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Quand le béton sonne le glas des salles obscures…

Le phénomène de démolition des salles de cinéma de Kénitra se poursuit. Après Fantasio, Riad et Atlas, c’est au tour du cinéma Tanagra de subir le sort que certains n’hésitent pas à qualifier de tragique.

Quand le béton sonne le glas des salles obscures…

Les pelleteuses vont entrer en action, lors des prochains jours, pour raser un édifice culturel chargé de mémoire : le cinéma Tanagra. Plusieurs initiatives ont été menées par le tissu associatif de la ville, notamment le Cinéclub de Kénitra, afin de sauver ce qui pourrait l’être, mais l’appétit vorace de certains promoteurs immobiliers a eu le dernier mot. La culture et l’art sont leurs derniers soucis.

Saïd Raji, témoin d’un passé cinématographique glorieux, souligne avec amertume que la démolition des salles de cinéma de Kénitra était prévisible, mais que l’entrée en action des engins et des ouvriers pour la destruction d’un patrimoine culturel constitue, en elle-même, un acte symbolique. Il annonce le début d’une ère où la spéculation immobilière écrase tout ce qui se trouve sur son chemin. «Durant notre jeunesse, l’on fréquentait de manière régulière les salles de cinéma de la ville. Vous ne pouvez pas imaginer le plaisir que cela nous procurait. Regarder un film sur grand écran exerçait sur nous une grande fascination. Un plaisir dont sont privés, malheureusement, aujourd’hui, les cinéphiles de Kénitra, jeunes et moins jeunes», déplore-t-il.
Et comme un malheur ne vient jamais seul, une ville de 500.000 habitants ne dispose que d’un centre culturel de près de 250 places qui ne répond pas aux normes minimales de projection de films. Face à cette situation, les passionnés des salles obscures de la capitale du Gharb sont obligés de se déplacer à Rabat ou à Casablanca pour regarder un film. Selon plusieurs témoignages, les cinéphiles de Kénitra constituent la grande majorité du public qui fréquente les cinémas de la capitale. Une réalité qui met à mal les faux arguments de certains opérateurs économiques qui considèrent, à tort, que les salles de cinéma ne sont pas rentables.

Il est à rappeler que la ville de Kénitra disposait, il y a quelques années, de six salles de cinéma, dont la répartition géographique répondait aux besoins d’un public passionné du septième art. Aujourd’hui, il ne reste plus que la salle «Tihad», condamnée à disparaître, et le dernier espoir, qui ne cesse de s’amenuiser au fil du temps, réside dans la préservation du cinéma «Palace», sauvé in extrémis grâce au militantisme d’associations culturelles et qui a été inscrit comme patrimoine historique par le ministère de la Culture.
Le comble de l’ironie est que le phénomène de fermeture et de démolition des salles obscures intervient à un moment où la production cinématographique nationale est en plein essor. Les chiffres sont éloquents à cet égard. Sur le plan quantitatif, la production nationale a fait un bond extraordinaire, elle est passée de 3 films au début des années 1980 à 25 films produits en 2016.
À l’inverse, le nombre de salles de projection au Maroc est de près de 50 actuellement, alors qu’il y a 30 ans, le pays comptait plus de 250 salles de cinéma et 50 millions de spectateurs par an. Selon un bulletin de l’Unesco, un pays tel que le Maroc devrait être doté d’au moins 800 salles de cinéma.

Le phénomène de disparition des salles de cinéma ne concerne pas uniquement la ville de Kénitra, mais s’étend à l’ensemble des villes de la région du Gharb. Les salles de cinéma de Sidi Kacem, de Sidi Slimane, de Souk Larbâa et de Mechrâa Belksiri ont cédé la place à des immeubles et des surfaces commerciales. 

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