Menu
Search
Jeudi 25 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 25 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Économie

Dominique Strauss-Kahn : «La comptabilité est une remarquable arme démocratique»

La cinquième édition du Congrès panafricain de la profession comptable, tenue du 19 au 21 juin à Marrakech, a été marquée par l’intervention de Dominique Strauss-Kahn. L’ancien DG du FMI n’a pas mâché ses mots en énumérant les obstacles à l’aboutissement d’États africains forts et émancipés. Il a lancé un appel aux experts-comptables en les responsabilisant sur le rôle à jouer dans l’édification d’institutions fortes aux côtés des gouvernements.

Dominique Strauss-Kahn : «La comptabilité est une remarquable arme démocratique»
Poids de l’histoire, vulnérabilité économique, conflits armés, dépendance financière, corruption… Le continent africain a du mal à à se défaire de ses maux, à en croire l’économiste Dominique Strauss-Kahn. Ph. M. Hafidi

La cinquième édition du Congrès panafricain de la profession comptable (ACOA) a tenu ses promesses. Du 19 au 21 juin, plus de 1.200 participants ont pu débattre à Marrakech des enjeux de la profession comptable et les moyens à même de contribuer à l’édification d’une Afrique prospère, durable et inclusive. Le moment phare et le plus attendu du congrès a été la keynote, le 20 juin, de l’économiste Dominique Strauss Kahn. L’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) n’y est pas allé de main morte. 
D’emblée, il a dressé un tableau noir d’un continent qui a du mal à se défaire de ses terribles maux. «La construction d’institutions fortes est généralement très difficile, mais elle l’est plus en Afrique à cause de trois principales raisons. Tout d’abord, il existe une forte interférence étrangère dans ce continent, de même le poids de l’histoire pèse fort et empêche encore sa véritable émancipation. Les traces du colonialisme et de la guerre froide sont toujours palpables. Cette dernière, pour rappel, a créé des institutions immuables et non inclusives. Puis on assiste à une persistance des déséquilibres macro-économiques, puisque les pays africains dépendent trop des matières premières, ce qui aggrave leur vulnérabilité», regrette Strauss-Kahn, lors de la séance plénière «Des institutions fortes pour des politiques publiques et une gestion de la valeur publique réussies en Afrique». 
Cette vulnérabilité, décriée par l’ancien patron de l’institution de Bretton Woods, est illustrée à titre d’exemple par «l’omniprésence chinoise qui, à coups de financements, a surendetté plusieurs États devenus dépendants» de l’ex-Empire du milieu. Enfin, la troisième raison freinant le développement d’institutions fortes en Afrique est la prolifération des conflits armés. Ils ont considérablement augmenté ces dernières années. «Sur 50 pays, on comptait 24 conflits en 2007. Ils ont quasiment doublé en 10 ans», a déclaré avec amertume Strauss-Kahn. Aujourd’hui, ces facteurs nuisent considérablement au secteur public, à sa gouvernance et se ressentent sur le climat des affaires. «Seulement 3 à 4% des propriétés en Afrique de l’Ouest sont enregistrées au cadastre, ce qui représente un véritable frein pour les investisseurs étrangers», illustre la guest-star du congrès. Poids de l’histoire, vulnérabilité économique, conflits armés, dépendance financière… Ceci ne peut que créer un terrain fertile à la fraude, le détournement de fonds et la corruption. «2018 était censée être l’année de lutte contre la corruption. Il n’y a pas eu grand-chose ! Plus de 40% des entrepreneurs en Afrique subsaharienne déclarent que la corruption représente un frein pour le développement de leur activité», a lancé Strauss Kahn. S’adressant au parterre d’experts financiers, économistes et politiques venus nombreux assister à son intervention, il a toutefois envoyé un message d’espoir et de responsabilisation. «Dans cette lutte pour bâtir des institutions fortes, il existe des gardiens, ce sont les experts comptables. Vous êtes les agents de la construction d’institutions fortes, crédibles et transparentes. La comptabilité est une remarquable arme démocratique et révolutionnaire dans une ère où les circuits financiers sont de plus en plus complexes», estime Strauss Kahn. 
Il a reconnu, cependant, que le chemin n’est pas facile, qu’il faut se mettre à l’action urgemment et s’unir, hommes politiques et experts-comptables, pour faire des institutions publiques un vecteur de croissance inclusive et redonner ses lettres de noblesse à un continent au potentiel indéniable, mais encore à la traine du développement.  


Infrastructures : Les raisons d’un déficit

La Fédération internationale des comptables (IFAC) et l’Association des experts-comptables agréés du Royaume-Uni (ACCA) ont présenté, lors de l’ACOA 2019, les résultats d’une étude portant sur l’ampleur du déficit en infrastructures en Afrique. L’étude révèle que le continent représente un écart important de 39% entre ce qui est fait maintenant et ce qui devrait être fait, alors qu’au niveau mondial ce taux ne représente que 19%. Ce déficit en infrastructures touche principalement les secteurs de l’énergie, le transport, les services publics, la santé et l’éducation. Les initiateurs de cette étude, qui se sont basés sur un sondage réalisé auprès de 3.600 décideurs dans le monde, imputent ce retard à un manque de leadership politique et de financement ainsi qu’à la prolifération de la corruption et de la bureaucratie.

Lisez nos e-Papers