont beau avoir franchi un grand pas dans leur objectif d’émancipation et d’autonomie, s’être imposées dans plusieurs domaines liés à l’éducation, l’emploi ou l’entrepreneuriat… les femmes ont toujours du mal à trouver leur place dans le top management des entreprises. Manque de compétences ? Faible volonté ? Discrimination ? Qu’est-ce qui empêche les femmes de crever le plafond de verre ? Le débat est ancien, mais les questionnements persistent.

Leadership féminin, l'éternel débat !

Selon le rapport annuel du Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour l’année 2015, la participation des femmes à l’emploi est en recul avec un taux d’activité qui est passé de 25,2% en 2014 à 24,8% en 2015. Un taux encore plus faible en milieu urbain puisqu’il y atteint 17,4%. Les derniers chiffres du Haut Commissariat au Plan (HCP) sur la situation, l'évolution et les principales caractéristiques du chômage et du sous-emploi au Maroc en 2016 indiquent aussi que plus de la moitié des chômeurs sont à la recherche de leur premier emploi en 2016. Les femmes (67%) sont plus touchées que les hommes (49%). Et 67,2% des chômeurs au Royaume le sont depuis une année ou plus, et là encore ce sont les femmes qui sont plus concernées (75,8% contre 63,4% des hommes). Autre chiffre frappant, près d’un tiers des chômeurs détiennent un diplôme de niveau supérieur. Les femmes représentent 51,5% d’entre eux, et les hommes 25,5%.
Constat : même si les femmes sont plus présentes dans l’enseignement supérieur et sont plus diplômées qu’avant, elles ont 2 fois moins de chance d’accéder au marché de l’emploi. Pis encore, leurs chances d’évoluer au sein des entreprises pour occuper des postes de management semblent faibles par rapport aux hommes.

Les femmes s’autocensurent-elles ?

«Les postes de management sont très exigeants personnellement et professionnellement. Généralement, les femmes choisissent l’équilibre personnel à l’évolution de carrière et la prise de responsabilité, alors que les hommes privilégient leur carrière. C’est pour cela qu’il est plus facile pour un homme d’atteindre un poste de dirigeant. Le principal frein de la femme est la volonté : la carrière et la progression professionnelle sont reléguées au second plan. La femme préfère prendre un rythme de progression plus lent et faible», explique Alexandra Montant, DGA de ReKrute.com, le portail dédié à l’emploi au Maroc. Même son de cloche auprès de Laila Mamou, présidente du directoire de Wafasalaf : «nous, femmes marocaines, de par notre éducation parfois culpabilisante, contradictoire, mais heureusement avec de fortes valeurs, avons besoin de travailler sur nos propres freins pour aller de l'avant». Et d’ajouter : «dans un pays où le taux d'activité des femmes est en baisse, les filles scolarisées sont en nombre aussi important que les garçons, où le taux de chômage des jeunes avoisine les 38,8%, il est de la responsabilité des femmes, qui ont plus d'expérience et d'expertise, de guider et d'accompagner les femmes pour qu'elles restent dans l'activité, surtout entre 30 et 35 ans, c’est un tournant important, où il faut être aidées».

Le mentoring pour avancer

Les hommes sont-ils un frein à l'évolution de carrière des femmes ? Il semble que non. «Le manque de femmes au top management ne se ressent pas à l’étape du recrutement, mais plutôt en interne. Il y a toujours un obstacle à l’évolution de la femme en interne : à un moment, la carrière des femmes stagne à cause du manque de réseau professionnel. En effet, la femme a tendance à se réfugier dans le travail, là où les hommes rencontrent des dirigeants à l’extérieur et développent leurs réseaux», affirme la DGA de ReKrute.com. De son côté, Laila Mamou assure avoir toujours bénéficié de soutien : «durant ma carrière, j'ai eu la chance d'avoir des patrons qui m'ont permis de grandir et de me former».
Afin d'encourager les femmes à occuper des postes de dirigeantes au sein des entreprises et les soutenir dans leurs ambitions d'évolution de carrière, Laila Mamou suggère le mentoring. «Le mentoring est une chaîne solidaire, qu'il faut multiplier dans les entreprises. Le rôle du mentor est de partager son expérience, faire profiter le mentee de son réseau, lui apporter de la bienveillance tout en mettant les protections nécessaires avant toute prise de risque. Cette relation permet au mentor de rester connecté à ces jeunes qui arrivent sur le marché avec de nouveaux besoins et de nouvelles problématiques», explique la présidente du directoire de Wafasalaf. Elle souligne aussi : «j'ai été impressionnée par le niveau des jeunes femmes : elles sont très diplômées, ambitieuses et soucieuses de leur équilibre vie privée-vie professionnelle en prenant part à l'initiative de Zineb Baiz qui a fondé, cette année, “Mentor'elles”».

Ayant participé à plusieurs opérations de mentoring, Laila Mamou est convaincue que cette procédure peut avoir un impact positif sur la carrière professionnelle des femmes. «Étant sensible aux différents sujets que peuvent rencontrer les femmes dans l'évolution de leur carrière, j'ai naturellement accepté d'accompagner plusieurs mentees. D’ailleurs, plusieurs CEO ont pris part à ce processus qui permet au mentee de prendre du recul et faire ses choix en toute conscience».

Des conseils d'administration renfermés sur eux-mêmes

L'autre problème auquel les femmes doivent faire face dans le cadre de leur ascension professionnelle, c'est leur faible représentation au sein des conseils d'administration des entreprises. Un blocage qui risque de prendre beaucoup de temps avant d'être résolu. «Les conseils d’administration recrutent dans les cadres dirigeants, où il y a une majorité d’hommes aujourd’hui. C’est un processus, et progressivement les femmes vont remonter quand il y aura plus de femmes dirigeantes. Étant donné que les conseils d’administration ne sont pas très courants (ne sont pas renouvelés tous les ans), cela prendra du temps pour qu’elles y accèdent», explique Alexandra Montant.
Laila Mamou souligne : «à Wafasalaf, les femmes représentent 51% et cela nous a valu plusieurs prix de diversité et de mixité. Toutefois la mixité en tant que telle n’est pas suffisante, il est important aussi de faire évoluer les femmes vers les postes à très haute responsabilité et les positionner dans les comités exécutifs et conseils d'administration». Et de nuancer : «je suis très confiante quant à la position de la femme active au Maroc et de son évolution, car toutes ces jeunes femmes sont décidées à faire bouger les lignes et notre rôle, de par notre séniorité, est de les accompagner. Elles devront, à leur tour, renvoyer l'ascenseur à celles qui vont bientôt arriver sur le marché et qui auront, elles aussi, besoin d'être soutenues». 


Une place à valoriser 

Wafasalaf a organisé, au début du mois à Casablanca, le troisième cycle de ses conférences sur le thème «La valorisation de la place des femmes dans les entreprises». La rencontre a été l’occasion de rendre hommage aux femmes et à leur contribution à la réussite des entreprises, mais aussi pour évaluer le chemin parcouru, mettre en avant les efforts déployés et échanger sur les bonnes pratiques. Ce qui a le plus marqué les discussions et échanges qui ont eu lieu, c’est l’importance d’impliquer les CEO des entreprises pour que les femmes occupent les postes qu’elles méritent. Deux tables rondes ont été organisées lors de cette rencontre à laquelle a pris part Mohamed El Kettani, PDG du groupe Attijariwafa bank. La première était consacrée à l’état des lieux de la présence de la femme dans l’économie marocaine, alors que la seconde donnait la parole à quelques femmes ayant réussi à se hisser au sommet de la hiérarchie dans leurs entreprises.


Entretien avec Nadia Benbahtane, directrice marketing et communication à Intelcia

«Être une femme n'est pas un frein en soi»

Éco-Emploi : Est-il facile pour une femme d'évoluer d'une simple salariée à une dirigeante dans une entreprise ?
Nadia Benbahtane : Pour ma part, la question de l'évolution en entreprise est indépendante de la question du genre. Elle dépend d'abord des compétences, du savoir-faire relationnel et de la capacité à saisir les opportunités qui se présentent à vous. Après il est vrai que certains environnements sont plus propices parce qu'ils ont résolu la question du genre à la base en offrant les mêmes chances d'évolution aux hommes et aux femmes. Il y a également la pression de la société. La femme doit trouver le bon équilibre entre la gestion de son foyer, celle des relations sociales, ses activités personnelles et son travail.
Cela peut entraver une évolution vers des postes de direction. Heureusement, au Maroc nous avons de plus en plus d'entreprises qui sont conscientes de la contribution évidente de la diversité à leur performance. Pour ma part, j'ai la chance de travailler dans un groupe qui valorise la contribution des femmes. Nous sommes plusieurs dans l'équipe de management et le premier directeur général adjoint est une femme !

Est-ce que les difficultés rencontrées par les femmes dirigeantes sont plus liées à leur statut de femme ou à la responsabilité de leur poste ?
Dire que les difficultés sont liées à la responsabilité du poste sous-entendrait que les femmes ne pourraient pas occuper de hauts postes... De même, être une femme n'est pas un frein en soi. Maintenant, il est clair que dans des sociétés où on considère que la responsabilité du foyer incombe uniquement à la femme ou que les femmes n'ont pas les qualités nécessaires pour assumer des postes de responsabilité... être une femme peut être un «handicap» parce que les femmes s'autocensurent elles-mêmes de par leur éducation. Elles peuvent être également confrontées à plus d'obstacles et bénéficier de moins de soutien qu'un homme.
Encore une fois, heureusement nous avons plusieurs contre-exemples de belles réussites féminines qui peuvent être une source d'inspiration pour les jeunes femmes. La présidente du patronat marocain est une femme, sans compter les nombreuses femmes entrepreneurs, ministres, ambassadeurs, sportives, scientifiques qui assument des rôles qui étaient exclusivement réservés aux hommes...

À votre avis, pourquoi ne trouve-t-on pas assez de femmes dans les conseils d'administration ?
Nous avons un héritage sociologique. Et il faut encore un peu de temps pour que la question du genre ne soit plus un débat. Il faut soutenir la dynamique actuelle par des mesures concrètes pour que plus de femmes évoluent vers des postes de responsabilité de manière naturelle parce qu'elles le souhaitent et qu'elles en ont les compétences. Cela passe par une évolution profonde de la société et des mesures d'encouragement à l'école et en entreprise. De plus en plus d'entreprises sont déjà dans cette démarche et mettent en place des programmes d'encouragement de la diversité ou tout simplement des programmes d'accompagnement des femmes à travers de la formation, du coaching. Et puis il y a la mise en place de réseaux de femmes et des programmes de mentoring qui permettent à celles-ci de bénéficier d'autres expériences réussies ou tout simplement de se soutenir mutuellement ! Il va sans dire que les générations d'aujourd'hui se préparent à devenir les dirigeantes de demain. 

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