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Le «complexe de l’étranger» : une réalité ou une idée reçue ?

Le favoritisme en entreprise constitue une pratique managériale dont les conséquences peuvent être très néfastes sur le bon fonctionnement du travail. Il peut avoir différentes formes, notamment celle connue sous le nom de complexe de l'étranger. Certaines entreprises semblent encore favoriser le «complexe de l’étranger», bien que les profils nationaux soient plus performaents. Pourquoi et comment rompre avec ce type de discrimination ? Le point avec Imane Hadouche, coach, consultante RH et formatrice.

Le «complexe de l’étranger» : une réalité  ou une idée reçue ?
Le complexe de l’Homme blanc est malheureusement une réalité confirmée, non seulement au Maroc, mais dans tous les pays ayant vécu l’occupation et la colonisation.

Conseil : Le favoritisme en entreprise, quels peuvent être ses impacts en milieu professionnel ?
Imane Hadouche : Le favoritisme est tout simplement le premier facteur de démotivation. Avec bien entendu tout ce que cela implique comme conséquences : Sentiment d’injustice, relations électriques, dynamique relationnelle au plus bas, résistance à la collaboration, refus de coopérer, zéro intelligence collective, attitudes passives voire agressives, réduction d’efforts au minimum syndical, désintéressement total, absence de sens, absence d’appropriation et d’appartenance… et ça peut aller jusqu’à la perte de talents et de compétences clé, impliquant un turnover pouvant nuire à l’image de l’entreprise. Le favoritisme serait la face maquillée de l’exclusion finalement, puisqu’en choisissant un «favori» pour des raisons «non professionnelles», on tombe dans l’exclusion de tous ceux qui ne figurent pas comme «favoris», à cause de la race, du sexe, du nom de famille considéré noble… mais en tout cas, l’exclusion se fait de manière tangible et tout à fait légale. Autant dire que le favoritisme est une pratique contreproductive, qui nuit à moyen et à long terme à toute entreprise.

On entend très souvent parler du «complexe de l’étranger». Est-ce une réalité ou s’agit-il d’une idée préconçue ?
Le complexe de l’Homme blanc est malheureusement une réalité confirmée, non seulement au Maroc, mais dans tous les pays ayant vécu l’occupation et la colonisation. 
Et pas uniquement en entreprise, mais aussi pour les marchés publics, les instances gouvernementales, et les missions officielles de consultance. Alors que nos propres compétences sont reconnues ailleurs, et exportées. Pour anecdote, et en parlant de vécu, il est déjà arrivé de voir un Marocain, expert dans son domaine, consultant free-lance dans un cabinet à l’étranger, sollicité et ramené dans son pays d’origine avec un contrat expatrié, alors qu’il a déjà un cabinet marocain. On est en face d'une croyance ancrée, absurde, absolument non vérifiée et non prouvée, mais qui a la peau dure comme tout cliché.
Il est triste de constater que récemment une promotion complète d’ingénieurs a quitté le Maroc vers d’autres pays étrangers. Cela révèle d’ailleurs que nos compétences valent tout à fait celles des autres, puisque la demande existe. Le dicton qui dit que «l’herbe est toujours plus verte chez le voisin» est appliqué même en entreprise, et pourtant, l’herbe est peut-être plus verte chez le voisin parce qu'il prend soin de bien l’arroser et l’entretenir, ou peut être même qu'il s’est contenté d’installer du gazon synthétique. Sous d’autres cieux, les entreprises fonctionnent à la «méritocratie», et trouvent un capital humain de tous bords, de différentes cultures et origines : peu importe la couleur, on garde les meilleurs.

Quelles seraient alors les raisons de ce complexe ?
Il est difficile de combattre une idée reçue et ancrée. Il faut dire que le protectorat a duré pratiquement 45 ans, avec tout ce que cela implique comme idées reçues et clichés au tour de la suprématie de l’Homme blanc aux yeux bleus qui sait mieux que nous et qui vient nous «civiliser».
Pendant ces années, les patrons de grandes firmes, les directeurs d’écoles et les professeurs, les grands directeurs de sociétés nationales, étaient tous étrangers. Il est normal que beaucoup de gens appartenant à la vieille école aient du mal à s’affranchir de cette image ancrée dans leur imaginaire, qui lie la compétence et l’excellence à un blanc arrivant d'outre-mer.
On pourrait ajouter à cela l’ombre «nationale» qui émane de l’Histoire de chaque pays, par exemple le modèle allemand qui porte encore une ombre nationale assez sombre, avec un lourd héritage de la guerre mondiale et les dégâts causés. L’ombre nationale allemande explique son penchant vers la gauche et ses positions concernant l’accueil des réfugiés. Et ainsi fonctionne l’ombre nationale de chaque pays au monde, et qui est intimement liée à son Histoire. Et bien évidemment, on ajouterait à tout cela l'absence de confiance dans son propre système d’éducation et le manque d’estime de soi tout simplement.

Comment rompre avec ce type de discrimination au niveau de l’entreprise ?
Il est recommandé de revenir aux basiques et au factuel. Idéalement, en établissant une stratégie concrète, qui a pour but d’investir dans ses propres ressources et de promouvoir le capital local. Arrêter de se voiler la face et commencer à nommer les choses par leur vrai nom : ça ne s’appelle pas «du favoritisme», c’est indéniablement de «l’exclusion» pure et simple. Le mot est lourd, il est désagréable, et même anticonstitutionnel, mais c’est le mot exact, qui correspond à l’acte de recruter selon le critère de «la race». Penser aussi à bâtir notre capital humain, en s’inspirant de modèles prospères, dont les modèles asiatiques : Japon, Chine, Malaisie, Indonésie, Corée, Inde.
Revenir aussi aux basiques de la méritocratie, parce que la race, la nationalité, la connotation du nom de famille et la couleur des yeux ne sont pas garants de compétence, c’est aussi simple que ça.  

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