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Fuite des cerveaux : La bataille n’est pas finie !

Loin d’être un phénomène nouveau, la fuite des cerveaux s’intensifie d’année en année. Le chiffre récemment dévoilé par le ministère de l’Éducation nationale de la formation professionnelle de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ne fait que confirmer une tendance vers la hausse qui devrait interpeller l’ensemble des acteurs politiques et économiques. Sécurité, épanouissement, valorisation, évolution de carrière, sont inévitablement les maitres mots qui motivent cette mobilité. Ce sont ces mêmes éléments que les entreprises devront placer au cœur de leurs stratégies de management des talents.

Fuite des cerveaux : La bataille n’est pas finie !

À l’heure où les entreprises se digitalisent et l’intelligence artificielle révolutionne la façon de faire, la capacité des entreprises locales à recruter des profils qualifiés devient, chaque jour, plus délicate. La pénurie des talents est un fait sur le marché de l’emploi, et elle est amplifiée par le phénomène d’exode des cerveaux, plus connu sous l’appellation de «fuite des cerveaux», mais que certains préfèrent qualifier de mobilité à l’international. Un phénomène qui n’est pas propre au Maroc, certes, mais qui a atteint des proportions parfois inquiétantes, selon les derniers chiffres fournis par le ministre de l’Éducation nationale de la formation professionnelle de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Said Amzazi, lors de son intervention à la Chambre des représentants, début d’année 2019. «Pas moins de 600 ingénieurs font chaque année le choix de quitter le Maroc pour aller faire carrière à l’étranger». À ce déplorable chiffre, s’ajoute celui dévoilé, une année auparavant, par Rekrute.com à l’occasion de la publication de son étude sur «La migration des talents marocains» qui prouve que «91% des Marocains seraient prêts à quitter le Maroc et à s’installer à l’étranger».
L’ampleur du phénomène semble confirmée par la présidente de la Fédération des nouvelles technologies de l’information, des télécommunications et de l’off-shoring (APEBI), lors de son passage à l’émission «Info en Face». Saloua Karkri-Belkeziz a indiqué qu’elle a déjà attiré l’attention sur le problème de la fuite des talents informaticiens «car de l’autre côté de la frontière, il existe des projets intéressants et des vraies politiques de transformation digitale». Pour pallier ce problème, la présidente de l’APEBI plaide pour le développement de la formation qui demeure insuffisante, la multiplication des filières et l’amélioration de l’environnement du travail. Selon Mme Karkri-Belkeziz, la régionalisation est aussi une solution pour pallier le déficit de compétences en IT. De son côté, Abdel Mounaim Madani, DG de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences (Anapec), invité de «l’Info en Face», a fait part de son rejet catégorique du concept de «fuite des cerveaux», préférant plutôt parler d’une «mobilité des cerveaux», qui constitue un droit de tout être humain. Il a également mis l’accent sur le développement de l’offre de formation en partenariats avec les différents acteurs concernés. 

Comment expliquer le phénomène de la migration des talents ?
Premier élément à retenir, selon Mohammed Benouarrek, expert international en ressources humaines et conduite de changement, est la rareté des «entreprises marocaines capables de concurrencer les multinationales et entreprises étrangères qui font les yeux doux à nos jeunes compétences». Attention, ajoute-t-il, il ne s’agit pas seulement d’offres salariales, mais aussi d’offres de carrières sans parler de cadre de travail et cadre général. Mais pour l’expert, la fuite des talents marocains ne s’explique pas seulement par des insuffisances financières, matérielles, et structurelles, mais aussi par des facteurs liés à la reconnaissance, à l’épanouissement et au bienêtre. «Si on ne change pas notre manière de faire, nous serons condamnés à perdre des cerveaux qui fuient vers l’eldorado», prévient M. Benouarrek. Les talents cherchent l’équité, l’évolution, la reconnaissance et l’encadrement… Tout cela relève de la maturité managériale et de l’altitude que certains entrepreneurs démontrent à l’égard de leurs ressources humaines, recommande l’expert. Le même constat a été confirmé par les experts de Rekrute qui alertent, de leur côté, sur le fait que les entreprises marocaines n’engagent pas les efforts nécessaires pour retenir et fidéliser les talents marocains. Une question intimement liée de manière générale à la fuite des talents pour une meilleure qualité de vie, une meilleure évolution de carrière et un meilleur environnement de travail. 

Retenir et fidéliser la perle rare, c’est possible 
Il est nécessaire de développer une nouvelle approche basée sur une mobilisation générale de l’état, des entreprises et des associations compétentes. Sans cette implication collective, il sera difficile de stopper l’hémorragie. En fait, la question de l’exode des cerveaux ne peut trouver de réponse que dans le cadre d’une politique d’ensemble. Aujourd’hui, tout le monde en est conscient. 

Les acteurs concernés ont mis les bouchées doubles pour diminuer l’ampleur du phénomène et réduire ses conséquences. Preuves en sont les entretiens qui ont eu lieu entre le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, et le secrétaire d’État français au Numérique, Cédric O, lors du salon VivaTech 2019 de Paris, organisé du 16 au 18 mai dernier. L’occasion pour les deux responsables de mettre en place un partenariat pour trouver une solution au problème. «Aujourd’hui, dans la Tech, les Français peuvent compter beaucoup sur les talents marocains, mais il faut que cela se fasse de façonWin-Wi», a affirmé le ministre français dans une déclaration. Aux termes de ce partenariat, les talents marocains devraient par la suite regagner leur pays d’origine pour accompagner les entreprises marocaines à accroître leur compétitivité et assurer la pérennité de leur marque. Dans ce contexte, on rappellera également les efforts de l’APEBI et l’Anapec qui offrent de réelles opportunités aux jeunes talents de bénéficier d’une formation pré-embauche de 960 heures en mode alternance, au travers le CQP (Certificat de qualification professionnelle) leur permettant d’intégrer le secteur de l’IT en forte demande. La formation, 100% financée par l’Anapec selon les normes internationales, bénéficiera aux jeunes diplômés bac+3 scientifiques. Elle est dispensée dans les villes de Casablanca, Rabat, Fès, Tanger et Agadir. 

Déclarations

Saloua Karkri-Belkeziz, présidente de la Fédération des nouvelles technologies de l’information, des télécommunications et de l’off-shoring

«L’enjeu de la fuite des cerveaux est important dans le secteur des technologies de l’information. À l’APEBI, j’ai été la première à alerter sur le départ massif des informaticiens il y a dix ans de cela, et ça continue toujours. Et pour cause, de l’autre côté, il y a des projets intéressants et une vraie politique de transformation digitale que ce soit au niveau du secteur public ou privé. Au Maroc, on forme à peu près 8.000 informaticiens par an, c’est un nombre insuffisant. C’est pour cela qu’on avait appelé à former plus d’informaticiens, nous sommes capables d’en former 10 fois plus. C’est dans ce sens que le Maroc a lancé de nombreuses initiatives et plus particulièrement la stratégie de l’OFPPT où le digital est le seul secteur qui existe dans les 12 régions du Royaume, alors que l’Intelligence artificielle est centrée sur l’axe Casablanca-Rabat. Cette problématique remet en cause la qualité des projets digitaux et impacte directement le processus de transformation des entreprises tous secteurs confondus. À cet égard, il faut signaler qu’une grande partie de la solution se trouve au sein même des entreprises en améliorant l’environnement du travail pour retenir ces profils. Au-delà de la rémunération, ces jeunes vont à la recherche d’un environnement de travail plus sain ou encore une meilleure valorisation.»

Abdel Mounaim Madani, DG de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences

«L’appellation fuite des cerveaux devrait nous gêner tous. Étymologiquement, qui dit fuite, dit incarcération ou séquestration de l’autre côté ! Or, au Maroc, ce n’est pas le cas, nous sommes dans un pays de liberté et de droits. Le cas d’un jeune qui se sent utile dans un marché d’emploi autre que le marché marocain ne peut être taxé de «fuite». C’est plutôt une mise en valeur de capacités avec dans plusieurs cas, l’éventualité d’un retour au pays. Parler de fuite de cerveaux c’est pour moi évoquer un phénomène auquel il faut mettre fin, mais comment voulez-vous qu’on arrête la mobilité de jeunes compétences marocaines ? Pour moi, il ne faut pas parler de fuite des cerveaux, mais de mobilité qui est un droit de tout être humain. En plus, il faut le signaler, le problème de manque de ressources humaines ou de pénurie qui serait provoqué par la mobilité à l’international, ça ne se corrige pas par des restrictions ou par un acharnement sur ces jeunes, mais plutôt par la disponibilité de la ressource sur le marché en lien direct avec la formation, l’accompagnement et le rapprochement entre l’offre et la demande, et c’est l’un des rôles de l’Anapec.»

 

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