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Pourquoi le néolibéralisme triomphe-t-il ?

Les gouvernements successifs, depuis l’alternance, mènent des politiques interventionnistes de grands travaux d'infrastructure et de plans sectoriels, alors que la Banque centrale adopte, de par ses statuts et sous la pression de nos partenaires extérieurs, une politique néolibérale qui ne jure que par le maintien des équilibres macroéconomiques. Les notions de droite et de gauche perdent, dans ces conditions, toute signification et les politiques adoptées n'ont plus rien à voir avec les tendances partisanes. Mais le néolibéralisme, même ébranlé par la succession et la gravité des crises qui le secouent, demeure l'idéologie dominante depuis au moins le début des années 80 du siècle dernier et l'arrivée au pouvoir de Reagan aux États-Unis et Thatcher en Grande-Bretagne. Alors pourquoi séduit-elle autant ?

Pourquoi le néolibéralisme triomphe-t-il ?
La politique économique doit s’attacher à lever tous les obstacles réglementaires, fiscaux, sociaux et monétaires, qui affectent la capacité des entreprises à produire et à vendre.

La loi naturelle
Pour comprendre l’école libérale et donc les mouvements politiques dits de droite, il faut revenir à sa philosophie première. L’école libérale croit en l’existence de lois naturelles en économie semblables à celles que la physique étudie dans la nature ; et que ces lois, censées gouverner les sociétés humaines, sont les meilleures possible pour les Hommes. Il n’y a donc aucun intérêt à vouloir les changer. 
Le rôle de l’économiste est de les découvrir et celui des gouvernements de régler la conduite des sociétés d’après ces lois. Toute intervention tentant de modifier cet ordre naturel est au mieux inutile, au pire dangereuse pour les libertés individuelles et le fonctionnement optimal des sociétés. La meilleure chose à faire est, dans ce cas, de laisser-faire. Cette croyance explique tous les mouvements de déréglementation et de désengagement de l’État de la sphère économique en vogue depuis plusieurs décennies.

L’intérêt individuel comme moteur de l’évolution
Les mouvements libéraux sont individualistes en ce sens qu'ils considèrent l'effort individuel comme étant l'unique moteur de l'évolution sociale. Ainsi, selon cette doctrine, partout où les hommes sont laissés à eux-mêmes et libres d'agir suivant leurs intérêts, ils effectuent, sans que cela soit spécialement dans leur intention, les meilleurs choix possible pour la communauté. Les intérêts individuels sont, par conséquent, fort convergents et entre eux s'établit une harmonie qui constitue précisément l'ordre naturel, lequel est de loin supérieur à toute combinaison artificielle que l'on pourrait imaginer, ainsi que l’écrit Adam Smith dans la «Richesse des Nations» : «En préférant le succès de l'industrie nationale à celui de l'industrie étrangère, il [chaque individu] ne pense qu'à se donner personnellement une plus grande sûreté ; et en dirigeant cette industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu'à son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler». 

Laissez faire et tout ira mieux
Selon cette conception, le marché est le meilleur régulateur de l’activité économique, le garant des intérêts individuels et le système qui assure l’allocation la plus optimale des ressources. Sans qu’il y ait besoin d’une quelconque intervention, celui-ci s’autorégule.
Le rôle de l’État se limite à empêcher, par la force de la loi et des armes, tout ce qui est de nature à entraver les initiatives individuelles. En conséquence, l'intervention de l'autorité doit se réduire aux fonctions régaliennes, à savoir le maintien de l'ordre, la justice et la défense du territoire. 
Certains intellectuels, dont David Friedman (fils de Milton Friedman), cherchent même à démontrer non seulement la désirabilité, mais aussi la faisabilité pratique d'une société fonctionnant sans le moindre État. Pour lui, la société fondée sur de seuls échanges volontaires entre individus libres est la seule société juste qui puisse être et s'attache à déterminer les conditions pratiques d'existence d'une telle société. Il défend ainsi la privatisation de fonctions régaliennes comme la justice, la police ou la monnaie.
L’objectif final est que les citoyens ne financent pas, via les prélèvements divers (impôts, taxes, parafiscalité, cotisations), un État qui, au mieux, n’est pas efficace (les lois naturelles lui sont supérieures) et au pire, pouvant dégénérer, en un instrument d’oppression et de censure des libertés. On comprend aisément que, pour les libéraux, les déficits budgétaires sont le comble de l’horreur économique. 

L’offre crée la demande
Selon les tenants de l’école libérale, la meilleure manière d’assurer la croissance économique est de soutenir l’offre. Autrement dit, il s’agit de supprimer toutes les lois de nature à entraver la libre entreprise et d’aider les firmes à produire davantage de biens et services et à pénétrer continuellement de nouveaux marchés domestiques et étrangers. La politique économique doit, par conséquent, s’attacher à lever tous les obstacles réglementaires, fiscaux, sociaux et monétaires, qui affectent la capacité des entreprises à produire et à vendre. Il est question de favoriser l'initiative privée, en encourageant l’investissement productif par la diminution de la charge fiscale pesant sur l'activité économique (impôt sur les sociétés, taxe professionnelle, etc.), en réduisant les charges grevant leur compétitivité (cotisations sociales) et en promulguant des lois protégeant la libre circulation des capitaux et assurant la flexibilité du marché du travail. Cette politique économique a connu son apogée sous la présidence de Ronald Reagan au point qu'on la désigne souvent par le terme «reaganomics». Selon ses partisans, l'objectif de croissance ne peut être atteint qu'en levant les freins qui entravent le développement des entreprises et qui sont souvent liés, selon eux, à un État mammouth qu’il faut nourrir par l’argent du contribuable.
Tout cela c’est en théorie, la réalité est hélas une tout autre histoire. 

Par Nabil Adel 
Nabil Adel est Chef d'entreprise, chroniqueur, essayiste et enseignant-chercheur à l'ESCA - École de Management.

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