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Comment se reconstruire avec le temps

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Management et Carrière : Comment définir le syndrome du survivant et quelles en sont les origines ?

Malgorzata Saadani :
Comme beaucoup de termes déjà connus ailleurs et qui viennent de faire leur entrée dans le domaine RH, le syndrome du survivant nous arrive d’un environnement ou le mot «survie» est littéral, notamment du champ d’action militaire : la guerre, le terrorisme ou encore la prise d’otages. Évidemment, ce n’est pas le même calibre de traumatisme qui peut arriver dans un contexte de travail, mais le terme interpelle et permet de constater que les frustrations et les craintes liées au travail peuvent être réellement associées au stress post-traumatique. Il est défini comme un ensemble d’émotions, auto-questionnements et comportements oscillant autour des raisons de la «survie» d’un individu à l’issue d’un événement marquant et dangereux, pendant que les autres n’y sont pas parvenus.

Outre la démotivation et la baisse de productivité, quels peuvent être les effets de ce syndrome ?

Sur le premier plan, il y a le sentiment de culpabilité envers ceux qui ont eu moins de chance (pourquoi ai-je gardé mon poste pendant que mes collègues ont été licenciés ?) ; puis le complexe de l’imposteur (suis-je vraiment meilleur ?) et surtout la crainte d’être le suivant. En tenant compte des dangers à venir (réels ou imaginés), le collaborateur devient réservé et frileux, manque d’initiative, il a peur de s’exprimer en général. Aussi, il peut être tenté de participer aux intrigues dans le but de se mettre à l’abri ou de nuire aux concurrents.

Quels en sont les impacts aussi bien sur le collaborateur que sur l’entreprise ?

Une situation dans laquelle il y a des «perdants» et des «survivants» est forcément néfaste pour tout le monde, et aussi nocive pour l’organisation. Après un tel traumatisme, les collaborateurs ont du mal à retrouver le rythme de travail habituel et se posent des questions sur le sens des efforts fournis. Un «survivant» chanceux décide souvent de profiter pleinement du moment présent (carpe diem !) et de gérer ses engagements au jour le jour. À quoi serviraient des promesses de promotion à moyen et long terme puisque demain ou dans un mois il ne serait plus là ? C’est donc l’absence de perspective de carrière qui se dessine, et pour ceux qui seraient plutôt proactifs, une réflexion sur le changement de cap. D’où le risque important pour l’entreprise de perdre les meilleurs éléments qu’elle avait décidé de garder en limogeant les autres. Outre cette infidélité salariale, elle aura du mal à motiver les restants, à les impliquer et inciter à relever les défis audacieux.

Peut-on prévenir ce syndrome ? 

Si oui, comment le gérer en amont ?

Justement, je pense que le seul moyen efficace pour éviter de telles situations, c’est d’installer durablement les bonnes pratiques managériales ancrées dans la culture de l’entreprise : les valeurs partagées et codifiées dans une charte élaborée collectivement, les procédures administratives, l’éthique et la communication aussi bien interne qu’externe. Dans les moments le plus délicats, les dirigeants et le management de proximité doivent savoir bien mener la conduite de changement responsable, la communication explicative et honnête. S’il y a une nécessité de restructuration, les décisions concernant les employés ne doivent pas les léser «sec» : ils doivent être soutenus par les propositions constructives, par exemple la réorientation en interne ou les recommandions en outsourcing. Et le plus important : l’entreprise doit veiller à préserver leur dignité et leur sensibilité.

Partant du principe que certains états négatifs peuvent être contagieux, comment protéger les autres collaborateurs et éviter qu’ils en soient influencés ?

On ne peut pas placer les gens dans les vases étanches. Tôt ou tard, les choses se disent même si c’est en cachette : les gens se voient à l’extérieur, ont des amis en commun. En absence des messages clairs et directs, la communication parallèle risque de s’installer, avec son lot de déformations, d’erreurs et même de médisances. Donc, le seul moyen de protéger la cohésion des équipes est de prévoir des actions en amont, sinon on passe directement à la communication de crise qui est encore plus exigeante et compliquée à mettre en place. 

Propos recueillis par Nabila Bakkass

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