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Oser dire non, c’est d’abord une question d’assertivité

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, savoir dire non est aujourd’hui une compétence professionnelle à développer. Il ne s’agit pas d’être un collaborateur égoïste qui n’accorde pas d’intérêt aux besoins des autres, mais plutôt d’adopter un comportement plus assertif tout en prenant en considération ses propres limites. Le point avec Jérôme Iborra, Responsable Zone Maroc- Afrique de Pearson TalentLens.

Oser dire non, c’est d’abord une question d’assertivité

Conseil : Certains collaborateurs n’arrivent pas à dire non quand il le faut. Comment expliquer cela ?
Jérôme Iborra :
En entreprise, l’assertivité dévoile les aptitudes de chacun à s’affirmer, à prendre conscience de son rôle contributif et à jouer un rôle positif et engagé. Comment exprimer au moment où il le faut son point de vue et réussir à le défendre ? L’enjeu est de taille pour les uns et les autres. Un collaborateur probablement plus empathique, davantage conciliant, plus affectif pourrait, dans certains cas, préférer être moins «combatif», moins pugnace voire en réserve et en repli dans les processus décisionnaire ou d’action. Il pourrait aussi se refuser à cette situation d’affrontement auquel invite la nécessité du débat. La personne peut effectivement ressentir cela comme une confrontation de points de vue, un moment d’opposition et de risque de dérapages. Il y a quelque chose qui relève du facteur autolimitant ! À l’encontre, un autre collaborateur plus enclin à l’échange, à la discussion franche ou au partage d’argumentaires aurait tendance inversement à mieux marquer son avis et à le défendre. C’est là une question de préférences, de nature profonde ou encore de formes de confort de l’esprit. Résumons-nous, le profil psychologique y est pour beaucoup. Il est déterminant. Concrètement, les profils psychologiques des collaborateurs peuvent indiquer une disposition à l’assertivité ou non. Leur bonne connaissance à travers une analyse fine et experte peut aider énormément à prévenir des situations excessives telles que vous l’imaginez. Les pratiques de développement personnel qui se construisent, entre autres, à travers l’utilisation d’outils psychométriques spécifiques à l’instar du Golden aident d’ailleurs à approcher les dimensions de ce type de comportement et à élaborer en conséquence des stratégies personnelles de transformation d’attitudes et mettre en œuvre des processus de changement de registre. Le chantier est très vaste et tout autant passionnant. Cela n’explique pas tout bien sûr. Le cadre organisationnel et les formes de gouvernance retenues, la pratique managériale dans ses volets multiples d’exercice et les rapports de pouvoir présents en entreprise sont aussi des éléments à examiner avec toute l’attention qu’ils requièrent. Ils peuvent agir favorablement ou non sur cette propension à l’assertivité. 

Peut-on justifier l’incapacité de dire non par le besoin d’appartenance et la peur d’être rejeté ? 
Le besoin d’appartenance ou la peur d’être rejeté peuvent expliquer cela mais dans une petite proportion. Je pense que l’incapacité de dire non comme vous l’indiquez relève de ressorts psychologiques tels que je viens de le souligner mais aussi socio-culturels. Dire non est moins problématique dans certaines configurations sociétales que d’autres. Les traditions sont différentes. Les règles sociales de convenance, d’entregent, d’à-propos le sont tout autant. Le système éducatif et d’apprentissage n’est pas neutre non plus. Ajoutons à cela, la culture et les valeurs en propre d’une entreprise que nourrit le plus souvent une histoire. Dans le cadre d’une entreprise de nature paternaliste ou fonctionnant à l’ancienne, la prise de parole ou la capacité à arguer de ses convictions en toute autonomie ne se comprend pas de la même manière que dans une grande entreprise ouverte et dont les modes de fonctionnement sont plus souples. C’est aussi et enfin une question de contexte et de milieu ambiant mais aussi d’impulsions personnelles faites par des chefs d’entreprise soucieux de travailler différemment ou selon des normes et des règles.

Quelles peuvent être les impacts d’une telle attitude en milieu professionnel ? 
Je ne porterai pas ici de jugement de valeur. L’attendu managérial est plutôt l’angle d’attaque que nous devrions avoir pour répondre à cette question. Quels sont les défis de l’entreprise ? Comment le management de celle-ci entend-il conduire les changements et le renforcement de son assise compétitive ? Et in fine, comment ce même mangement entend-il engager les collaborateurs dans ce chemin de transformation ? Inutile de dire, ici, que la construction d’une intelligence collective utile au progrès sinon à la croissance de l’entreprise passe bien par une plus grande libération de la créativité, du partage et de la réflexion critique. L’une des compétences de demain sera justement la capacité à la raison critique. L’innovation se fera au prix de l’engagement réel et véridique des collaborateurs. 

Quelles sont les astuces que vous recommandez pour apprendre à dire non ? 

La première astuce est d’abord en lien avec la personne elle-même qui se doit  bien se connaitre. Appréhender ses propres dimensions psychologiques personnelles n’est pas facile, certes mais il faut faire cet effort d’introspection car comment remédier ou corriger une attitude si bien même nous ne la connaissions pas. Le développement personnel s’inscrit dans cette optique.
La seconde est relative à la nécessité de procéder à une juste ou bonne évaluation de la situation donnée. Il est ici recommandé d’évaluer de façon neutre et professionnelle de la situation posée en examen.
La troisième entend lever les peurs relatifs au fait d’engager et de conduire un débat à son terme. La confrontation d’idées est souvent vécue comme un affrontement. Il faut peut-être abandonner cette vision réductrice et paralysante.  Celle-ci peut très bien être menée dans un esprit de sérénité, de calme et de volonté de construire.
La quatrième prend pour socle la précédente recommandation et correspond à une invitation faite à la personne de construire son argumentaire. Il faut savoir réagir en temps opportun mais aussi fixer sa « ligne de défense ou d’attaque » autrement dit les points saillants autour desquels s’ordonnera la discussion.  

Par ailleurs, et pour dire non, il est recommandé aussi de :

Justifier son refus : Il faut ainsi mettre des mots et savoir bien expliquer ce refus aux autres.
Prévoir la réaction de son interlocuteur.
Choisir le bon moment pour annoncer sa réponse négative : Rien ne nous oblige d’apporter une réponse dans l’immédiat, mieux vaut prendre son temps de réflexion.
Choisir le support privilégié pour annoncer sa réponse négative.
S’entrainer à dire non : Il ne faut pas rester dans la théorie, mais plutôt passer à la pratique, en commençant à dire non quand il le faut. 

Propos recueillis par Nabila Bakkass

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