Une leçon précieuse et claire d’histoire
Le Maroc semble avoir retenu la leçon, mais...
Le Maroc a bien appris cette leçon très tôt après l’indépendance. En optant pour la non-regrettée politique d’import-substitution et pour la marocanisation, la volonté des pouvoirs publics fut manifeste de doter le Maroc d’une véritable base industrielle nationale, sans abandonner sa vocation agraire, ni sacrifier ses atouts dans le tourisme. Le Maroc a certes pu mettre en place une base industrielle, mais elle fut insuffisante pour amorcer un véritable décollage économique du pays, car non compétitive et insuffisamment intégrée. Plus récemment, les plans d’émergence et d’accélération industrielles ont visé à rattraper le retard industriel du Maroc par rapport aux pays dits émergents. Alors que certains secteurs identifiés par ce plan semblent atteindre le point d’inflexion (automobile et aéronautique par exemple), d’autres tardent à dégager la tête de l’eau (textile et agroalimentaire par exemple), mais la volonté est là et il faut la consolider par des actions d’accompagnement plus robustes.… il ne faut pas rater un autre train qui va à grande vitesse
Si depuis la fin du 18e siècle, l’industrie est la ligne de différenciation entre pays développés et pays sous-développés, cela ne semble plus être le cas au 21e siècle. La révolution numérique introduit de nouvelles règles de démarcation qui bouleversent tout l’ordre établi. Le retard ou l’avance d’un pays se feront en fonction d’autres critères imposés par les nouvelles technologies de l’information, car celles-ci modifient profondément la manière dont les autres secteurs opèrent y compris l’industrie elle-même. Aujourd’hui, pour s’industrialiser il faut maîtriser des disciplines issues de cette révolution technologique telles la robotisation, l’intelligence artificielle, les usines 4.0, internet of things, etc. Dans notre pays, mis à part le modeste plan Maroc numérique, cet important chantier, ô combien vital, ne semble pas figurer parmi les priorités du gouvernement. Le rattrapage de ce retard technologique, pourtant largement à notre portée, doit faire l’objet d’un plan aussi stratégique que les plans «Maroc vert», «azur» ou encore «d’accélération industrielle». L’acquisition du savoir-faire technologique doit mobiliser les efforts de toutes les forces vives du pays et l’ériger en devoir national. Hier, c’était l’industrie ; aujourd’hui, c’est l’industrie et ce sont les nouvelles technologies de l’information qu’un pays doit dompter pour se développer. Or tant nos dépenses en recherche et développement, que nos résultats en dépôts de brevets et en publications scientifiques n’augurent pas d’un avenir prometteur en la matière. Au moins avec les secteurs industriels qui tardent à se consolider, nous avons le début de quelque chose, alors qu’en matière de nouvelles technologies d’information, nous n’avons qu’un plan modeste aux moyens limités et en deçà de ce que ce pays est capable de mobiliser. Un petit pays comme Israël, ayant moins d’un siècle d’existence, est considéré comme un géant numérique, car il a fait des nouvelles technologies de l'information une priorité nationale, à laquelle il a consacré les moyens humains et matériels nécessaires et l’a dotée d’une gouvernance transparente portée par des institutions fortes. L’expertise dans les nouvelles technologies de l’information est au développement au 21e siècle, ce que la maîtrise de la machine à vapeur fut pour la révolution industrielle au 18e siècle. Ça devient presque un passage obligé.
Par Nabil Adel
Nabil Adel est Chef d'entreprise, chroniqueur, essayiste et enseignant-chercheur à l'ESCA - École de Management.