Menu
Search
Samedi 20 Avril 2024
S'abonner
close
Samedi 20 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Économie

Ils ont déclaré ...

Assia Bacherki, 
expert-comptable

«Cette deuxième Matinale met le doigt sur le mal quotidien vécu par les entreprises, à savoir celui des délais de paiement. Statistiquement, on parle d’un crédit inter-entreprise qui atteint aujourd’hui des niveaux inquiétants. Il faut souligner, dans ce sens, que le rôle des entreprises n’est pas de financer, c’est le rôle du secteur bancaire, mais de créer de la valeur ajoutée pour l’économie. Je pense qu’il faut instaurer une pédagogie, une culture de bon paiement et je me demande s’il faut faire appel à la carotte ou le bâton. Est-ce que les mesures coercitives peuvent inciter les entreprises à améliorer leurs délais de paiement ? Aujourd’hui, il y a des actions qui peuvent se faire comme par exemple la création d’un label de bon payeur ou bien recourir à des incitations fiscales. Je pense également au digital pour apporter plus de transparence et de fiabilité dans ce sens.»

Mohammed Haitami, 
PDG du Groupe Le Matin

«La question des délais de paiement est beaucoup plus compliquée quand il s’agit de transactions inter-entreprises. Dans le cas de l’État, vous avez une entité souveraine solvable, mais pour ce qui est des relations inter-entreprises, vous avez des organisations fortes et d’autres moins fortes, celles de bonne foi et d’autres de mauvaise foi, il y a aussi les contraintes de la conjoncture… Donc, il faut trouver un autre mécanisme pour réduire les délais de paiement qui soit totalement différent de celui de l’État. Et c’est là le sujet examiné lors de cette deuxième Matinale.»

Driss Bouayad, 
directeur financier de Maghreb Steel

«On sait très bien que le système financier inter-entreprises, et de manière générale le délai de paiement, concerne désormais toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. On est d’ailleurs aujourd’hui entré dans une sphère où les sociétés commencent à utiliser cette méthode de paiement comme levier financier à la place des banques. De façon générale, les grandes entreprises sont également touchées par ce fléau vu qu’elles dépendent elles-mêmes de leurs clients, ce qui peut impacter les délais de paiement de leurs fournisseurs. Ceci dit, ce point essentiel touche la compétitivité de toute entreprise qui, au lieu de se focaliser sur sa performance, s’oriente vers la partie financière en vue de trouver des fonds et payer ses fournisseurs. L’entreprise change donc de cap. À mon avis, pour remédier à cette situation, il faut miser sur le respect. Chaque partie doit ainsi respecter ses engagements.»

Mohamed Abou El Fadl, 
vice-président de l’Association des patrons des cafés et des restaurants au Maroc

«Notre secteur d’activité est très touché par la problématique des délais de paiement au Maroc. En effet, pour les cafés, les restaurants et les pâtisseries-boulangeries, le paiement se fait au comptoir. Le paiement peut se faire aussi par chèque. Il peut également avoir lieu après la réception de la facture liée à la prestation du service. Malheureusement, dans nos métiers, si le paiement n’est pas assuré par un chèque, l’entrepreneur ne peut pas encaisser le règlement, et ce, à cause du Code de commerce qui ne prévoit pas de garantie en la matière. Pour faire face à cette situation, on propose aujourd’hui, entre autres, de créer un organisme qui garantit ce genre de transactions et de durcir les lois en vue d’assurer les droits des fournisseurs des produits et des services.»

Anass Benjelloun, 
expert-comptable, vice-président de la commission Fiscalité et Réglementation des changes à la CGEM

«Le constat aujourd’hui est très alarmant, le délai de paiement au Maroc se situe en moyenne à 180 jours, alors qu’il est largement inférieur dans d’autres pays voisins, tels que la France, l’Espagne ou l’Allemagne où on a constaté que les délais de paiement se situent entre 30, 45 voire 60 jours maximum. Le Maroc a, certes, réalisé des avancées assez importantes dans ce domaine, mais malheureusement celles-ci demeurent insuffisantes et ne se traduisent pas de manière concrète sur le terrain. Elles ne sont pas ressenties par les entreprises qui continuent à souffrir de cette problématique. En effet, la loi 32.10 fixant les délais de paiement au Maroc demeure impraticable sur le terrain, en l’absence de mesures d’accompagnement permettant d’assurer son respect. Il s’agit, par exemple, de mettre en place un mécanisme légal qui s’assurerait de l’application de cette loi telle que l’instauration d’amendes en cas de non-application de la loi ou par d’autres mesures telles que la non-déduction de la charge lorsque la facture correspondante n’a pas été réglée dans le délai convenu, ou la non-possibilité de procéder à une distribution de dividendes à hauteur des créances qui n’ont pas été réglées dans le délai légal.»

Mohamadi Rachdi El Yacoubi, président de l’Organisation professionnelle des comptables agréés

«Il faut reconnaitre qu’il y a un besoin urgent d’instaurer un dispositif de discrimination positive au profit de la TPE et de la PME. En effet, dans une relation reliant un client à un fournisseur, on constate qu’une TPE fournisseur, par exemple, subit une double sanction. D’abord, elle n’est pas payée à temps à cause des retards de paiement. Ensuite, il y a un traitement fiscal qui va lui être infligé en matière d’impôts dû à la non-application des pénalités de retard. Côté client, je pense que c’est plutôt la belle vie parce que la déduction fiscale de la pénalité est liée à son encaissement effectif, et dans la réalité c’est très rare que cette entreprise-client supporte les pénalités de retard. En cause, le fournisseur va chercher à préserver une relation d’affaires avec son client et dans la plupart des cas, il ne va pas lui facturer les pénalités de retard.»

Bedreddine Ed Dihi, 
expert-comptable, commissaire aux comptes

«Je propose des solutions digitales pour pouvoir tenir des délais raisonnables qui tiennent compte de la réalité des marchés et des prestations réalisées. Je pense notamment à la dématérialisation des factures et l’allègement des processus de leur contrôle à travers des outils digitaux et des applications. La blockchain est également un moyen indiqué pour sécuriser les transactions et réduire ainsi les délais de paiement et de la réception des services ou des marchandises.»

Propos recueillis par Nabila Bakkass & Mohamed Sellam

Lisez nos e-Papers