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Addiction des jeunes : éviter les discours moralisateurs

La Fondation Attijariwafa bank s’est attelée, dans le cadre de son cycle de conférences «Échanger pour mieux comprendre», à débattre de l’addiction des jeunes. Une rencontre animée par deux éminents psychiatres et psychologues spécialisés dans l’addiction, Dr Amine Benyamina et Dr Hachem Tyal.

Addiction des jeunes : éviter les discours moralisateurs
La dépendance nécessite trois facteurs : une personnalité vulnérable, un environnement propice et une substance qui provoque la dépendance.

«La jeunesse marocaine face aux défis de l’addiction» était le thème de la rencontre organisée, vendredi dernier, par la Fondation Attijariwafa bank dans le cadre de son cycle de conférences : «Échanger pour mieux comprendre».

Cette rencontre, la deuxième du genre de cette année 2018, a été animée par deux psychiatres de grande renommée : Dr Amine Benyamina, psychiatre addictologue et professeur de psychiatrie à Paris, ainsi que Dr Hachem Tyal, psychiatre et fondateur de la clinique psychiatrique Villa des lilas.

Les deux spécialistes ont ainsi débattu des effets scientifiques, neurologiques et psychologiques de l’addiction sur le cerveau, notamment celui des jeunes et ont tenté d’apporter des réponses aux questions que se posent les parents, à savoir : comment réagir et comment prévenir ?

Des questions légitimes surtout lorsqu’on sait que le Maroc recense près de 800.000 cas d’addiction aux substances illicites selon le rapport 2014 de l’Observatoire national des drogues et que d’après une étude menée dans le cadre du Programme national d'évaluation des acquis à l'école, publiée en avril 2017, 15% des élèves déclarent fumer le tabac, 13% utilisent les drogues au sein de l’établissement et 10% consomment l’alcool. C’est dire que l’addiction touche un public de plus en plus jeune. Et pour cause, l’adolescence est une période où l’individu est relativement fragile. Toutefois, les experts ont souligné la différence entre dépendances physique et psychologique. «Ce n’est pas parce qu’on prend de la drogue qu’on a forcément des problèmes de dépendance physique. Par contre, la dépendance psychologique accompagne toujours l’addiction, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui le craving, à savoir l’envie irrépressible de trouver la drogue», explique d’emblée Dr Hachem Tyal. «L’addiction c’est la perte de la liberté de s’abstenir», renchérit Dr Amine Benyamina.

Ainsi, Tyal affirme que le degré de dépendance physique se manifeste différemment selon la substance consommée. Le psychiatre indique ainsi que l’héroïne et l’alcool sont les produits qui entrainent le plus de dépendance, suivis par le tabac et enfin tout ce qui est amphétamine, cocaïne et cannabis. 

Comment devient-on dépendant ? Les psychiatres mettent en avant trois facteurs clés : une personnalité vulnérable, un environnement propice et une substance qui provoque la dépendance. «L’adolescence est une période durant laquelle les jeunes changent physiquement mais aussi psychologiquement. C’est le moment où les personnalités se construisent, et c’est ce qui est le plus dangereux. 

Parce que prendre de la drogue à cet âge entache la construction de cette personnalité, pire encore, la dépendance chez les jeunes détruit leurs capacités cognitives.  Ces substances empêchent la maturation du cerveau», s’alarme Dr Tyal. Même son de cloche chez Dr Benyamina : «Durant l’adolescence, le cerveau est encore vulnérable et sa maturation n’est pas complète et l’addiction compromet cette évolution». Le professeur en psychiatrie souligne par la même occasion que l’expérience de la drogue à l’adolescence est «normale» et la peur des parents est tout aussi normale. «C’est la consommation régulière qui affecte le cerveau et aussi le grand problème c’est que les jeunes sont devenus multi-consommateurs, dans le sens où ils diversifient les substances», insiste-t-il. Quelle solution alors doivent avoir les parents face à ce phénomène ? «Il faut absolument bannir le rôle moralisateur. L’interdiction ne sert à rien, il faut être à l’écoute et ne pas être dans la coercition. Il faut par contre changer notre rapport aux toxiques et se mettre à niveau des jeunes lorsqu’on discute avec eux», affirment les deux experts qui appellent également à une politique publique inclusive qui intègre les parents et un cadre légal plus adéquat. 

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