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Quand le syndrome du «cœur brisé» s’invite en milieu professionnel

Quand le syndrome du «cœur brisé» s’invite en milieu professionnel

Conseil : On attend récemment parler du «chagrin du travail». De quoi s’agit-il et quels en sont 

les symptômes ?

Malgorzata Saadani :
Avant de répondre directement à votre question, j’aimerais préciser ce qui se cache derrière cette notion, relativement récente dans le vocabulaire RH. Il s’agit d’un symptôme dit «du cœur brisé» qui se manifeste par les maux physiques liés à la somatisation du stress affectant particulièrement le cœur : douleurs thoraciques, serrements, palpitations, sensations d’étourdissement, etc. Autrement dit, le cœur devient réellement cliniquement malade suite à des états émotionnels forts. 

Évidemment, chaque type de travail peut provoquer un stress plus ou moins intense, plus ou moins durable. Mais à partir d’un certain seuil, amplifié par la fragilité individuelle passagère ou l’hypersensibilité innée, cette situation peut devenir problématique, voire inquiétante lorsqu’il s’agit d’une vraie menace à la santé ou la vie d’un 

collaborateur. 

D’une manière générale, nous travaillons pour des motivations dont les proportions diffèrent d’une personne à l’autre : être reconnu professionnellement, subvenir aux besoins de la famille, avoir une vie sociale, se développer intellectuellement ou spirituellement. Quand c’est le contraire que nous observons comme résultats, nous pouvons nous forcer à continuer, mais à quel prix ? Le sacrifice de soi et le cœur brisé par le chagrin constituent un état de souffrance qui ne dit pas son nom à haute voix, mais donne des alertes à travers notre corps.

Quels moyens se donner pour s’en libérer ?

Le meilleur moyen de s’en sortir, c’est déjà de bien le diagnostiquer, en trouver les origines et agir pour changer les choses. Le plus souvent, le cœur «se brise» lorsque nos efforts et nos mérites ne sont pas reconnus ou justement récompensés, lorsque nous sommes victimes du harcèlement moral, lorsque nous sommes soumis à la surcharge des missions et la pression des résultats, lorsqu’autour de nous règnent le désordre et l’injustice ; en un mot lorsque nos frustrations sur le lieu de travail dominent sur notre satisfaction d’y être. Pour commencer, nous devons apprendre à reconnaître les situations et les personnes toxiques, constater avec précision les effets qu’elles produisent sur nous.

Ensuite, nous devons décider en toute conscience d’y mettre un frein, voire en finir : parler clairement, afficher nos attentes, proposer des solutions ouvertes et négociables. À chaque étape, nous devons nous souvenir que la santé est notre «bien» le plus précieux, non remplaçable et non échangeable avec d’autres personnes. C’est la véritable limite de ce qui est discutable dans notre quotidien. Bien sûr, cette réflexion et l’action peuvent prendre du temps à se mettre en place et apporter des résultats concrets. À ce stade, un bon coaching ou toute autre forme de soutien ou d’accompagnement peuvent être très utiles pour avoir une vision plus avertie et une action plus efficace.

Dans quelle mesure ce phénomène peut-il nuire au climat du travail ?

C’est surtout à la personne concernée que ce genre de situation porte préjudice. Quand l’intensité du phénomène prend de l’ampleur et concerne plusieurs individus dans les différents départements, nous pouvons parler de tout un système ou l’organisation défaillante, ce qui se constate par l’ambiance des non-dits et des esclandres divers, dont l’intensité n’est pas proportionnée ou explicable. Cette nervosité provoque d’abord l’absentéisme, puis le turnover important, surtout chez les collaborateurs les plus précieux pour l’entreprise : ceux qui ont le sens de l’initiative, les compétences pointues et le leadership naturel.

Quelles sont vos recommandations pour bien gérer ses émotions et instaurer un équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle ?

Dans ce contexte particulier, à savoir le chagrin de travail, il y a deux facteurs le plus importants : identifier les raisons du mal-être et savoir mettre les mots sur le ressenti, ce qui n’est pas simple. Ensuite vient le temps de l’action que j’appelle la désensibilisation : développer sa capacité de raisonner pour que les émotions ne débordent pas, et aussi apprendre les techniques de relaxation qui favorisent plus d’équilibre entre notre cerveau cartésien et celui émotionnel. 

Quand il s’agit d’harmonie globale entre les différents aspects de sa vie, il faut surtout chercher les véritables priorités fondées sur les valeurs personnelles, que cela soit conscient ou intuitif. Et se poser la question : dans quelle mesure ce que je fais contribue-t-il à mes objectifs de vie ? 

Propos recueillis par Nabila Bakkass

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