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«Les managers doivent inspirer, motiver par les passions, s’engager dans l’action et décider en pleine conscience»

«Les managers doivent inspirer, motiver par les passions, s’engager dans l’action et décider en pleine conscience»
Il est impératif aujourd’hui pour le leader d’apprendre à gérer ses propres émotions pour prendre des décisions rationnelles conformément à ses principes et ses valeurs.

Éco-Emploi : Quels sont les enjeux de l'intelligence émotionnelle pour le leader à l'ère de la transformation digitale ?
Samira Haddouch
: L’ère du digital augure d’un bouleversement profond dans notre façon de vivre, de travailler ainsi que dans nos relations aux autres. Avec cette quatrième révolution qui se profile et qui est celle du numérique, où l’intelligence artificielle s’invite partout avec un rythme sans précèdent, nous assistons d’ores et déjà à des transformations tangibles en entreprise, pour n’en citer que quelques-unes : les frontières de l’entreprise se redessinent pour devenir un lieu d’intégration à de multiples collaborations internes et externes (co-développement, co-working, hackathons…) et les métiers se transforment, impactant les compétences attendues des managers qui doivent se réinventer afin de pouvoir s’adapter rapidement aux mutations de leur environnement de plus en plus volatil, incertain, complexe et ambigu – communément appelé VUCA. L’enjeu est également de répondre aux attentes des nouvelles générations de plus en plus créatives, indépendantes et qui font voler en éclat les barrières entre vies professionnelles et personnelles. C’est dire que l’avenir du management passe d’abord par une étape très importante qui est celle de la prise de conscience de l’importance de devoir diriger autrement, voire inversement. Par le passé, il suffisait d’avoir une maîtrise de la performance économique pour garantir la performance de l’organisation. Aujourd’hui, c’est tout à fait le contraire puisqu’il s’agit de faire face à un mode en mutation en adoptant un management collaboratif et agile.
C’est ainsi que l’on voit progresser de 3 places l’importance de l’intelligence émotionnelle dans le classement des Top 10 des compétences du manager en 2020 (selon le Forum de Davos, 2016), pour venir se loger à la sixième place. Nous voyons également apparaitre dans ce classement une nouvelle compétence qui est la créativité et une nouvelle qualité qui est la flexibilité cognitive. Les managers doivent ainsi inspirer, motiver par les passions, s’engager dans l’action et décider en pleine conscience. Désormais intelligence artificielle et intelligence humaine marchent ensemble pour développer une nouvelle forme d’intelligence étendue.

Comment évaluer l’intelligence émotionnelle et, concrètement, quel est son impact sur la prise de décision et la motivation des collaborateurs ?
Aujourd’hui, les méthodes d’évaluation de l’intelligence émotionnelle reposent essentiellement sur des questionnaires où subjectivité et biais de toutes sortes influencent les résultats. La réalité virtuelle ouvre de nouvelles perspectives. Immergés dans un univers artificiel, les participants peuvent vivre de réels vécus émotionnels éprouvés sur le moment et offrant enfin la possibilité de travailler sur les émotions. Tout un monde s’ouvre donc à nous.
Qu’on le veuille ou non, les émotions font partie de nous et de notre quotidien. On peut même aller plus loin et dire que les émotions sont la définition même de notre humanité puisque c’est ce qui nous différencie des machines. 
Selon Daniel Goleman, l’intellect devient accessoire quand nous sommes sous l’emprise de fortes émotions. Ces dernières impactent nos actions et nos prises de décisions. On remarque très souvent que parler de son état émotionnel peut déranger, alors qu’au contraire, cela doit être accepté. Mieux encore, c’est le fait d’accepter les réactions émotives qui permet de mieux les comprendre et in fine mieux les gérer. Les découvertes des neurosciences nous permettent de mieux comprendre la place des émotions dans l’ensemble des processus cognitifs, c’est-à-dire la réflexion, la décision, la mémorisation, l’apprentissage… Il faut savoir ainsi que les émotions interviennent en amont de tous ces processus cognitifs et contribuent activement à notre bien-être et à notre performance. En milieu de travail, ce sont nos émotions qui nous permettent de travailler efficacement avec les autres puisqu’elles permettent de créer des liens et des connexions. Toutefois, il y a lieu de souligner que les émotions sont puissantes et il ne faut pas les laisser prendre le dessus. L’émotion peut donc également créer des conflits et pousser le manager à prendre une mauvaise décision. C’est dire qu’il est impératif aujourd’hui pour le leader d’apprendre à gérer ses propres émotions pour prendre des décisions rationnelles conformément à ses principes et ses valeurs. Le but est de pouvoir par la suite fédérer et transmettre la passion qui l’anime et faire preuve de passion. Cela est encore plus vrai à l’ère du digital, où le rôle du manager évolue pour être de plus en plus au service de son équipe (et non l’inverse), en veillant à développer les compétences de chacun et à créer un climat favorable à l’engagement et au bien-être.

Dans votre dernier séminaire, vous avez évoqué l'importance de reprendre la main sur son cerveau pour réussir dans la vie active. De quoi s'agit-il au juste ? 
La connaissance du cerveau humain a beaucoup évolué ces dernières années. Les récentes avancées scientifiques nous permettent aujourd’hui de mieux comprendre les modes de fonctionnement de notre cerveau. Ces connaissances remettent en cause nos croyances en matière de prise de décision et nous ouvrent un nouveau champ avec des données fascinantes portant sur la façon dont nous faisons nos choix. De même, ces connaissances nous permettent de mieux gérer le stress, les émotions négatives et par conséquent, nos relations au travail. J’insiste ainsi sur le fait qu’il est important pour le management d’intégrer toutes ces données et de faire sa révolution cognitive. Ainsi, apprendre à apprendre, par exemple, est un enjeu primordial de ce monde VUCA (Volatilité, incertitude, complexité et ambiguité). Et pourtant les connaissances sur la façon de fonctionner du cerveau, de mémoriser, de se concentrer, restent assez basiques 
pour chacun. 
Comprendre ces mécanismes cognitifs est un véritable atout pour reprendre la main sur son cerveau d’apprenant, pour déjouer les croyances limitantes, sortir de nos automatismes et ainsi augmenter sa puissance d’action. Et pour revenir à la prise de décision, décider en pleine conscience permet d’appréhender ce qui se joue à notre insu dans la prise décision afin de situer la place« inévitable» des émotions qui influencent toutes nos décisions. Il est donc essentiel de mieux prendre en compte nos biais cognitifs pour former une décision en parfaite consciente plus riche, plus complète, étayée, plus argumentée, voire plus stratégique.

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