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Le TGV des nouvelles technologies de l’information

S’il y a un consensus entre économistes du développement, c’est bien autour de l’importance de l’industrialisation comme préalable à tout décollage économique. L’histoire économique ne leur contestera certainement pas cette thèse. Cette quasi-loi, qui recueille également le consensus auprès des décideurs économiques, atteint rapidement ses limites dans l’ère du tout numérique dans laquelle nous vivons. Elle nous impose une nouvelle réalité, à savoir que le développement au 21e siècle n’est pas dans l’industrie, mais dans la maîtrise de ces technologies du futur. Or autant nos responsables semblent avoir compris la première leçon (industrialisation), autant ils donnent l’impression de passer à côté de la seconde (nouvelles technologies).

Le TGV des nouvelles technologies de l’information

Une leçon précieuse et claire d’histoire 
La fin du 18e siècle a parachevé les transformations structurelles en Europe (réforme religieuse, siècle des lumières, apparition et développement de la bourgeoisie, etc.) par la première révolution industrielle et la découverte de la machine à vapeur de James Watt. Si jusqu’à cette date clé de l’histoire, les écarts entre les pays se mesuraient par le poids démographique et la force militaire, désormais c’est l’économie d’une nation qui fera sa puissance, et particulièrement son industrie. Depuis la révolution industrielle, tout s’est accéléré à un rythme effréné. Désormais, un pays est soit industrialisé et prospère, soit non-industrialisé et donc sous-développé (même s’il est riche en matières premières et autres ressources naturelles). Dans certains cas, des régimes ont choisi une industrialisation forcée pour rattraper leur retard sur l’Occident, au prix de transformations socioculturelles radicales (cas du Japon, de l’ex-URSS ou encore de la Chine). Les fortunes de ces choix ont été différentes selon les pays, mais l’industrialisation s’est partout imposée comme le seul moyen de sortir du sous-développement et de la dépendance. Ainsi qu’il s’agisse de la première révolution industrielle qui eut lieu en Angleterre (à la fin du 18e siècle), de la deuxième vague de cette révolution dans le reste de l’Europe occidentale, au Japon et aux États-Unis (tout au long du 19e siècle), ou du grand rattrapage opéré par les ex-pays communistes (à partir de la Seconde Guerre mondiale), jusqu’aux industrialisations tardives des dragons et tigres asiatiques et des pays émergents (années 60 jusqu’aux années 80 du 20e siècle), la voie royale fut, à quelques variantes près, celle de l’industrie.  

Le Maroc semble avoir retenu la leçon, mais...
Le Maroc a bien appris cette leçon très tôt après l’indépendance. En optant pour la non-regrettée politique d’import-substitution et pour la marocanisation, la volonté des pouvoirs publics fut manifeste de doter le Maroc d’une véritable base industrielle nationale, sans abandonner sa vocation agraire, ni sacrifier ses atouts dans le tourisme. 
Le Maroc a certes pu mettre en place une base industrielle, mais elle fut insuffisante pour amorcer un véritable décollage économique du pays, car non compétitive et insuffisamment intégrée. Plus récemment, les plans d’émergence et d’accélération industrielles ont visé à rattraper le retard industriel du Maroc par rapport aux pays dits émergents. Alors que certains secteurs identifiés par ce plan semblent atteindre le point d’inflexion (automobile et aéronautique par exemple), d’autres tardent à dégager la tête de l’eau (textile et agroalimentaire par exemple), mais la volonté est là et il faut la consolider par des actions d’accompagnement plus robustes.

… il ne faut pas rater un autre train qui va à grande vitesse
Si depuis la fin du 18e siècle, l’industrie est la ligne de différenciation entre pays développés et pays sous-développés, cela ne semble plus être le cas au 21e siècle. La révolution numérique introduit de nouvelles règles de démarcation qui bouleversent tout l’ordre établi. Le retard ou l’avance d’un pays se feront en fonction d’autres critères imposés par les nouvelles technologies de l’information, car celles-ci modifient profondément la manière dont les autres secteurs opèrent y compris l’industrie elle-même. Aujourd’hui, pour s’industrialiser il faut maîtriser des disciplines issues de cette révolution technologique telles la robotisation, l’intelligence artificielle, les usines 4.0, internet of things, etc. 
Dans notre pays, mis à part le modeste plan Maroc numérique, cet important chantier, ô combien vital, ne semble pas figurer parmi les priorités du gouvernement. Le rattrapage de ce retard technologique, pourtant largement à notre portée, doit faire l’objet d’un plan aussi stratégique que les plans «Maroc vert», «azur» ou encore «d’accélération industrielle». L’acquisition du savoir-faire technologique doit mobiliser les efforts de toutes les forces vives du pays et l’ériger en devoir national. Hier, c’était l’industrie ; aujourd’hui, c’est l’industrie et ce sont les nouvelles technologies de l’information qu’un pays doit dompter pour se développer. Or tant nos dépenses en recherche et développement, que nos résultats en dépôts de brevets et en publications scientifiques n’augurent pas d’un avenir prometteur en la matière. 
Au moins avec les secteurs industriels qui tardent à se consolider, nous avons le début de quelque chose, alors qu’en matière de nouvelles technologies d’information, nous n’avons qu’un plan modeste aux moyens limités et en deçà de ce que ce pays est capable de mobiliser. Un petit pays comme Israël, ayant moins d’un siècle d’existence, est considéré comme un géant numérique, car il a fait des nouvelles technologies de l'information une priorité nationale, à laquelle il a consacré les moyens humains et matériels nécessaires et l’a dotée d’une gouvernance transparente portée par des institutions fortes. 
L’expertise dans les nouvelles technologies de l’information est au développement au 21e siècle, ce que la maîtrise de la machine à vapeur fut pour la révolution industrielle au 18e siècle. Ça devient presque un passage obligé. 

 

Par Nabil Adel 
Nabil Adel est Chef d'entreprise, chroniqueur, essayiste et enseignant-chercheur à l'ESCA - École de Management.

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