Interrogé de prime à bord sur les raisons du retard de l’amorçage de la régionalisation avancée, M. Sehimi explique qu’elles sont diverses, mais identifiables. «Après la Constitution de 2011, il fallait attendre l’organisation des élections législatives en septembre 2015 pour la concrétisation du dispositif détaillé dans l’article 135 afin de mettre en place les collectivités locales». C’est le premier facteur de retard soulevé par le politologue. Ensuite, de 2015 à aujourd’hui, l’on peine toujours à mettre sur pied les régions, à les implémenter en leur donnant les moyens nécessaires, ajoute M. Sehimi, avant d’insister sur un autre facteur tout aussi important qui est la rigidité politique et administrative. «Nous sommes formatés pour un État unitaire et central, les acteurs eux ne sont pas prêts à changer de paradigme et de modèle pour se risquer dans une régionalisation qui n’est pas encore maîtrisée», explique l’invité de Rachid Hallaouy. Selon lui, les acteurs clés dans ce processus font de la «résistance au changement».
Comment faire pour sortir de cette situation ?
Pour M. Sehimi, la réponse est claire : il faut du volontarisme politique. Il a ainsi déploré un manque de prise d’initiative de la part des politiques et d’anticipation des réformes. Le politologue a tenu également à tirer la sonnette d’alarme en indiquant que l’attractivité de la régionalisation est en train de perdre de sa dimension et de sa nature. «Aujourd’hui, si vous faites un sondage auprès des élus et des citoyens, ils vous diront que rien n’est constaté sur le terrain», s’inquiète M. Sehimi.Côté législation, l’invité de Rachid Hallaouy a tenu à rappeler la loi organique de juillet 2015 relative aux régions et qui érige celles-ci en collectivités territoriales de droit public, dotée de la personnalité morale, de l’autonomie administrative et de l’autonomie financière, et constituant l’un des niveaux de l’organisation territoriale décentralisée du Royaume, fondée sur une régionalisation avancée. En plus, le gouvernement a adopté une dizaine de textes dans le même contexte, mais il en manque encore, s’écrie M. Sehimi. Et d’ajouter que ces textes devront par la suite être appliqués, notamment en ce qui concerne la répartition des compétences entre celles propres aux régions (fiscalité, environnement, travail, tourisme…), celles partagées entre l’État et les régions et, en dernier lieu, les compétences transférables au fur et à mesure de l’état d’avancement du développement des régions.Un modèle de démocratie politique et participative
C’est l’esprit même de la régionalisation avancée, insiste M. Sehimi. «Nous avons les nouvelles collectivités territoriales avec des élus provenant des urnes, c’est bien là l’expression de la démocratie. Il y a même la possibilité d’élargir le champ vers une démocratie participative telle que définie par la Constitution et qui donne notamment aux citoyens la possibilité de faire des pétitions sur tel ou tel problème de leur région», note-t-il. C’est d’ailleurs l’un des acquis de la nouvelle Constitution qui donne aux électeurs le droit d’interpeller les élus à travers des pétitions.Une élite de leaders
La régionalisation avancée se fera aussi par des leaders. Le président de la région doit avoir une capacité d’entrainement, une crédibilité et une capacité de gérer au niveau interne et d'assumer son rôle d’interlocuteur auprès des administrations centrales et des acteurs économiques pour défendre les intérêts de sa région. À côté du président de la région, M. Sehimi insiste sur le rôle des élites politiques régionales et la nécessité pour les partis politiques de sortir de leur modèle centralisé et de raisonner suivant un modèle régional. «Il faut promouvoir une nouvelle élite régionale, soit de l’intérieur de partis politiques prêts à se lancer dans une réforme de la structure centralisée, soit via une mobilisation des élites régionales pour investir le champ politique», explique le politologue qui reste convaincu que la régionalisation est l’avenir du Maroc et qu’il faut du patriotisme régional pour relever le défi.