Quelles compétences pour les métiers de demain?

La digitalisation de l’information, l’intelligence artificielle, la mondialisation… sont autant de facteurs qui bousculent le monde de l’entreprise, en l’occurrence la nature et le contenu des métiers. Ces derniers sont appelés à évoluer davantage. Certains vont apparaitre, d’autres vont disparaitre, tandis que certains métiers prendront encore plus d’importance au niveau de l’entreprise. Les études ne cessent de se multiplier pour évaluer l’évolution du marché de l’emploi. La dernière en date est celle qui vient d’être réalisée par Emlyon Business School, en collaboration avec Viavoice, sur un échantillon de 400 jeunes diplômés et de 200 dirigeants d’entreprises. L’étude, qui s’est penchée sur plusieurs aspects, indique notamment que 32% des dirigeants d’entreprises interrogés orientent leurs recherches sur les métiers liés aux activités commerciales, 31% s’intéressent à la communication et 26% accordent plus d’importance aux systèmes informatiques. C’est dire que ces trois métiers auront la cote auprès de l’entreprise de demain. Pour en savoir plus et comprendre les enjeux de ces futurs métiers, nous avons contacté deux experts en ressources humaines. Chacun y va de son analyse, mais tous confirment cette donnée. En effet, face aux différents changements économiques et à une concurrence sans merci, les entreprises vont se concentrer d’abord «sur leur cœur de métier et donc sur la vente de services et/ou produits pour assurer leur développement, mais également sur les réseaux sociaux (communication), devenus un outil incontournable de commercialisation et d’informations», souligne Ismail Belabbes, consultant sénior en ressources humaines. Le constat est partagé par Ahlam Tahiri, enseignante à l’École nationale supérieure d'électricité et mécanique (ENSEM), coach certifiée et chercheuse dans le domaine de l’adéquation de la formation d’ingénieur et les besoins de l’entreprise de demain, les crises économiques et les concurrences fortes vont davantage pousser la création de nouveaux métiers liés à la commercialisation, mais aussi à la communication des produits. «Toute entreprise produisant des biens ou des services a toujours besoin d’assurer sa part de marché en créant et en développant des métiers liés aux activités commerciales», explique l’experte. Et d’ajouter que de nouveaux métiers liés à la communication vont voir le jour.
Autre constat qu’on peut tirer de l’étude : la révolution numérique est au cœur des métiers de demain. D’ailleurs, 9 jeunes diplômés sur 10 souhaitent travailler dans une entreprise en pleine révolution technologique. Les entreprises doivent alors continuer à emprunter le chemin de la transformation digitale, non seulement pour répondre aux besoins des digital natives, mais surtout pour assurer leur survie dans un futur, encore méconnu. «Le digital est devenu une priorité pour toute entreprise souhaitant survivre dans la dynamique mondiale de l’économie», confirme Ismail Belabbes qui n’a pas manqué de préciser qu’aujourd’hui tout se fait et tout se construit à travers des plateformes informatiques, et ce, dans tout domaine : logistique, finance, RH, administration, etc. Abondant dans le même sens, Ahlam Tahiri, réaffirme que le digital connait une dynamique à grande vitesse et donnera certainement lieu à de nouveaux métiers.    

Dans ce contexte, plusieurs nouveaux emplois commencent déjà à s’installer dans l’entreprise sous l’impulsion des nouvelles technologies. Community manager, traffic manager, chef de projet web, expert en référencement… nombreux sont les métiers voués au développement avec l’accroissement et la place qu’occupe le digital dans l’entreprise.

De nouveaux métiers… de nouvelles compétences
Les entreprises l’ont bien compris. Le monde se transforme très rapidement et les besoins en termes de compétences se multiplient. Outre la maitrise des langues et des nouvelles technologies, Ahlam Tahri indique qu’il est important de développer l’intelligence collective, l’esprit d’équipe, la capacité à gérer le stress et surtout l’intelligence relationnelle et émotionnelle. «Ces compétences permettront au collaborateur d’évoluer dans l’entreprise qui sera sans nul doute caractérisée par l’innovation, la citoyenneté et l’agilité», explique-t-elle. Toutefois, l’experte avertit que ces compétences sont à développer dès les premières années de scolarité. Dans un entretien accordé à «Matin TV», Samir Benmakhlouf, DG de la London Academy et ancien DG de Microsoft Maroc, propose de préparer les jeunes dès leur jeune âge, à l’école primaire, en travaillant sur six soft skills : la communication, le travail en équipe, la créativité, l’esprit critique, la citoyenneté et la personnalité (caractère de l’enfant). «Il faut qu’on redéfinisse l’intelligence, pas par un diplôme ni par une école ni même par une université, mais par rapport aux compétences», insiste-t-il. Notons, en guise de conclusion, que l’avenir se prépare de loin et qu’il est important d’adopter une approche d’apprentissage continu pour pouvoir évoluer et répondre aux enjeux de l’entreprise de demain. 

Déclaration de Ahlam Tahiri, enseignante à l'ENSEM, coach certifiée et directrice IT Advice

«Le monde se transforme, en matière de consommation, de vision, d’habitudes, etc. La mondialisation, les préoccupations climatiques, les avancées technologiques, plusieurs paramètres font que le monde du travail est métamorphosé par le numérique. Un grand nombre de métiers sont impactés, de nouveaux métiers apparaissent et d’autres métiers vont encore apparaitre demain. Je citerai en premier les mérites de la participation à la digitalisation des entreprises et tous les métiers liés au développement des systèmes d’informations, de l'intelligence artificielle et de la robotique. Les crises économiques et les concurrences fortes vont davantage pousser à la création de nouveaux métiers liés la commercialisation des produits. En effet, toute entreprise produisant des biens ou de services a toujours besoin d’assurer sa part de marché en créant et en développant des métiers liés aux activités commerciales. De nouveaux métiers liés à la communication vont voir le jour et seront impactés aussi par la digitalisation. D’une manière générale, nous remarquons aussi une évolution de l’entreprise : nous parlons de l’entreprise innovante, de l’entreprise citoyenne, d’un écosystème dont nous cherchons de l’agilité toute en prenant en considération l’être humain et l’importance de la relation humaine. Pour pouvoir suivre cette évolution, plusieurs compétences sont à développer, notamment l’intelligence collective. De même, pour répondre aux enjeux de l’entreprise de demain, l’employé doit avoir plus d’une corde à son arc : la maitrise des nouvelles technologies, une bonne organisation, une gestion de stress, un sens du relationnel développé et une ouverture vers d’inconnu. Les langues jouent un rôle capital et si l’anglais fait partie des pré-requis indispensables aujourd’hui, d’autres langues peuvent se révéler fort utiles.»

Entretien avec Ismail Belabbes, consultant sénior en ressources humaines.

«Tout métier devra absorber le changement en s'adaptant de manière évolutive à travers des formations»

Management & Carrière : Quels sont, à votre avis, les métiers amenés à évoluer et à se développer dans le futur ? 
Ismail Belabbes : Force est de constater que la digitalisation croissante de l'économie dans le monde a entraîné le développement de plusieurs métiers dans le domaine informatique (plus communément appelé SI dans différentes branches d'activités au Maroc et ailleurs). Ainsi, que ce soit les petites, moyennes, grandes entreprises ou encore les multinationales, l'activité de celles-ci s'est vue dépendante de la dynamisation de leurs projets informatiques pour justement s'inscrire dans cette «digitalisation de l'information». En conséquence, les ressources humaines qualifiées pour répondre au mieux à ces attentes «IT» sont passées du statut «nécessaires» à «obligatoires» en un délai très court. Tout se fait et tout se construit à travers des plateformes informatiques, et ce, dans tout domaine : logistique, finance, RH, administratif...

Justement, quelle place occupe réellement le digital dans cette dynamique ? 
Comme déjà mentionné, le digital est devenu une priorité pour toute entreprise souhaitant «survivre» dans la dynamique mondiale de l'économie et nous avons remarqué aujourd'hui que les administrations publiques sont devenues conscientes de ce «constat». Les entreprises comptent sur le digital pour croître et se développer et les administrations ont dû répondre à cela pour justement éviter un écart entre «demande» et «réponse à la demande». Il va sans dire donc que, domaine public ou privé, tout se digitalise.

Selon une étude qui vient d’être publiée par Emlyon Business School, les dirigeants d’entreprises orientent leurs recherches vers des métiers liés aux activités commerciales, à la communication et aux systèmes informatiques. Qu’en pensez-vous ? 
En effet, cette étude ne fait que refléter la concentration des entreprises sur leur cœur de métier et donc sur la vente de services et/ou produits pour assurer son développement mais également sur les réseaux sociaux (communication alors) qui sont devenus un outil incontournable de commercialisation et d'informations tant entre particuliers qu'entre entreprises et entreprises/clients. Par conséquent, les différentes professions liées au domaine informatique et à cette digitalisation des activités se sont améliorées et nous pouvons remarquer l'apparition et le développement de plusieurs cursus académiques dédiés spécialement à la réponse à ce besoin.

Quelles sont les nouvelles compétences à développer aujourd’hui pour répondre aux enjeux de l’entreprise de demain ?
Se concentrer sur son activité principale est un comportement «naturel» pour tout chef d'entreprise. Néanmoins, il doit intégrer, dans la dynamique que nous avons évoquée et qui est caractérisée par la digitalisation de l'économie mondiale, une prise en compte sérieuse et surtout des actions percutantes pour accompagner ce changement rapide et diversifié à travers le développement de ressources humaines qualifiées en informatique, business intelligence, analyse data, community management...

Qui dit métiers en évolution dit des professions en voie de disparition. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je ne crois pas en la disparition de métiers mais plutôt à une transformation structurelle de la base de travail de tout métier. Ainsi donc, un administratif qui était amené à gérer des dossiers physiques devra désormais s'appuyer sur des plateformes digitales. Un chef d'entreprise qui comptait sur une présence de financiers avérés dans leurs domaines pour assurer un management efficient, devra aussi prendre en compte des tableaux de bord d'étude et d'analyse digitale, etc. Tout métier devra absorber «le changement et la dynamique» en s'adaptant de manière évolutive à travers des formations et surtout des implémentations digitales dans plusieurs parties de ses missions et tâches.