Éco-Conseil : Quels sont les impératifs de la culture digitale et comment les piloter ?
Mehdi Chahi : Avant de vous parler des impératifs, j’aimerais rappeler les quatre valeurs essentielles de la culture digitale que j’ai déjà eu l’occasion de citer auparavant dans vos colonnes et qui sont la liberté d’expression, l’horizontalité, la transparence et l’esprit de collaboration. Elles constituent le fondement de la culture digitale et les piliers de la formalisation du Mindset digital au sein de tout environnement ou écosystème. Quant aux impératifs de la culture digitale, mes recherches dans le domaine du Digital Science ainsi que le retour d’expérience des projets et missions que j’ai eus l’opportunité de piloter dans différents secteurs me permettent de les définir autour de 6 piliers qui participent amplement à amorcer une transformation digitale au sein d’une entreprise. Ainsi, il est important de :
• Avoir une vision digitale : Elle devrait être établie au sein même de l’entreprise, menée avant tout par le top management. C’est savoir pertinemment que représente le digital dans la création de valeur et quelle place il occupe dans la chaîne de valeur de l’entreprise.
• Inclure la formation comme catalyseur de la culture digitale : Cela passe par la formation des collaborateurs avec comme objectif de comprendre ce qu’est le digital pour l’entreprise, mais aussi acquérir rapidement une cohésion autour de l’adoption et l’utilisation des technologies propices à la diffusion d’une culture autour du digital.
• Penser à la restructuration organisationnelle : Un chantier de toute importance qui ne devrait pas constituer une crainte, car le but ici, n’est pas de bafouer la structurer actuelle, mais plutôt d’optimiser l’organisation des flux collaboratifs, ce qui constitue l’essence même du digital. Aussi, d’impliquer activement la fonction RH dans la bonne conduite du projet de formalisation et de diffusion de la culture digitale entre les entités internes.
• Instaurer un mode collaboratif : Il s’agit d’abord de définir les rouages et les aboutissants d’un mode de travail collaboratif dans un environnement qui incite aux partages de connaissances pour accroître la productivité. Ceci est tout autant possible et véridique si l’entreprise est dotée d’une plateforme ou outil digitalisé qui permet aux collaborateurs de partager et travailler instantanément sur les mêmes projets. C’est aussi l’un des impératifs où l’implication de la fonction RH est nécessaire.
• Garder à l’esprit le focus sur le client : Il est impératif de retenir que quel que soit le concept Digital que l’on adopte, si cela ne permet pas de mettre le client au cœur de notre stratégie, de développer l’économie de partage – partage dans les deux sens, interne et externe, vers le client et émanant du client –, nous ne serions pas en mesure diffuser une culture digitale propice à la création de valeur.
• Finalement, en dernier et non des moindres, s’efforcer intelligemment de penser Big Data : Les données constituent un gisement important d’informations et chaque entreprise, quelle que soit sa taille, a l’opportunité de s’orienter «collecte de données», analyser, modéliser, tester et avancer sereinement en prenant des décisions basées sur des faits chiffrés.
Comment concilier la culture d'entreprise et la culture digitale ?
Il est clair que la transformation digitale influence la culture de l’entreprise. Le top management ne peut pas ignorer ce phénomène. Il doit se remettre en question, voire faire appel à de nouveaux talents pour s’adapter à temps et adopter les dimensions adéquates pour sa culture digitale sans heurter les valeurs déjà établies de la culture d’entreprise. Cette dernière repose sur un certain nombre de règles à respecter, notamment la transparence, l’expertise, la déontologie, le partage de connaissances et de l’information, mais aussi l’esprit d’équipe. Concilier entre les deux cultures requiert de mettre en place des leviers qui faciliteront la compréhension de l’enjeu digital, l’assimilation des composantes de la culture digitale et surtout l’adoption concrète et effective de cette dernière. En tant que Consultant Digital Strategist, je préconise et accompagne des entreprises dans la mise en place de leviers comme les Digital Workshops, les RSE (Réseau social d’Entreprise) ou encore des programmes de Digital Employee Advocacy qui peuvent favoriser la conciliation escomptée et mener à bon terme cette conduite de changement.
Quelle devrait être la posture RH dans cette démarche et comment accompagner les collaborateurs dans ce changement ?
La fonction RH se doit d’avoir plus qu’une posture, elle a un rôle majeur à jouer tout au long de ce processus de transition et elle doit être capable de piloter tout un cycle de changement composé de trois phases. Ce changement, que l’on peut appeler le Cycle DAP et dont la réussite se présente comme suit : D’abord, le diagnostic qui revient à identifier les besoins et les personnes concernées. Ensuite, l’accompagnement en choisissant les canaux les plus appropriés en matière, notamment de communication et de formation tout en préservant le climat social. Enfin, le pilotage qui consiste à trouver les ressources humaines capables de diriger ces transformations. Concernant l’accompagnement des collaborateurs, il n’y a pas de recette miracle, mais il y a deux incontournables : informer et former. Par ailleurs, le Digital n’est pas une révolution, c’est un changement porté par une révolution technologique et humaine et de nouveaux comportements des clients. Il a redonné la main au «Client», et a donné du pouvoir à «l’Utilisateur», et il est arrivé en transverse dans le monde économique conventionnelle et permet de créer de nouveaux Business Models. C’est pourquoi la sensibilisation des collaborateurs à cette évolution digitale est également devenue nécessaire pour donner du sens à la stratégie et susciter plus l’adhésion.