Avoir un enfant qui dit «Non» à tout et qui résiste à tout compromis et à toute concession constitue une source d’inquiétude pour bon nombre de parents. Ils se voient incapables de le gérer, surtout en plein public. Pour comprendre les raisons de cette attitude et surtout pour apporter un coup de main à ces parents, nous avons contacté Imane Hadouche, Master coach et comportementaliste. L’experte tient avant tout à rappeler à ces parents qu’il est «plus inquiétant d’avoir un enfant qui dit “Oui” à tout, tout le temps, puisque cela fait de ce dernier une victime toute désignée pour tout manipulateur et toutes sortes d’abus». Cela dit, ajoute-t-elle, «dire ‘’Non’’ et résister à tout compromis peut aussi s’avérer dangereux pour l’évolution des capacités cognitives de nos enfants et peut ainsi nuire à leur intégration sociale». Imane Hadouche s’appuie ainsi sur plusieurs théories d’éducation, dont le paradigme du «socioconstructivisme» de Piaget, la théorie «psychosociale» de Wallon ou encore les travaux philosophiques de «Kant», pour affirmer qu’il arrive un moment dans l’éducation de l’enfant où sa capacité d’assimilation et d’accommodation des règles du vivre-ensemble et des règles disciplinaires facilitent son intégration sociale et son apprentissage par le transfert d’expériences, renforcent son équilibre et le préparent à vivre dans un monde fait de compromis où l’autre et ses différences sont pris en considération. Dans ce sens, l’experte rappelle que les enfants qui disent «Non» à tout passe par deux grandes phases :
• En termes d’évolution, la crise du «Non» est tout à fait normale et apparaît généralement vers l’âge de trois ans : à cet âge-là, l’enfant sort de son mode de pensée égocentrique et tourné spécifiquement vers lui-même et vers les objets pour découvrir la parole (qui est un pouvoir en soi), pour ensuite découvrir le poids du mot magique pour lui et qui lui fait découvrir son pouvoir sur le monde autour de lui, le «Non». Cela coïncide généralement avec ses premières années à l’école et donc avec la découverte de l’autre, du relationnel, des premières injustices, des premiers rejets, et ça ne fait que se renforcer, comme un outil d’affirmation et de protection.
• La crise du «Non» réapparaît à la préadolescence et peut durer pendant l’adolescence, selon le rythme de chacun. Cette fois, l’enfant a eu le temps de recevoir quelques leçons de vie et est en phase d’intégration et de constructivisme de sa propre identité (valeurs, croyances…). Comme cela passe par des questionnements, des doutes et des remises en question, notre adolescent commence par tout rejeter et à défaut de savoir ce qu’il veut et commencer à le manifester, il s’affirme par opposition en réfutant ce qu’il ne veut pas ou plus.
Interrogée sur les moyens que l’on peut utiliser pour aider son enfant à devenir plus conciliant, Imane Hadouche partage les bonnes pratiques à adopter, à savoir :
• Donner l’exemple : Comme toute chose et tout principe en éducation : la première règle de base c’est de «donner l’exemple». Des parents qui sont aptes à communiquer, à négocier pour trouver des compromis, à s’affirmer dans la bienveillance et l’assertivité, y arriveront plus efficacement.
• Temporiser et dilater dans le temps : Demander à son enfant de prendre le temps de réfléchir avant de répondre par un «Non» ou un «Oui», les deux étant toujours possibles après 5 ou 10 minutes. Quitte à refuser d’accepter le «Non» comme réponse définitive et revenir à la charge, en présentant la même demande ou la même question, plusieurs fois de suite. Cela peut paraître usant pour les parents, mais croyez-moi, ça l’est aussi pour l’enfant.
• Amener l’enfant à réfléchir en expliquant que réfléchir n’est pas fléchir : Une fois assuré qu’il aura toujours droit à son «Non» après réflexion, demandez-lui de penser à ce que son opposition lui ferait gagner ou perdre, mesurer les avantages et les inconvénients de son opposition.
• Jouer au miroir : Imiter son comportement et lui expliquer que pour être écouté, il faut apprendre à écouter les autres, que pour être respecté dans ses besoins et ses oppositions, il faut respecter les autres dans leurs besoins et oppositions. C’est l’essence même des relations équilibrées et épanouissantes.
• Tracer des limites : Clarifier de manière ferme où commence sa liberté de dire non et où elle devrait s’arrêter. Préciser où commence la discipline, qui met un terme à toute résistance, puisque les règles du vivre-ensemble et les codes de vie en groupe (famille, amis, école…) sont un droit pour tout un chacun, lui, mais aussi les autres.
Par ailleurs, Imane Hadouche souligne que dire «Non» est un mécanisme psychologique normal, que même les adultes peuvent vivre suite à un changement de vie important ou durant une énorme remise en question : d’abord, on s’installe dans le questionnement, puis dans le doute. Ensuite, on procède par élimination, en rejetant ce qu’on ne veut pas/plus, avant de clarifier notre vision et nous ancrer dans ce que nous voulons être ou faire.
Entre le «Oui» et le «Non», tout est question d’équilibre !
Un enfant qui dit «Non» est un enfant mieux armé et mieux protégé contre les manipulateurs. À l’excès, cela peut évidemment nuire à son apprentissage social, son évolution cognitive et son relationnel, tout l’enjeu est d’équilibrer son tempérament, en clarifiant avec lui les vraies limites pour tout compromis, et les valeurs non négociables. En tant qu’adultes, nous savons que le monde est fait aussi de personnes qui ne sont pas de bonne foi et avec lesquels il est impossible ou inutile de faire des compromis. Tout l’enjeu est de savoir équilibrer discipline et liberté, respect de soi et respect de l’autre.