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Attention aux casseurs d’ambiance !

Comment agir face aux casseurs d’ambiance ? Ces profils sont dangereux et impactent négativement le climat du travail, et par conséquent la productivité de tous les collaborateurs. Ils sont efficaces quand ils agissent dans l’ombre, mais dès qu’ils sont dévoilés, leur champ d’influence devient quasi nul. Le point avec Dr Mohammed Benouarrek, directeur du Pôle stratégie, organisation et capital humain à Promamec, expert international en conduite du changement et en gestion des ressources humaines.

Attention aux casseurs d’ambiance !
Les casseurs d’ambiance sont d’une intelligence relationnelle très marquée et arrivent souvent, de par leur talent théâtral, à se mettre dans la peau de la victime. Ph. Shutterstock.

Conseil : Les casseurs d’ambiance existent pratiquement dans toutes les entreprises. Comment les identifier ?
Dr Mohammed Benouarrek :
Entre les descriptifs de postes et les descriptifs des rôles sociaux au sein de l’entreprise existe tout un monde. En effet, quand les collaborateurs intègrent une entreprise, ils ne vont pas se défaire de leurs personnalités ni de leurs vocations. Certains ont comme hobby de casser l’ambiance qui règne. Ils sont mal à l’aise dans un environnement sain. Les identifier est très difficile, car certains sont très doués et sont dotés d’une intelligence émotionnelle exceptionnelle, ils arrivent à tisser des liens intimes et étroits avec tout le monde. Ils sont parfois appréciés pour leur extraversion, jovialité et caractère sociable, ce qui les aide à passer inaperçus. Deux facteurs peuvent aider à les démasquer : le temps et le rapprochement croisé des informations. Ceci est facile à dire, mais pas à faire, car une fois la confiance installée, il devient très difficile de remettre en cause ces individus et, par conséquent, de les repérer. Comme dans un jardin, les mauvaises herbes poussent à tout moment, c’est presque inévitable. Des fois, on les recrute et plante sans s’en apercevoir. Ceci fait partie des aléas dans la pratique et la vie managériale. Avant de pouvoir identifier ces casseurs d’ambiance, il faudra garder en tête qu’un comportement malsain émane de personnes malsaines ou bien manipulées dans certains cas. Il y a toujours une finalité derrière. Un tel comportement pathologique dénote un dysfonctionnement émotionnel des fois et une volonté de masquer des défaillances dans d’autres cas.

Comment gérer ces personnes ? Faut-il prévoir des entretiens de recadrage ?
Une fois identifiées, ces personnes deviennent vulnérables. Leur plus grand danger réside dans leur invisibilité. Elles peuvent influencer leurs collègues ou supérieurs hiérarchiques, car elles affichent des intentions bonnes, voire professionnelles. Le fait qu’elles aient alimenté leurs comptes bancaires émotionnels chez les autres de par leur caractère sociable les met à l’abri du doute quant à la finalité de leurs actes ou dires. La meilleure façon de les gérer est de leur faire savoir qu’elles sont identifiées et que vous êtes au courant de leurs agitations. Ces personnes sont efficaces quand elles agissent dans l’ombre. Une fois leur jeu dévoilé, elles peuvent partir d’elles-mêmes. Toutefois, certaines restent clouées à l’entreprise, car elles n’ont pas d’autres alternatives ailleurs, mais leur champ d’influence devient quasi nul. Une fois que vous programmez des séances de cadrage avec ces éléments perturbateurs, ils savent que leurs cartes sont dévoilées. Bien entendu, ces personnes ne vont jamais avouer leurs actes ni leurs intentions profondes, mais elles vont s’éclipser d’elles-mêmes et changer de comportement. De par mon humble expérience, ces personnes sont d’une intelligence relationnelle très marquée et arrivent souvent, de par leur talent théâtral, à se se mettre dans la  peau de la victime. Il existe des cas où même les séances de cadrage ne servent à rien, car il s’agit de pathologies psychiques animées non par un intérêt particulier (promotion, intérêt personnel ou de clan, etc.) mais plutôt d’une maladie psychologique tout simplement. Ce sont des poissons qui ne veulent nager ni dans l’eau douce, ni dans l’eau de mer, mais plutôt dans les égouts.

Le maintien de l’ambiance du travail est aujourd’hui vital. Est-ce la responsabilité uniquement du manager ou est-ce plutôt l’affaire de tous ?
L’ambiance au travail est sans aucun doute la responsabilité de tous. Le manager direct, le département RH et le manager indirect sont tous responsables de créer et de maintenir une bonne ambiance. Cela dit, le maintien est beaucoup plus difficile, car les ficelles sont nombreuses et les sources de perturbation sont à la fois invisibles et imprévisibles. Dans certains cas, un ex-collaborateur qui a quitté peut provoquer un malaise dans son ex-maison d’hôtes par vengeance. Dans d’autres cas, ça peut être un élément qui alimente ce malaise ou un manager qui veut créer le buzz pour que les projecteurs ne se braquent pas sur sa performance ou ses insuffisances. La vie au sein de l’entreprise nous apprend des choses chaque jour. Une chose à retenir cependant : l’ambiance est la responsabilité de tout le monde, de sa création à son maintien. Ce dernier est le plus grand challenge. Au sein de l’entreprise, tous les collaborateurs sont à la fois créateurs et consommateurs de l’ambiance qui règne. Le défi de la préserver incombe à tous.

Concrètement, par quels moyens peut-on maintenir une bonne ambiance de travail sachant que chaque entreprise doit faire face à plusieurs contraintes, notamment de compétitivité ? 
Il existe une panoplie de solutions, mais elles n’ont de sens que dans leur contexte. La contextualisation est cruciale quand on veut parler de solutions. Les symptômes de malaise sont lisibles à travers le turnover, entre autres indicateurs. Administrer des enquêtes de satisfaction et/ou d’engagement est un point de départ afin d’avoir une idée sur la cartographie de malaise et les raisons derrière. Après cette prise de conscience, il est recommandé de tenir un atelier de réflexion afin d’impliquer toutes les parties prenantes dans le processus de résolution des problèmes décelés. Ces problèmes peuvent être structurels, organisationnels, interpersonnels ou autre. Le plus important est de les repérer et les recenser pour agir sur les causes et non les symptômes. Les Wh-questions (who, where, when, why, how, what) peuvent être révélateurs de pistes de résolution de problèmes. Cela dit, lors des ateliers de réflexion, il faudra se doter d’une capacité et d’une volonté pour dépersonnaliser le débat afin de trouver des propositions pertinentes et dépolitisées. 

Propos recueillis par Nabila Bakkass

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