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Principe de Dilbert, entre absurdité et réalisme

Comment choisit-on réellement les bons managers et par quel procédé promeut-on un employé à un poste de responsabilité ? Voici deux questions qui peuvent préoccuper les collaborateurs en entreprise surtout si celle-ci ne dispose pas de règles générales en matière de promotion interne. En l’absence de réponses claires, les recherches se multiplient. Celle dite «Principe de Dilbert» est spéciale puisqu’elle stipule que ce sont les incompétents qui sont promus. Éclairages avec Sanae Hanine, formatrice en développement personnel et en communication non violente.

Principe de Dilbert, entre absurdité et réalisme

Conseil : Quelles sont les compétences managériales les plus requises pour la rétention des talents ?

Sanae Hanine :
On peut plutôt parler d’une dynamique ternaire entre un bon logos, un bon éthos et un bon pathos. Je m’explique : pour être un bon manager, il est requis de pouvoir réussir une bonne alchimie entre des compétences opérationnelles (savoir-faire) et un savoir-être intelligent. Les compétences opérationnelles concernent l’agilité dans la prise de décisions et l’esprit d’analyse et de synthèse. Le bon éthos concerne le caractère moral du manager et son système éthique. Sur cet axe, il est évalué à quel point il peut être persuasif et fédérateur. Et en dernier lieu, la qualité d’avoir un bon pathos qui est également un élément très requis. Ce point inclut l’aptitude du manager à une bonne intelligence émotionnelle et sociale et à une communication ouverte et intégrative. J’inclurais une autre qualité dans ce dernier point qui concerne l’aptitude à gérer sa partie d’ombre au sens jungien du terme. Elle implique la capacité de maitriser et de canaliser les pulsions voilées, refoulées agressives et égotiques qui affectent les relations à soi et avec les autres. Il est vertueux en l’acquisition et le perfectionnement de ses connaissances et généreux en transmission de son savoir. En outre de ses compétences techniques, à mon sens, un bon manger est un individu avec un ego bien dimensionné qui tend vers une certaine sagesse. Ainsi, à l’atteinte de cette sagesse on ne parle plus de manager, mais de leader. Mais la question qui se pose : comment réellement choisit-on les bons managers et par quel procédé promeut-on un employé à un poste de manger. Scott Adams avec son principe de Dilbert avait certainement un point de vue bien spécial.

Justement, vous abordez dans vos séminaires la loi de Dilbert qui implique qu’on promeut des incompétents aux postes de managers. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Plusieurs recherches sur le phénomène de promotion en entreprise ont démontré que les ascensions de carrière ne reposent pas uniquement sur les compétences. Plusieurs facteurs, qui ont été qualifiés de «hasardeux», ont été identifiés comme influençant la promotion notamment la cooptation, le réseau des anciens, les affinités, le machiavélisme, ou tout simplement la chance, etc. Dans cette perspective, la loi de Dilbert avait pour objectif d’analyser la problématique des promotions en entreprise et dans quelle mesure elle répond au principe de mérite et sa relation avec la compétence. Dans un continuum du principe de Peter qui stipule que «tout employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence», le principe de Dilbert le complète en énonçant que les cadres les moins compétents sont promus aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts possible : ceux de managers. Ils sont remplacés par les employés qui seront capables de faire le travail donc qui sont plus compétents qu’eux. Selon ce principe, les cadres les plus compétents, ne sont en aucun cas promus, car irremplaçables à leurs postes actuels contrairement aux employés incompétents qui ne restent pas dans un poste où ils ne sont pas compétents, car promus. Si, selon le principe de Peter, un manager incompétent est compétent s’il occupe le poste d’un de ses subordonnés, dans la logique dilbertienne, au contraire, les dirigeants sont ceux qui étaient les plus nuls aux postes de subordonnés. Donc plus l’entreprise est dilbertienne, plus elle grandit, plus elle est susceptible de privilégier des médiocres qui grimperont facilement les échelles sur le dos des géants. Les compétents, quant à eux, ils restent «coincés» en bas de l’échelle et ne bénéficient d’aucune promotion.

Comment expliquer cette stratégie ?

Le leitmotiv de cette loi absurde et cynique est le suivant : «ne soyez pas irremplaçable... si on ne peut pas vous remplacer, vous n’aurez jamais de promotion». Si le collaborateur est bon, on lui donnera tout le travail. S’il est très bon, il le fera faire par quelqu’un d’autre. Du point de vue dilbertien, même en entreprise, la structure hiérarchisée va favoriser le fait que les éléments incompétents ne disposant pas de connaissances approfondies sur le cœur de métier et qui vont passer leur temps à meubler le temps en réunions et séminaires seront privilégiés pour les promotions. Tout simplement parce que leurs statuts les protègent contre le fait d’être déboulonnés et que seul un hiérarque plus gradé peut les rétrograder, chose impensable puisqu’il ne peut pas le faire sans avouer qu’il a fait une erreur de management. Inversement, les super compétents peuvent courir le risque d’être renvoyés parce qu’ils sont susceptibles de bouleverser le principe hiérarchique.

Comment cette stratégie peut-elle affecter le fonctionnement du travail et sur les relations professionnelles ?

Selon cette logique absurde, il est évident que l’entreprise encaisse une perte de plus-value notable en compétences. Il va de soi également que l’iniquité engendre beaucoup de mécontentement et empoisonne les relations professionnelles. L’entreprise a plus à gagner donc de s’assurer avant la promotion qu’il y a l’adéquation entre une personne et sa nouvelle fonction et en l’investissement dans le perfectionnement des compétences à chaque niveau hiérarchique.  Un autre point à considérer, il concerne la rationalisation des critères émotionnels par des critères plus objectifs. La plus grande intelligence consiste à agir en amont : le recrutement puis la promotion. En s’inspirant de Steve Jobs, «les joueurs de ligue 1 recrutent et promeuvent des joueurs de ligue 1, tandis que les joueurs de ligue 2 recrutent et promeuvent des joueurs de ligue 3.» 

Propos recueillis par Nabila Bakkass

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