Le vœu du Maroc est que les inégalités entre les femmes et les hommes appartiennent à un autre temps. C’est en ces termes que le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, s’est exprimé à l’occasion d’une réunion de haut niveau organisée, en octobre 2020, par les Nations unies pour célébrer le 25e anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, tenue à Pékin. M. Bourita y est allé défendre une politique bien courageuse du Maroc qui fait de l’égalité femmes-hommes une «stratégie volontariste», qui émane d’une conviction, selon laquelle ladite égalité est un «droit humain fondamental, un impératif juridique et une exigence socio-économique».
Le Centre d’excellence pour la Budgétisation sensible au genre repose sur trois facteurs qui font son succès :
Le premier facteur est un facteur légal et institutionnel. Dans ce socle, il y a la loi, et il y a également la circulaire annuelle du Chef du gouvernement qui exige que soit respectée cette loi par les départements ministériels.
Le deuxième facteur est le Rapport Genre ; un instrument puissant, utile, fondamental que le Maroc est en train de réviser pour le rendre encore plus puissant en termes d’outils de suivi des politiques publiques. Le troisième socle est le renforcement de capacités. L’un des aspects les plus importants d’un centre d’excellence sur la BSG est d’être capable de maintenir un rythme de formation, de renforcement de capacités ainsi que le Knowledge Management. (Source : ONU-Femmes)Déclaration de Leila Rhiwi, représentante du Bureau Maroc d’ONU Femmes
«La BSG est une approche permettant de déterminer si les engagements d’un gouvernement en matière d’égalité des sexes se traduisent par des engagements budgétaires. Sensibiliser le public à cette démarche est important, et contribue à tenir les décideurs redevables de leurs engagements politiques en matière de réduction des inégalités de genre.»
Entretien avec Ahmed Berrada, directeur adjoint du Budget et directeur national du Centre d’excellence pour la Budgétisation sensible au genre au ministère de l’Économie, des finances et de la réforme de l’Administration
«Aujourd’hui plus que jamais, la BSG est le choix opérationnel incontournable pour assurer une sortie de crise fondée sur les valeurs d’équité et d’égalité»â
Management & Carrière : Tout d’abord, pourriez-vous nous donner une définition brève de l’approche «Budgétisation sensible au genre» ?Ahmed Berrada : La Budgétisation sensible au genre (BSG) est une approche budgétaire qui vise une répartition plus équitable des ressources publiques, en faveur de l’égalité entre les sexes. Mettre en œuvre la BSG c’est intégrer l’approche Genre dans les différentes étapes du processus budgétaire de l’État. Concrètement, cela revient à identifier les inégalités entre les sexes dans tel ou tel secteur, à allouer les ressources nécessaires à leur réduction et à définir des objectifs et indicateurs sensibles au genre afin de s’assurer de l’impact des politiques publiques sur l’égalité. La BSG nous permet donc d’investir les ressources de l’État de manière efficace et équitable, en tenant compte des besoins et intérêts de tous les citoyens et citoyennes sans discrimination.
Quels sont les indicateurs dont vous disposez pour savoir si les ressources de l’État bénéficient équitablement aux hommes et aux femmes ?
Tous les départements ministériels sont légalement appelés à accompagner leurs budgets de Projets de performance (PdP), documents publics définissant les objectifs à atteindre, suivis à travers un certain nombre d’indicateurs. L’accompagnement mené par le Centre d’excellence pour la Budgétisation sensible au genre (CE-BSG) vise à s’assurer que ces indicateurs permettent de mesurer la réduction des inégalités et donc de s’assurer que les ressources publiques bénéficient équitablement aux hommes et aux femmes. Par exemple, la Direction générale de l’eau s’est engagée sur un indicateur portant sur le pourcentage des filles dans les écoles rurales bénéficiaires de projets d’assainissement. Sachant que l’absence de sanitaires dans les écoles reste encore une barrière à la scolarisation des jeunes filles rurales, un tel indicateur permet non seulement, de mesurer l’impact des ressources publiques sur l’accès des jeunes filles à l’assainissement en milieu scolaire, mais également de constater la réduction des barrières à leur scolarisation.Parmi les indicateurs inquiétants il y a le taux de participation active des femmes qui se situe à 20%. Comment expliquer ce taux qui est un des plus bas au monde ?
Le taux d’activité des femmes, qui se situe selon les derniers chiffres à 21,5%, témoigne en effet d’une faible intégration des femmes sur le marché du travail marocain. Le Rapport sur le Budget axé sur les résultats et tenant compte de l’aspect Genre, plus communément appelé Rapport Budget Genre, qui accompagne le Projet de Loi de Finances, présente cette année un ensemble d’éléments intéressants sur la faible participation économique des femmes, ses causes et surtout son coût pour la société marocaine. Selon ce rapport, un ensemble d’obstacles sont à l’origine du faible taux d’activité économique féminine, notamment les normes sociales liées au genre, la structure de l’économie et du marché du travail et le plus faible capital humain des femmes. Ces facteurs se conjuguent pour influencer à la fois l’offre et la demande de travail.Pourquoi avoir choisi de lancer cette campagne en ce moment précis ?
Le Projet de Loi de Finances 2021 a été adopté en deuxième lecture par la Chambre des représentants cette semaine. Or la période de l’examen et de l’adoption du Projet de Loi de Finances est un moment important de discussions et de débats publics sur la définition des futures priorités budgétaires de l’État. C’est donc un contexte propice pour lancer cette campagne d’information sur la démarche BSG. De plus, cette campagne s’inscrit dans le contexte de la crise sanitaire et de ses lourdes conséquences socio-économiques. Les effets directs et indirects de la pandémie touchent en effet l’ensemble de la population, mais particulièrement les franges les plus vulnérables de la société. La crise exacerbe et approfondit les inégalités préexistantes, notamment les inégalités femmes-hommes. Aujourd’hui plus que jamais, la BSG est le choix opérationnel incontournable pour assurer une sortie de crise fondée sur les valeurs d’équité et d’égalité.Cette approche concerne principalement l’engagement de l’État, qu’en est-il du secteur privé et de son rôle pour réduire les inégalités notamment dans le milieu professionnel ?
Le secteur privé a effectivement un rôle important à jouer dans la réduction des inégalités. La BSG peut être un outil budgétaire intéressant pour l’État afin d’inciter le secteur privé à s’inscrire dans cette démarche égalitaire, notamment à travers ses politiques économiques.