La révolution numérique va nécessiter d’importants efforts de reconversion pour préserver l’emploi, selon un rapport du Forum économique mondial publié mercredi, mettant en lumière que près de la moitié des salariés vont devoir mettre à niveau leurs compétences. La pandémie du Covid-19 a accéléré les mutations du monde du travail déjà à l’œuvre, selon ce rapport qui se penche sur l’avenir de l’emploi avec ce que les organisateurs du Forum économique mondial qui se tient habituellement à Davos, en Suisse, décrivent comme une «quatrième révolution industrielle». Préfaçant ce rapport, le fondateur et Executive Chairman du Forum économique mondial (WEF), Klaub Schwab, estime que le monde passe par un moment décisif, «les décisions et les choix que nous faisons aujourd’hui détermineront le cours des générations entières, leurs vies et moyens de subsistance. Nous avons les outils à notre disposition. La richesse de l’innovation technologique qui définit notre ère actuelle peut être mise à profit pour libérer le potentiel humain. Nous avons les moyens pour requalifier et améliorer les compétences pour déployer des filets de sécurité pour protéger les travailleurs, et pour créer des stratégies adaptées aux emplois de demain». Il admet par ailleurs, que les efforts déployés restent insuffisants et qu’il faut agir vite en mettant en place un système socio-économique plus juste, durable et équitable, et où la mobilité sociale est encouragée, la cohésion sociale rétablie et la prospérité économique est compatible avec le développement durable.
Demain, c’est déjà aujourd’hui
«Ce qui était considéré comme ‘‘l’avenir du travail’’ est déjà arrivé’’», affirment les auteurs de ce rapport dans un communiqué, soulignant que la récession déclenchée par la crise sanitaire «a provoqué un changement du marché du travail plus rapide que prévu».D’ici 2025, l’automatisation et la nouvelle répartition du travail entre les humains et les machines risquent de perturber quelque 85 millions d’emplois au niveau mondial, touchant en particulier les tâches appelées à évoluer avec les changements technologiques, telles que la saisie de données, la comptabilité et le soutien administratif.Mais les nouvelles technologies vont également faire émerger quelque 97 millions de nouveaux postes, entre autres dans des secteurs tels que les soins à la personne, les entreprises liées à cette quatrième révolution industrielle, notamment dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, ou encore dans la création de contenus.Selon ce rapport, 43% des entreprises interrogées s’attendent à réduire leurs effectifs en raison de ces nouvelles technologies, 41% prévoient de recourir à davantage de sous-traitants tandis que 34% prévoient au contraire de recruter avec ces mutations technologiques.Ce rapport, dans sa troisième édition, se base sur les projections de hauts dirigeants d’entreprises, dont des directeurs des ressources humaines et directeurs de la stratégie, qui représentent près de 300 grandes entreprises.Par rapport aux deux précédentes éditions, les auteurs de l’étude notent cependant que les créations de postes sont en train de ralentir alors que les destructions d’emplois accélèrent.La crise sanitaire a «aggravé les inégalités existantes», a noté Saadia Zahidi, directrice générale au Forum économique mondial, citée dans le communiqué, le rapport mettant en lumière un «nouveau sentiment d’urgence» pour accélérer la reconversion. «À l’avenir, nous verrons que les entreprises les plus compétitives seront celles ayant investi massivement dans leur capital humain, les qualifications et les compétences de leurs employés», a-t-elle affirmé.Près de 50% des travailleurs qui conserveront leur poste au cours des cinq prochaines années auront besoin d’une reconversion, selon ce rapport. Cette reconversion passe également par une requalification et une accentuation des compétences nouvelles. Le rapport indique ainsi que les écarts de compétences vont continuer à se creuser compte tenu des emplois qui évoluent. «Pour les cinq prochaines années, les meilleures compétences seront celles en lien avec le travail d’équipe, la pensée critique, l’esprit d’analyse, la résolution de problèmes, le self-management, l’apprentissage actif, la résilience, la tolérance au stress et la flexibilité», indique le rapport. Les entreprises interrogées estiment qu’environ 40% des travailleurs auront besoin d’une requalification de six mois au moins et 94% des chefs d’entreprise déclarent attendre des employés qu’ils acquièrent de nouvelles compétences professionnelles. Une hausse considérable par rapport à 2018, où seuls 65% de managers exprimaient un besoin urgent d’adoption de nouveaux skills.Avis de l’expert
Hassan Charraf, vice-président du Centre international pour le développement et la coopération, estime qu’il est opportun de faire un travail sur soi afin de s’adapter à ces changements et se préparer à l’après Covid-19. Interrogé sur les compétences à développer durant cette crise sanitaire, M. Charraf souligne que celles-ci se déclinent en trois grands niveaux :
Les compétences humaines : Sur ce volet, Hassan Charraf indique qu’il est important de développer l’esprit de la solidarité. «Une compétence dont les Marocains ont fait preuve durant cette période de crise sanitaire et qui doit être renforcée après la pandémie», souligne-t-il, avant d’ajouter une autre compétence humaine à développer et qui concerne la sérénité. Une compétence qui nous permet ainsi de faire face à la peur et au manque de visibilité. «Cette compétence nous permettra ainsi d’oser d’entreprendre et de se développer dans le monde de demain avec beaucoup tout en adoptant une posture orientée solutions», explique-t-il.
Les compétences managériales : Sur cet axe, l’expert partage trois compétences clés à développer. D’abord, la gestion de la complexité, partant du principe que les problèmes sont de plus en plus complexes et il est quasi-impossible de continuer à les gérer de façon simple. Ensuite, la gestion de l’imprévisible. «Ceux qui avancent sont ceux qui ont la possibilité de gérer dans l’imprévisible tout en étant agiles, flexibles et surtout capables de s’adapter aux différents changements», explique-t-il. La troisième compétence managériale est celle de la gestion du flou. «La question qu’il faudrait bien se poser aujourd’hui c’est comment on pourrait avancer dans le flou car on ne sait pas encore comment les choses vont évoluer dans l’avenir», clarifie-t-il.
Les compétences techniques : Sur ce volet, Hassan Charraf estime d’abord qu’il y aura beaucoup de choses à découvrir, notamment dans tout ce qui est lié au domaine du digital qui doit être responsable, éthique et surtout durable. Ensuite, ajoute-t-il, il faut investir dans les métiers qui sont en relation avec la vie humaine, notamment tout ce qui est lié au domaine de la santé. «Avec la crise du Covid-19, nous nous sommes rendus compte que ces sciences sont très demandées et très recherchées», clarifie-t-il. Une troisième compétence technique à développer réside dans la capacité de créer et d’innover.Par ailleurs, Hassan Charraf tient à souligner qu’une chose est sûre : les emplois à vie n’existeront plus. La crise sanitaire que nous sommes en train de traverser nous a appris beaucoup de choses, notamment qu’on ne peut pas prédire l’avenir et qu’il faut être capable de s’adapter rapidement aux changements sans pour autant y avoir peur, car la peur est en soi, un obstacle et un frein au succès.
S.Ba. Avec agences