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«Maitriser le cycle de transition se fait en trois temps : comprendre, apprendre et puis agir»

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Matin éco : Quel est le principe de base du management de transition et dans quelle mesure ce type de management s’inscrit-il aujourd’hui dans une démarche de croissance et de mutation ?
Sanae Hanine :
Je commence d’abord par expliquer que changement et transition sont différents. Un changement désigne une réalité objective (une promotion, un licenciement, un nouveau travail, un divorce…) tandis qu’une «transition» désigne la réalité psychologique et subjective qui s’applique aux adaptations à ce changement. La transition est un processus naturel de désorientation et de réorientation permettant le passage d’une étape de sa vie à une étape suivante. Un changement ne «prend» que s’il est intégré grâce à une transition. 
Les transitions sont cycliques et surviennent sur l’ensemble des étapes de notre vie personnelle ou professionnelle. Toutefois, il y a des transitions que nous souhaitons ardemment tandis que d'autres, subies, nous challengent. Elles impliquent les désagréments générés par la crainte de quitter notre zone de confort. Nos ancêtres accentuaient l’ampleur des transitions par des rites de passage censés faciliter la transition. Malheureusement, ce n’est plus le cas aujourd’hui et c’est à chacun de nous de trouver les moyens de se réinventer. 
Que peuvent avoir en commun un nouvel emploi, une nouvelle responsabilité, un départ à la retraite, une maladie, un deuil, un licenciement, un déménagement et même un changement de vision ? Au-delà de leurs différences, ces personnes sont en train de vivre la fin de quelque chose (statut, santé, rôle) et de commencer une nouvelle étape. Elles se retrouvent dans une période de confusion et de recherche d’équilibre pour entamer un nouveau départ. Ce flottement est propice à la réorientation. C’est ainsi que les choses se passent dans la nature. Les feuilles tombent, l’hiver s’écoule, puis la verdure émerge à nouveau. Le changement est une énergie vitale qui nous pousse à notre accomplissement.
Les transitions subites ou conséquence d’un choix personnel génèrent des automatismes d’adaptation dont les effets, les conséquences et les résultats deviennent à leur tour des sources, les causes et les déclencheurs des transitions à venir. C’est un mouvement perpétuel de cause à effet. Selon le fait que le changement sera choisi ou subi, cela aura une conséquence sur l’angle sous lequel on abordera la transition. Si une personne choisit un changement, par exemple, en acceptant une promotion, elle sera portée à mettre l’accent seulement sur la nouveauté en oubliant ou refusant d’envisager ce qu’elle perd. Dans la situation inverse, lorsqu’une personne perd quelque chose ou quelqu’un, son regard reste fixé sur ce qu’elle perd. Il est difficile de demander à une personne qui vit une perte de se focaliser sur la nouveauté. Son regard, pour un moment, reste tourné vers la perte, avec une impression que tout se termine là. Heureusement, la dynamique des transitions ne fonctionne pas de la sorte. Devant le changement, nous sommes attentifs au fait que de nombreux facteurs entrent en jeu pour nous mettre sous tension et nous désorienter. Les transitions déclenchent des défis à relever. Elles suscitent intolérance, stress, appréhension, manque d’énergie, indécision, voire une crise existentielle. Les automatismes qui tendent vers un retour à l’équilibre se mettent en œuvre pour nous faciliter la vie ou au contraire la compliquer. Ce qu’il faut bien saisir c’est le fait que le commencement ne suit pas instantanément la fin et qu’entre l’ancienne situation et la nouvelle, il existe une période de flottement, d’incertitude et de vide. Cette étape de flottement est la plus douloureuse parce que, au-delà du stress ressenti, nous y perdons nos repères suite à l’évolution des contextes, des situations et des relations. Les transitions renferment une sorte de pont, un passage que l’on traverse, une sorte de tergiversation qui permet de raccorder deux segments de leur vie. 

Quels moyens se donner pour réussir un management de transition ?
Quels que soient les changements qui impliquent une transition, les professionnels ont à gagner à les comprendre et à apprendre à leur faire face, de façon à être aux commandes de leurs vies. Être conscient des constances dans les transitions et qu’il est possible de vivre dans l’incertitude et dans l’instabilité lorsque l’on accepte que cette période de flottement soit nécessaire pour la réalisation d’un objectif, d’un rêve d’une étape de vie ou pour accepter une nouvelle réalité. Cela peut être agréable et peut inviter à l’introspection ou au dépassement personnel. Ce flottement que l’on pense être le chaos peut renfermer une certaine 
logique, un ordre dans le désordre.

Comment connaitre le chemin quand l’incertitude et le déséquilibre propres aux périodes de changements obscurcissent la vision ? 
À mon avis, il faut commencer par le commencement et revenir à sa mission de vie et sa mise à jour. Notre mission de vie nous sert de boussole pour intégrer un ou plusieurs changements. Elle peut pousser notre jugement et notre appréciation relative d’une transition dans le sens positif. Elle peut mettre en évidence nos priorités, nos motivations profondes et nos valeurs et justifier le passage à l’acte. Le comment apprendre à connaitre et à maitriser le cycle de transition se fait en trois temps : comprendre, apprendre et puis agir. 
Comprendre implique de partir à la découverte des diverses perceptions qui composent nos actions et nos réactions au changement. Nous aurons à comprendre davantage nos motivations et le sens que nous donnons à notre vie. Mettre à jour notre mission de vie nous permet de garder un repère quand ces derniers se font rares et de franchir le pas malgré la peur de l’inconnu. Comprendre que les transitions sont des passages, des ponts qui nous amènent ailleurs par un processus qui va au-delà du changement. Pour nous permettre de nous propulser vers notre plein potentiel, il faut que nous admettions d’abord que nous vivons cette transition et que nous traversons le pont qui la présente. Comprendre nous permet de nous sentir plus forts face aux bouleversements qui nous affectent. Quel que soient les changements que nous traversons : positifs, négatifs grands ou petits, nous devons faire d’adaptation et de souplesse pour pouvoir les harmoniser avec notre trajectoire de vie.
Apprendre : suppose de tirer des enseignements des apprentissages que l’on a fait toute notre vie d’une transition à une autre. Déterminer ses priorités tout en tenant compte de son corps émotionnel et de ses besoins. Nous pourrons alors nous situer à l’intérieur du processus de transition dans lequel nous nous trouvons à un moment ou un autre afin d’ajuster notre réponse au stress de manière adaptée et harmonieuse. Quoi qu’il arrive, nous devons apprendre à adopter une attitude et une posture qui, tel un chef d’orchestre, nous permettront de rester à la fois solides sur nos pieds, souples, inspirés et aptes à suivre la cadence qui nous garde vivants.
Agir : c’est-à-dire le passage à l’acte, prendre les commandes. Cette étape implique de porter notre attention sur ce qui nous anime et nous motive à agir. 

De nombreux professionnels ont des difficultés à vivre les transitions et expriment parfois même des résistances. Comment les accompagner pour mieux relever le défi ?
Il faut profondément croire à son potentiel immense tapi à l’intérieur de chacun d’entre nous. Même dans les moments les plus sombres, il existe un héros qui peut se révéler au grand jour. Le héros de notre propre histoire, celle que nous incarnons au fil des pages de notre vie. Je cite à ce sujet Rabindranath Tagore le grand poète indien qui a dit «Si je ne parviens pas à franchir une porte, je passerais par une autre porte ou je ferai une porte. Quelque chose de formidable viendra, peu importe la noirceur du présent.» La clé que je souhaite transmettre est celle de ce guerrier qui s’arme de la sagesse de l’Aïki. Ce principe favorise notre aptitude à combiner le lâcher prise avec la détermination qui est nécessaire au changement et à l’évolution. Pour qu’une fin soit une, il convient de lâcher prise sur ce qui était pour pouvoir accueillir ce qui sera. Les techniques de l’Aïki impliquent la non-résistance «celui qui ne résiste pas est victorieux». L’Aïki enseigne l’utilisation de notre énergie et notre force internes et son union avec l’énergie émise d’une source externe même adverse. Les neufs conseils inspirés de l’Aïki sont les suivants : 1) Considérer la situation sous tous les angles. 2) Maitriser une opposition en entrant à sa source et puis s’harmoniser avec elle. 3) Rester disponible, ouvert d’esprit et sincère . 4) Développer la puissance de son souffle et affuter la cadence de son rythme. 5) Se maîtriser et contrôler la situation ce qui permettra de garder le contrôle de la situation avant qu’elle ne nous échappe. 6) Gérer l’inconnu par le développement de son intuition pour percevoir l’attaque avant qu’elle ne se produise. 7) Se maintenir dans l’équilibre. 8) Être déterminé. Et pour clore, la neuvième technique stipule de rebondir après une chute et que la vraie victoire est la victoire sur soi. 

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