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«Les relations sino-marocaines sont entrées dans une nouvelle phase de développement marquée par un resserrement sans précédent des liens politiques bilatéraux»

Depuis la visite officielle de S.M. le Roi Mohammed VI en Chine en 2016, les relations entre les deux pays ne cessent de se renforcer. Dans l'entretien qu’il a accordé au «Matin», à l’occasion du Nouvel An chinois, l’ambassadeur de la République populaire de Chine à Rabat, S.E. Li Li, revient sur la nature de ces relations. Mettant en avant l’importance du volet économique dans ces relations, l’ambassadeur est également revenu sur le rôle stratégique que pourrait jouer le Maroc pour favoriser la coopération entre la Chine et les pays africains.

«Les relations sino-marocaines sont entrées dans une nouvelle phase de développement marquée par un resserrement sans précédent des liens politiques bilatéraux»
S.E. Li Li, ambassadeur de la République populaire de Chine. Ph. Saouri

Le Matin : On fête dans quelques jours le Nouvel An chinois. Que représente cette manifestation et quelles sont les activités prévues dans ce cadre au Maroc ?
S.E. Li Li :
La fête du printemps est la fête la plus importante pour la communauté chinoise. Chaque année, c’est un moment important pour les réunions de famille, pour les rencontres amicales entre les amis et c’est également un moment important pour montrer les différents aspects culturels de la vie quotidienne. Avec l’ambassade et la communauté chinoise installée au Maroc, on organise une série de manifestations culturelles importantes pour mettre en avant les aspects de la culture chinoise et également pour promouvoir la culture multi-ethnique du pays. Pour cette année, on organise la foire culturelle à Rabat et un carnaval à Casablanca. Nous avons également le plaisir de recevoir des artistes très connus et qui viennent directement de Chine. Avec tous ces efforts au niveau de l’ambassade, on est prêt à montrer ces différents aspects de notre culture 
aux Marocains.

La dernière visite de S.M. le Roi Mohammed VI en Chine a donné un nouvel élan à la coopération entre les deux pays. Peut-on dire que la convergence de vues politiques favorise la mise en place des partenariats économiques ?
Exactement, la convergence de vues constitue la base et la condition préalable de la coopération bilatérale, aussi bien dans le domaine économique que dans d’autres. Cela est tout à fait clair comme le rapport entre l’eau et les poissons : meilleure est la qualité de l’eau, plus dynamiques sont les poissons qui vivent dedans. Mieux on s’entend sur le plan politique, plus fructueuse est la coopération. Depuis l’établissement du partenariat stratégique sino-marocain en 2016, les relations bilatérales sont entrées dans une nouvelle phase de développement, marquée par un resserrement sans précédent des liens politiques bilatéraux. Forts d’une confiance mutuelle renforcée, les deux pays ont réalisé d’importants progrès encourageants dans tous les domaines, notamment la coopération pragmatique qui s’est avérée très fructueuse.
En novembre 2017, la Chine et le Maroc ont signé un mémorandum d’entente au sujet de la construction conjointe de «la Ceinture et la Route», document constituant une base politique importante pour la coopération sino-marocaine dans les années à venir. Les entreprises des deux pays sont appelées à mieux valoriser le potentiel pour une coopération industrielle plus approfondie sur cette plateforme. Nous espérons qu’elles pourront renforcer leur coordination en matière de politiques afin de créer un cadre institutionnel plus propice, étendre leur coopération commerciale et d’investissement tout en coopérant davantage sur l’innovation, et poursuivre leurs efforts visant une coopération tripartite gagnant-gagnant, avec des projets structurants.
Pareille chose dans le domaine du commerce. L’initiative d’un accord de libre-échange entre les deux pays a été lancée il y a plusieurs années, sachant que tous les deux, la Chine et le Maroc, sont de fervents défenseurs du libre-échange. Le Président Xi Jinping a rappelé au monde entier la position chinoise en faveur de la mondialisation début 2017 à Davos, alors que sous la conduite clairvoyante de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc œuvre depuis toujours pour la libéralisation des échanges commerciaux. Face à une situation économique mondiale complexe et changeante, il nous convient d’exploiter davantage d’opportunités et de plateformes, pour promouvoir la facilitation du commerce, la libéralisation de l’investissement, et œuvrer en vue d’une mondialisation plus ouverte, plus tolérante, plus universelle et plus équilibrée.

Depuis la dernière visite royale en Chine, les citoyens chinois désirant se rendre au Maroc sont dispensés de visa. Quel impact a eu cette mesure sur le nombre de Chinois visitant le Maroc ? Peut-on avoir des chiffres dans ce sens ?
Lorsque vous demandiez à un Chinois quelle ville marocaine il connaissait, sans aucune hésitation, neuf sur dix vous répondaient Casablanca. Et pourquoi ? En raison du film américain. Mais aujourd’hui, c’est facile de les voir vous parler de Marrakech, de Chefchaouen, de Merzouga... Il y a moins de deux ans, on ne pouvait pas imaginer une telle connaissance du Maroc par le commun des Chinois. Or ils sont nombreux à venir découvrir ce beau pays aux mille facettes, qui figure désormais parmi leurs destinations les plus privilégiées, et à repartir avec un souvenir marquant, entre les splendides paysages du pays, les couleurs de ses villes, la gastronomie et l’hospitalité de ses habitants.
Grâce à la décision royale prise lors de la dernière visite en Chine, le nombre de touristes chinois au Maroc a connu une montée très rapide. Ils étaient moins de 2.000 par an avant juin 2016, alors qu'à fin 2017, avec une croissance avoisinant les 800%, l’objectif marocain de recevoir 100.000 touristes chinois est déjà atteint avec une année à l’avance. Dans deux semaines, ce sera la Fête du Printemps en Chine. On s’attend à un nouvel afflux de touristes chinois.
La coopération touristique, avec une dynamique sans précédent, a ouvert une nouvelle fenêtre pour une meilleure connaissance entre les peuples chinois et marocain. L’ambassade de Chine au Maroc entend travailler plus étroitement avec les organismes marocains concernés pour la rendre plus riche et plus fructueuse et en faire un pilier du partenariat stratégique sino-marocain.

Visiblement, le Maroc a la cote auprès des grands groupes chinois. Après Haite qui a renouvelé son engagement dans le cadre du projet «Cité Mohammed VI Tanger Tech», BYD vient de signer avec le Royaume un protocole d’accord portant sur l'implantation d'une usine de voitures électriques près de Tanger, outre la construction à terme de trois autres usines, l'une de batteries électriques, l'autre de bus et de camions électriques et la dernière destinée à la fabrication des trains électriques. Que représente cela pour vous en tant qu’ambassadeur ? Peut-on dire que le Maroc sera la prochaine plateforme industrielle de la Chine en Afrique ?
J’ai été nommé ambassadeur de Chine au Maroc à un moment très favorable. La relation entre la Chine et le Maroc n’a jamais connu un développement d'une telle qualité. Toutes les conditions sont réunies pour approfondir le partenariat stratégique sino-marocain. D'autant plus que nous célébrerons cette année le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays, ce qui nous offre une nouvelle opportunité pour développer davantage ce partenariat. Actuellement, les entreprises chinoises portent un intérêt croissant à l’Afrique en général, et au Maroc en particulier. Encouragées par la stratégie «sortir du pays» du gouvernement chinois, elles sont plus nombreuses à envisager un investissement sur le continent africain, notamment les entreprises privées. 
Récemment, un rapport de McKinsey montre que 90% des investisseurs chinois en Afrique viennent du secteur privé. Ce sont en général des PME qui travaillent dans des secteurs non liés aux matières premières. Dynamiques et courageuses, elles contribuent non seulement à la création d’emplois, mais aussi à la formation des compétences professionnelles, au transfert de technologies et au développement d’infrastructures. Le rapport qualité-prix des produits chinois et l’efficacité des entreprises chinoises sont les deux atouts les plus appréciés par nos partenaires africains. Nous, mes collaborateurs de l’Ambassade et moi, sommes à la disposition du monde des affaires pour mieux faire connaître le cadre d’investissement marocain à plus d’entreprises chinoises, les encourager à venir s’installer plus nombreuses au Maroc et les accompagner dans leurs activités. Je suis convaincu qu’avec les efforts conjugués de nos deux pays, la coopération pragmatique sino-marocaine jouera un rôle exemplaire dans la région et profitera à tout le monde.

Comment d’après vous le Maroc peut-il favoriser la coopération entre la Chine et les pays africains ? Quels atouts le Maroc peut-il mettre au service de la Chine ?
Dès qu’on parle du Maroc, on pense immédiatement à sa position géographique privilégiée, au carrefour de l’Europe, de l’Afrique, de la Méditerranée et de l’Atlantique. C’est aussi un pays jouissant d’une grande stabilité sociale et disposant d’une base industrielle solide. Fort de ces atouts, il est, depuis 2011, parmi ceux de la région en mesure de maintenir une croissance économique régulière. Très actif dans la coopération régionale, le Maroc a beaucoup de liens avec les autres pays africains, surtout après son retour à l’Union africaine en 2017, et deviendra dans les années à venir une plateforme importante pour la coopération régionale. Il a certainement beaucoup d’expérience à partager, vu la réussite de ses nombreux projets sur le continent. Ensemble avec la Chine, qui souhaite poursuivre sa coopération renforcée avec les pays africains dans le cadre du Forum sur la coopération sino-africaine, ils pourront bien envisager une coopération tripartite.
En tant que pays en développement, la Chine et le Maroc ont beaucoup de similitudes. Dans le contexte économique actuel, ils font tous les deux face à la transformation de leur mode de développement et ont donc intérêt à travailler ensemble pour relever les défis. Aujourd’hui deuxième économie dans le monde, la Chine possède des fonds, des technologies, des équipements et des expériences de gestion, tandis que le Maroc, de son côté, a surtout des atouts, vu l’abondance de ses ressources humaines, la haute performance de ses mains-d’œuvre et la grande capacité de son marché. Il est à noter en particulier que les stratégies et politiques que les deux pays ont mises en œuvre pour faire cela, à savoir l’initiative chinoise «la Ceinture et la Route» et «le Plan d’accélération industrielle pour la période 2014-2020» du Maroc, sont en parfaite synergie. Cette complémentarité conduit naturellement à une coopération étroite. Le moment est donc venu pour nous de mettre en valeur nos atouts respectifs pour renforcer le Partenariat stratégique sino-marocain, transformer nos potentialités en force motrice du développement et en résultats concrets au profit de nos peuples, et défendre ainsi nos intérêts et ceux des pays africains.

Pourriez nous parler de l’initiative «la Ceinture et la Route» ? Quel rôle peut jouer le Royaume dans la concrétisation de ce grand projet ?
L’initiative «la Ceinture et la Route» a été lancée en 2013, l’objectif principal étant de renforcer la coopération chinoise avec l’extérieur, de faire valoir les atouts complémentaires et de promouvoir le développement commun. Actuellement, une centaine de pays, régions et organisations internationales ont participé activement à la construction conjointe de «la Ceinture et la Route» avec la partie chinoise. Les premiers résultats ont été enregistrés : l’investissement des entreprises chinoises dans les pays riverains a dépassé les 50 milliards de dollars américains ; 56 zones de coopération économique et commerciale ont été créées, générant une recette avoisinant 1,1 milliard de dollars américains et créant 180.000 emplois pour les habitants locaux. Ce qui constitue une contribution au développement et à la prospérité dans le monde.
En mai 2017, 1.500 invités du monde entier, dont 29 Chefs d’État et 130 représentants ministériels, dont Madame Rkia Derham, secrétaire d'État auprès du ministre de l’Industrie, de l’investissement, du commerce et de l’économie numérique, chargée du Commerce extérieur, se sont réunis à Beijing dans le cadre du Forum «la Ceinture et la Route» pour la coopération internationale. Ensemble, les participants ont fait le bilan des acquis enregistrés dans la mise en œuvre de l’initiative et pour donner les orientations à suivre dans les années à venir. En novembre 2017, S.E.M. le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Nasser Bourita, a signé à Beijing avec son homologue chinois Wang Yi le mémorandum d’entente portant sur la construction conjointe de «la Ceinture et la Route», ouvrant de nouveaux horizons à la coopération sino-marocaine.
Unique pays arabo-africain situé entre l’Océan Atlantique et la Méditerranée, le Maroc dispose d’une parfaite position géographique lui permettant de jouer un rôle clé dans la construction de «la Ceinture et la Route» et d’exercer un effet d’entraînement tant sur le continent africain qu’au-delà de la Méditerranée. Les deux pays pourront renforcer leur coopération dans le domaine de l’industrie, de la pêche et des infrastructures portuaires et ferroviaires pour faire du Maroc un hub commercial et logistique à l’extrémité ouest des «Nouvelles Routes de la soie». Je suis sûr que les actions que nous entreprenons en vue de la construction conjointe de «la Ceinture et la Route» seront très prometteuses et profiteront énormément aux deux peuples.

Lors du Sommet de Johannesburg du Forum sur la coopération sino-africaine tenu en 2015, il a été procédé au lancement, avec un financement chinois de 60 milliards de dollars, des «Dix programmes de coopération» pour les trois années à venir, couvrant des domaines comme l’industrialisation, la modernisation agricole et les infrastructures. Le Maroc fait-il partie des pays bénéficiaires de ces programmes ?
Le plan d’action axée sur «cinq piliers» et «dix programmes» et le soutien financier de 60 milliards de dollars annoncés par la Chine au Sommet de Johannesburg du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) ont été favorablement accueillis par les pays africains. Récemment à Beijing, les participants à la réunion des hauts fonctionnaires du FOCAC ont une nouvelle fois salué cette initiative chinoise, surtout avec les résultats considérables enregistrés depuis. Dès sa création, le FOCAC a été une plateforme importante de dialogue collectif et un mécanisme efficace de coopération pragmatique entre la Chine et l’Afrique. Le Maroc, qui milite toujours pour une coopération renforcée entre la Chine et les pays africains, y a apporté une contribution remarquable. Sur le plan politique, nous avons toujours constaté une grande convergence de vues sur de nombreuses grandes questions internationales et régionales. Concernant la coopération, bon nombre de projets qui touchent au bien-être de la population ont été réalisés. C’était le cas de la formation, des recherches en commun, de l’aide médicale, des infrastructures... 
Le Sommet de Johannesburg a marqué un nouveau jalon dans la coopération gagnant-gagnant Chine-Afrique. Aujourd’hui, trois ans après, l’heure est au bilan. Les résultats sont nombreux, donnant une forte impulsion au développement des relations sino-africaines. Afin de prolonger cette dynamique, la réunion du FOCAC qui aura lieu en Chine cette année a été de nouveau hissée du rang ministériel au niveau d’un sommet réunissant les Chefs d’État chinois et africains. Nous sommes convaincus que le Maroc y apportera sa contribution comme il l’a toujours fait dans le passé.

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