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L’addiction au travail, ces signes qui ne trompent pas

Passer des heures interminables au bureau, travailler dur au détriment de sa santé mentale et physique, répondre immédiatement aux e-mails, même s’ils ne sont pas urgents... Les signes d’une addiction au travail sont nombreux. Une addiction qu’il faut prendre au sérieux, au risque de développer des maladies physiques et psychologiques. Le point avec Sanae Hanine, formatrice en développement personnel et en communication non violente.

L’addiction au travail, ces signes qui ne trompent pas

Conseil : À partir de quel moment peut-on parler d’une addiction au travail ?
Sanae Hanine :
La ligne de démarcation entre engagement et obsession est plutôt vaporeuse. Être accro au travail est la forme de dépendance la plus acceptable socialement. Il est donc difficile de déceler la dépendance au travail dans une culture qui récompense le dur labeur et encourage les comportements de bourreau de travail. L’addiction au travail ou «workaholisme» bénéficie d’une connotation positive pour décrire des travailleurs très engagés, ce qui ajoute de manière significative à la confusion entre les deux concepts. On peut parler de dépendance au travail lorsque la personne, qui en souffre, ne maîtrise plus totalement un comportement compulsif et obsessionnel par rapport à son travail. Elle a «un besoin incontrôlable de travailler sans cesse», comme l’a affirmé le psychologue américain Wayne Oates qui a inventé le concept de bourreau de travail il y a 50 ans. On peut parler d’addiction lorsqu’il y a dépendance, servage et rechute. Tout comme une personne toxicomane, le workaddict est incapable de mettre fin au comportement compulsif malgré les effets négatifs que cela peut avoir sur sa vie personnelle ou sa santé physique ou mentale. La dépendance au travail a pour origine un besoin obsessionnel d’obtenir un statut social et de réussir. C’est une canalisation pour échapper à un stress émotionnel intense et la peur de l’échec. Une personne ayant une dépendance au travail peut s’engager dans un travail compulsif pour fuir d’autres aspects de sa vie, tels que des problèmes émotionnels ou des crises personnelles. Les chercheurs affirment que lorsque la personne travaille plus de 40 heures par semaine, le risque de développer une dépendance au travail est très élevé.

Comment distinguer un workaholic d’un collaborateur qui s’investit dans son travail ?
Le workaholic a un besoin compulsif d’être surmené et se sent rarement satisfait ou détendu à moins de faire quelque chose en rapport avec son travail. Ce n’est pas la même chose pour un collaborateur qui déploie des efforts extraordinaires sur une période limitée pour mener à bien un projet ou une personne dotée d’un grand talent, tel qu’un musicien. L’ambition et la dépendance sont très différentes. Les chercheurs affirment qu’il existe des signes qui interpellent comme «la saillance» c’est-à-dire lorsque le comportement du collaborateur commence à retenir l’attention. Il passe des heures interminables au bureau, même lorsque son emploi ne l’exige pas. Il continue à travailler ces heures supplémentaires en dépit des effets négatifs sur sa vie personnelle, ses relations familiales, sa santé mentale et physique. Il ne prend pas de congé ou rarement. Il répond immédiatement aux e-mails, même s’ils ne sont pas urgents. Outrageusement perfectionniste, il a un comportement conflictuel et une attitude défensive dus à l’absence de confiance aux autres membres de l’équipe parce que dans sa perspective, ils sont incapables de faire le travail selon ses normes. 
Quels sont les inconvénients de ce phénomène ?
Le workaholisme porte atteinte aux relations personnelles et au bien-être en général. Sur le plan physique, les bourreaux de travail sont plus susceptibles de souffrir d’un sommeil insuffisant ou de sommeil médiocre, voire d’insomnie et de fatigue chronique, et semblent plus affectés par les douleurs dorsales invalidantes et même des maladies cardiovasculaires. Sur le plan psychologique, ils développent des symptômes psychosomatiques. Ils ont une faible satisfaction au travail, une faible satisfaction à l’égard de la vie, en général, et peuvent être victimes de dépression et de burnout.

Peut-il y avoir des risques sur l’entreprise ?
Ce n’est un secret pour personne qu’aujourd’hui, les entreprises attendent un engagement sérieux de la part des employés. Mais, en encourageant ce mode de fonctionnement, l’entreprise risque aussi de perdre en plus-value considérable. Je m’explique : le workaholisme n’est pas synonyme de performance. Certaines études ont montré que les accros au travail sont en réalité moins productifs que ceux qui travaillent normalement. Le workaholisme a un coût, le burnout et l’insatisfaction au travail. Des personnes avec des symptômes dépressifs et une anxiété accrue. Cette situation n’est surement pas bénéfique pour la productivité de l’entreprise sur le long terme.

Comment peut-on s’en sortir quand on est accro au travail ?
La première étape du traitement réside dans la prise de conscience ou dans la confrontation du workoholic qui se heurte généralement à un déni. Changer de travail ou de carrière ne résoudra pas comme par magie le problème. Heureusement que les traitements pour ce syndrome sont nombreux. Comme il s’agit d’un problème de santé mentale, il est vivement recommandé de faire appel à un thérapeute pour un accompagnement. Les cliniciens croient qu’il est essentiel de s’attaquer aux comportements sous-jacents : narcissisme, colère, honte et recherche désespérée d’approbation pour que des changements de comportement à long terme se produisent. La croyance fondamentale du workoholic qui est la suivante «Je ne suis aimable que si je réussis» doit être remplacée par la croyance plus fonctionnelle, «Je suis aimable pour qui je suis, pas pour ce que j’accomplis». La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) ou de l’entrevue motivationnelle (IM) sont par ailleurs deux techniques communes pour traiter toutes les formes de dépendance.   


Propos recueillis par Nabila Bakkass

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