Bank Al-Maghrib poursuit résolument sa mobilisation pour garantir le financement de l’économie nationale en cette période de crise liée au Covid-19. La Banque centrale a, en effet, décidé une deuxième réduction du taux directeur de 50 points de base, le ramenant à 1,5%, et ce, après la baisse de 25 points de base décidée en mars dernier. Elle a également décidé de libérer intégralement le compte de réserve au profit des banques. Ce qui se traduira par une injection d’environ 10 milliards dans le secteur bancaire, a indiqué Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib, à l’issue de la deuxième réunion trimestrielle de l’année 2020 du conseil de BAM tenue le 16 juin à Rabat.
Cette mobilisation a aussi donné lieu à la mise en place des dispositions spécifiques pour refinancer les concours bancaires aux banques participatives et aux associations de microcrédit. La Banque centrale veillera à la transmission de ses décisions à l’économie réelle et favorisera davantage, dans le cadre de ses opérations de refinancement, les banques qui déploient le plus d’efforts dans ce sens, a noté le patron de BAM. Ces mesures s’insèrent dans les réponses apportées par le Maroc pour atténuer les effets de la pandémie du Covid-19. Sachant que BAM fait partie du Comité de veille économique (CVE) mis en place le 11 mars et qui a adopté plusieurs mesures, entre autres, sur le plan économique et mises en œuvre sur la période allant jusqu’au 30 juin. Le gouverneur de la banque centrale a présenté quelques résultats de ces mesures. Il s’agit notamment du nombre de dossiers de crédit «Damane oxygène» garantis par l’État qui a atteint au 12 juin 27.551 entreprises pour un montant de 13,8 milliards de DH. Pour les reports d’échéances de crédit, près de 491.500 demandes ont été approuvées à fin mai dont 94% au profit des particuliers et 6% des entreprises. De même, 134.000 entreprises ont déclaré 950.000 salariés en arrêt provisoire de travail en avril. Plus de 2,8 millions de ménages «ramédistes» et près de 2,6 millions «non ramédistes» ont bénéficié du soutien financier. «La coordination et la supervision globale de cette opération sur le terrain ont été assurées par Bank Al-Maghrib et je tiens, à cet égard, à souligner la mobilisation et l’effort exceptionnel fourni par le système bancaire, les établissements de paiement et les associations de microcrédit pour assurer les conditions de réussite de cette opération nationale», a indiqué Abdellatif Jouahri. Par ailleurs, relève-t-il, cette aide a donné lieu à une «hausse exceptionnelle» de la monnaie fiduciaire qui s’est élevée à 305,3 milliards de DH à fin mai, soit une croissance de 20% en rythme annuel. Depuis le début de l’année, elle s’est accrue de 38,5 milliards contre 18,3 milliards sur l’ensemble de l’année 2019, note-t-il. En effet, explique-t-il, un «effort monstre» a été consenti pour toucher ces bénéficiaires notamment dans le monde rural où les guichets bancaires font défaut. Pour y remédier, les autorités ont eu recours aux agences bancaires mobiles, rappelle-t-il, déplorant l’absence d’un écosystème de mobile banking. Le gouverneur de BAM a, d’ailleurs, révélé avoir adressé une lettre au ministre des Finances pour proposer de prévoir des dispositions notamment fiscales dans la loi de Finances pour encourager ce mode de paiement, au profit notamment des commerçants. Il a reçu des promesses à cet effet, note-t-il.
Autre résultat de ces mesures économiques, le montant des injections de liquidités a atteint des «niveaux exceptionnels», passant de 67,2 milliards de DH au 13 mars à 107,2 milliards au 5 juin, indique Abdellatif Jouahri.
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L’Avis de l’expert, Adnane El Kadiri, Economiste Managing partner du cabinet Lavoisier Africa
Invité de L’Info en Face, Adnane El Kadiri, Economiste Managing Partner du cabinet Lavoisier Africa, a précisé que le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, «allait être très regardant sur la répercussion de la baisse de 0,5% du taux directeur, qu’il a consenti, sur les crédits des clients des banques, dans le sens où la Banque centrale s’attende à ce que cette bouffée d’oxygène profite aux clients». Il affirme par ailleurs que cette baisse est un des leviers de la relance économique en permettant aux entreprises notamment l’accès à un financement moins cher. Cependant, il précise que cette baisse ne concerne pas forcément les sociétés de financement et notamment les crédits de consommation. «Les sociétés de financement ne sont pas concernés directement par la baisse de 0,5%, par contre, rien ne les empêche de faire un geste commercial si elles le veulent», explique-t-il.