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IS : Une perte de 20 milliards de DH pour l’État cette année

Selon Inforisk, le chiffre d’affaires cumulé des entreprises marocaines serait inférieur de 412 milliards de DH cette année comparé à son niveau de 2019. De nombreuses entreprises réaliseraient même un chiffre d’affaires inférieur à leur point mort, engendrant une perte inévitable. Le spécialiste de l’information légale et financière estime à 20 milliards de DH le manque à gagner sur les recettes de l’IS cette année, comparé aux 54 milliards collectés en 2019.

IS : Une perte de 20 milliards de DH pour l’État cette année

La baisse globale d’activité liée au Covid-19 est d’une ampleur inédite. Selon Inforisk, le chiffre d’affaires cumulé des entreprises marocaines serait inférieur de 412 milliards de DH cette année par rapport à son niveau de 2019 (1.296 milliards de DH réalisés l’année dernière par 600.000 sociétés répertoriées).  Le «Commerce de gros et intermédiaires du commerce» subirait la plus grosse perte (-129,5 milliards de DH), loin devant la distribution et réparation automobile (-34,2 milliards) et la construction (-28,9 milliards de DH). 
Globalement, le chiffre d’affaires des entreprises devrait baisser de 32% en moyenne cette année. Les TPE étant les plus impactées (-38%), devant les PME (-32%) et les grandes entreprises (-25%). Ces chiffres ont été dévoilés lors d’une visioconférence organisée le 30 septembre par Inforisk, afin de présenter sa dernière étude : «Impacts Covid-19 sur les entreprises, état des lieux, analyse et perspectives 2020». Cette étude est basée sur une enquête auprès de 2.000 entreprises réalisée à la fin du premier semestre et enrichie par l’analyse d’autres données provenant notamment du secteur bancaire et des institutions publiques. 
En pourcentage de chiffre d’affaires, les 3 branches d’activités les plus impactées en 2020 seraient les agences de voyage (-54%), les hôtels et restaurants (53%) et la location de véhicules (49%). 
«Le contexte actuel a dégradé encore la situation des entreprises déjà fragiles avant la crise Covid-19. Les risques de détérioration de leur santé financière s’accroît au moment où les entreprises ont encore très peu de visibilité sur une éventuelle reprise de leur activité», alerte Khalid Ayouch, PDG d’Inforisk.  «Il est également probable qu’en 2020, de nombreuses entreprises réalisent un chiffre d’affaires inférieur à leur point mort, engendrant une perte inévitable et donc des montants d’IS à payer moindre qu’en 2018 et 2019», souligne, pour sa part, Amine Diouri, directeur Études & Communication d’Inforisk. Le spécialiste de l’information légale et financière estime à 20 milliards de DH la baisse de l’IS collecté cette année, par rapport aux 54 milliards de 2019.

Coupes claires dans les effectifs
Compte tenu de la crise Covid, les emplois sont naturellement menacés. Les TPE envisagent de réduire de 48% leurs affectifs, les PME de 39% et les grandes entreprises de 34%.   Par secteur, les Hôtels et Restaurants prévoient des coupes des 2/3 de leurs effectifs actuels, l’industrie textile de 65% et les agences de voyages de 64%.  Ce qui aggrave la situation, c’est le rallongement des délais de règlements des clients.  «Les sociétés interrogées subissent une augmentation moyenne des délais de paiement -déjà très longs- de 60 jours (j) depuis le début de la crise », regrette Amine Diouri. Les délais clients devront atteindre des niveaux record, particulièrement dans la construction (+64 à 305 j), les services aux entreprises (+58 à 303 j), le commerce de gros (+63 à 241) et les transports terrestres (+41 à 241 j). Mais aussi les industries manufacturières (+56 à 232 j), et les activités immobilières (+61 à 215 j). A noter aussi que pour l’agriculture, les délais s’allongeraient de 69 jours à 196.  Par taille d’entreprise, les délais clients se situeraient à 272 jours pour les TPE, 178 pour les PME et 143  pour les grandes entreprises.  «Le recouvrement est, plus que jamais, devenu la priorité des entreprises», estime Khalid Ayouch. De ce fait, les défaillances devraient augmenter de 15% cette année avant de s’accélérer de 25% en 2021, soit plus de 20.000 sociétés entre cette année et l’année prochaine. 

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Entretien avec Amine Diouri, directeur Études et Communication chez Inforisk, responsable du programme Inforisk Dun Trade

«Le point culminant des défaillances devrait être atteint au premier semestre 2021»

Les défaillances d’entreprises s’approcheraient des 10.000 cas d’ici la fin de l’année. Néanmoins, le point culminant devrait être atteint au premier semestre 2021. Certes, les mesures prises par le CVE ont eu un impact «amortisseur», particulièrement durant la période de confinement. Mais attention ! le report des échéances bancaires a pris fin en septembre. Beaucoup d’entreprises risquent d’avoir du mal à payer leurs futures échéances, alerte Amine Diouri.

Le Matin : Quels sont les principaux résultats de votre étude relative aux Impacts Covid-19 sur les entreprises ?
Amine Diouri
: Tout d’abord, cette étude est inédite par rapport aux données prises en compte pour la réaliser : c’est une agrégation de différents signaux de data provenant de sources officielles, des entreprises en direct – via un questionnaire –, des administrations, banques/CCG, fédérations professionnelles… Cela nous a permis d’élargir le spectre d’analyse et de calculer des éléments quantitatifs précis, qui nous permettent d’avoir un tableau de bord avec les principaux indicateurs microéconomiques. Nous estimons ainsi que la crise Covid-19 devrait coûter aux entreprises marocaines environ 412 milliards de dirhams de pertes de chiffre d’affaires cumulé. Par ailleurs, nous pensons que d’ici la fin de cette année, les défaillances devraient s’approcher des 10.000 entreprises, soit 15% de plus par rapport à 2019. Néanmoins, le point culminant devrait être atteint au premier semestre 2021 avec une augmentation de 25% des défaillances.

Quels sont les secteurs les plus impactés et ceux qui s’en sortent mieux ? 
Sans grande surprise, les activités les plus touchées sont soit les hôtels et restaurants, soit les autres activités liées au tourisme : agences de voyages, agences de location de véhicules. Néanmoins, quasiment toutes les activités hormis quelques-unes sont impactées par la crise et devraient voir leur chiffre d’affaires baisser de 32% en moyenne en 2020. Celles qui s’en sortent le mieux sont aussi celles dont on a le plus besoin durant cette crise : industrie agroalimentaire, distribution de matériels médicaux ou de matériels informatiques, télécoms. 

Quel a été donc l’impact des mesures prises par le gouvernement et le CVE sur les entreprises ?
Il est certain que les mesures prises par le Comité de veille économique (CVE) ont eu un impact «amortisseur», particulièrement durant la période de confinement. Il n’existe pas à ce jour d’études mesurant précisément les effets amortisseurs de ces mesures sur les entreprises marocaines.  Je ferai donc un parallèle avec la France, et une étude réalisée par la Direction générale du Trésor, qui montrait que les mesures prises en France avaient permis de réduire de 95% l’impact de la crise sur la trésorerie des entreprises et de 75% le risque d’insolvabilité.  Au Maroc, nos entreprises ont également bénéficié des aides/perfusions de l’État, expliquant en partie le faible niveau des défaillances d’entreprises enregistré à aujourd’hui. Attention néanmoins, le report des échéances bancaires a pris fin en septembre. Beaucoup d’entreprises risquent d’avoir du mal à payer leurs futures échéances.

Quelles perspectives pour le reste de 2020 et l’année 2021 pour les entreprises marocaines ?
Les perspectives pour cette fin d’année ne sont pas réjouissantes. Nous devrions connaître en 2020, selon Bank Al-Maghrib, une baisse du PIB supérieure de 6%. Par ailleurs, ce chiffre est bien évidemment dépendant de la situation sanitaire: un second reconfinement aurait un effet très négatif sur notre économie et plus particulièrement nos entreprises. J’attends beaucoup de la loi de Finances 2021 et des moyens qui seront mobilisés par l’Etat, pour justement atténuer les effets de la crise, redonner confiance aux différents opérateurs - ménages, entreprises - et relancer la machine économique. 

À la lumière des résultats de votre étude, que proposez-vous comme  mesures pour améliorer la situation 
et éviter le pire ?

Je pense que des mesures liées directement à la question des délais de paiement doivent être prises. Certes, les crédits Damane imposent aux entreprises empruntrices de payer leurs fournisseurs avec les montants empruntés et participent donc indirectement à la réduction des délais de paiement. Néanmoins, afin d’avoir une portée plus large sur les entreprises, des mesures directes doivent être prises, particulièrement dans le cadre de la prochaine loi de Finances. Certaines mesures sont plébiscitées par les entreprises interrogées : non-déductibilité de la TVA sur les factures dépassant 120 jours, accélération des paiements dans le cadre des marchés publics notamment à destination des TPME… Autre proposition pour réduire les retards de paiement : permettre aux entreprises d’accéder à de l’information structurée et à jour sur les retards de paiement qu’elles subissent. Et ainsi mettre en avant le comportement de paiement de leurs clients : bons ou mauvais payeurs. C’est ce que nous avons mis en place avec le programme «Inforisk Dun Trade» sur les retards de paiement, qui a connu un véritable essor durant la crise et a permis d’apporter de la visibilité aux entreprises sur leurs contreparties. 

Entretien réalisé par Moncef Ben Hayoun

 

 

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