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L’oeuvre de feu Ahmed Cherkaoui, figure incontournable de l'abstraction marocaine

Rendre hommage à des précurseurs de la peinture marocaine est l’un des objectifs primordiaux du Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain. C’est le cas de l’exposition «Ahmed Cherkaoui, entre modernité et enracinement» qui restera accrochée jusqu’au 27 août prochain. Son inauguration a fait l’objet d’une conférence de presse, en présence du président de la Fondation nationale des musées, Mehdi Qotbi, et du fils du défunt, Nourredine Cherkaoui.

«C’est un vrai plaisir de faire découvrir au large public et aux passionnés d'art les œuvres du grand Cherkaoui, et ce, 50 ans après sa disparition. C’est une exposition d’une beauté incroyable. Et là, je tiens à remercier tous ceux qui ont travaillé dessus, pour leur professionnalisme et leur savoir-faire, en leur exprimant ma reconnaissance. Sans oublier Brahim Alaoui qui a soutenu et épaulé le projet depuis le début. Je dois vous avouer que j’étais très heureux que Nourredine Cherkaoui ait accepté de concrétiser cette belle aventure avec nous», souligne Mehdi Qotbi qui a toujours répété le slogan du partage de l’art et de la culture. De son côté, le fils du défunt, Nourredine Cherkaoui, n’a pas manqué d’exprimer sa fierté de voir ce grand projet réalisé dans ce joyau de la capitale, 50 ans après la mort de son père. «Le fait de voir Brahim Alaoui associé à cette exposition est un honneur. Aussi, la compétence de cette équipe organisatrice m’a ébloui. Des professionnels de qualité avec à leur tête le directeur du Musée, Abdelaziz Idrissi». La commissaire de l’exposition, Fatima-Zahra Lakrissa, a indiqué dans son intervention que le travail de Cherkaoui a nécessité énormément de recherches, afin de lever le voile sur les grands axes de la réflexion artistique de cette figure incontournable de l’abstraction marocaine. Et ce, en restituant son œuvre à travers un parcours chronologique mettant en lumière le développement de sa recherche picturale. «À mesure que je découvrais ses créations, je constatais que son œuvre n’était pas linéaire. Il fallait faire l’effort de la lire». Une richesse incontestable, malgré la courte vie artistique du défunt qui ne dépasse pas une dizaine d’années. «Il a laissé derrière lui des œuvres majeures qui comptent pour l’histoire de l’art universel. Il faut dire que ses 200 œuvres n’ont pas été très vues par le public. Mais, l’effort d’accompagner cette exposition par le Musée contribuera, sans aucun doute, à faire connaitre son œuvre», précise Brahim Alaoui. En effet, le public pourra découvrir des œuvres du début de sa carrière à ses dernières toiles en passant par celles réalisées en 1961-1962 dans lesquelles le travail du signe est consolidé, notamment celles des «Chants de l’Atlas», «Mosquée bleue», «Solstice» et bien d’autres qui seront publiées dans un ouvrage plus détaillé consacré à feu Cherkaoui.                                

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Entretien avec Nourredine Cherkaoui, fils du défunt

«Mon père a une singularité dans son parcours et on ne peut l'assimiler 
à aucun groupe»

 

Le Matin : Quelle est votre impression en voyant cette grande exposition au Musée Mohammed VI, 50 ans après la disparition de votre père ?
Nourredine Cherkaoui : C’est une grande joie pour moi que le Maroc honore mon père 50 ans après sa mort. Si aujourd’hui on peut organiser cette exposition dans ce bel écrin, cela est une fierté. Il suffit de voir ce musée, puis cette volonté politique sans faille de Mehdi Qotbi. Le fait d’associer dès le départ Brahim Alaoui, qui connait le mieux l’œuvre de mon père, avec qui j’avais fait, en 1996, une exposition sur mon père à l’Institut du monde arabe (IMA), puis de mobiliser une équipe compétente qui, en un temps record, a monté une si grande exposition, me réchauffe le cœur. 
Cette équipe a su rassembler et identifier les œuvres qui se trouvent au Maroc, dans les collections privées et celles acquises par des institutions ou chez la famille, ensuite établir un véritable programme digne de cet événement. Je me suis engagé à apporter le joyau, c’est-à-dire «Le solstice» qui fait 1,62 sur 1,62 mètre et qui représente le basculement en 1965 de l’œuvre de mon père. Il y a un temps fort que j’appelle «l’éclosion» en 1961 à Varsovie, parce qu’il y a un avant et un après, et ce basculement où le signe est complètement magnifié que l’artiste rend universel. Ce qui lui a valu d’être l'ambassadeur du Maroc à peu près partout dans le monde.

Quel souvenir gardez-vous de votre père l’artiste et l’homme ?
C’est un absent très présent déjà par le souvenir de ma mère qui n’a pas pu venir parce qu’elle est souffrante. Mais elle viendra sûrement quand elle se sera rétablie. Par le fait qu’à la maison, il y avait régulièrement des Marocains qui venaient me voir, discuter et contempler la peinture de mon père. Moi-même, je vis avec ma femme et mes enfants entourés par des œuvres de mon père. 
À ma majorité, j’ai décidé de tenir une ligne très précise, en tant que passeur privilégiant des opérations publiques, à travers des placements dans des musées plutôt que pour des collections privées. C’était le cas avec la première expérience en 1985 à Grenoble, puis Bruxelles en 1988, l’IMA en 1996. À partir de cette date, je me suis préoccupé de deux choses : identifier l’ensemble des œuvres de mon père et les certifier les unes après les autres, les placer dans quelques musées pour ne pas éparpiller l’œuvre. Par exemple, si vous googlisez Jacques Lang et IMA, vous allez tomber sur Jacques Lang avec le tableau de mon père. Je trouve que c’est une grande fierté.

À sa disparition, vous aviez 3 ans et demi. Vous rappelez-vous un peu de lui ?
Un moins bon souvenir que je garde de lui à cet âge lorsque je l’ai vu pour la dernière fois à l’hôpital. Un autre souvenir de tendresse entre père et fils quand je jouais avec une petite voiture sur sa tête chauve.

Cette exposition au Musée Mohammed VI, avez-vous contribué, de près ou de loin, à sa réalisation ?
J’étais à Londres pour le travail quand j’ai reçu un appel de Mehdi Qotbi me proposant de faire une exposition autour de l’œuvre de mon père. Dès le départ, j’ai posé deux conditions : voir les équipes du Musée et associer Brahim Alaoui à ce projet. Nous nous sommes retrouvés le 4 septembre dernier pour discuter et faire connaissance avec les équipes. Vraiment, le Maroc peut en être fier. Elles ont mené un travail professionnel de grande qualité.

Quel est, selon vous, le rôle joué par l’artiste Ahmed Cherkaoui dans l’univers des arts plastiques marocains ?
Ils sont deux précurseurs : Gharbaoui et Cherkaoui. Aujourd’hui, leur rayonnement est universel. Mon père a une singularité dans son parcours et on ne peut l'assimiler à aucun groupe, même s’il a côtoyé l’école de Paris et d’autres peintres. Puis, son œuvre fait le pont entre la France et le Maroc, puisqu’il a vécu en France et exposé au Maroc et en France. Il a toujours fait en sorte d’avoir des prestations dans les deux pays. Il n’a jamais failli à ses attaches avec son pays d’origine. 
Tout le monde le sait. En 1967, justement, il avait l’intention de revenir quelques années pour se consacrer à la jeunesse et enseigner la peinture. Mais comme vous le savez, il n’a pu exaucer son souhait. 


Propos recueillis par O.B.

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