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Jardins du paradis

La culture qui se base sur l’idée qu’il peut y avoir des lieux particulièrement propices pour susciter une médiation et une ferveur spirituelle a des bases théologiques réelles. Le sanctuaire comme le saint symbolisent et renvoient à ce lien avec l’invisible. Au détour d’un chemin de campagne, au sommet d’une colline, dans l’enchevêtrement des ruelles d’une ville ancienne, les «marabouts» nous rappellent à une présence où le surnaturel est toujours profondément lié à la vie ordinaire et à la nature.

Jardins du paradis

Par Faouzi Skali

On dit du Maroc qu’il est un pays mystique, une pépinière de saints. De cette culture là, il est des traces sensibles, le nombre de «qubba-s», de sanctuaires ou de marabouts qui s’égrènent sur l’ensemble de la terre marocaine, dans les villes comme dans les campagnes, sur les plateaux ou sur les cols escarpés. Partout la mémoire collective semble avoir voulu rendre un hommage durable à ceux qui ont traversé la barrière de la mort tout en restant vivants. Le sanctuaire devient lui-même le symbole de ce lien entre le ciel et la terre, dont ils ont en leur temps témoigné. Car dans ce pays aux innombrables saints, la religion n’est pas une abstraction. Elle s’incarne dans chaque geste du quotidien, par ces femmes et ces hommes qui, par leurs valeurs de générosité, de sagesse et de bienveillance deviennent des sources d’inspiration.
Un hadîth rapporte que «Les amis de Dieu sont ceux qui, lorsqu’on les voit, Dieu est évoqué». Des sortes de temples vivants dont le souvenir est prolongé par la construction d’un sanctuaire qui leur est dédié post-mortem, mais à travers lequel on ne doute pas que leur présence spirituelle et leur baraka continuent de rayonner.  Le prototype de ces sanctuaires est celui de la tombe du Prophète 
Muhammed (Que la prière et le salut l’accompagnent) à Médine. Le Prophète (PLS) est effectivement considéré comme vivant dans sa tombe :
«L’espace qui se trouve entre ma tombe et mon minbar (chaire de prêche) est un jardin parmi les  jardins du paradis». C’est ce modèle du sanctuaire prophétique qui selon un autre hadîth s’étend également aux saints : «La tombe du croyant s’élargit aussi loin que son regard peut porter et une porte du paradis lui est ouverte en sorte qu’il reçoive des effluves 
paradisiaques».
Ibn Qayyim al Jawziyya, un savant du 14e siècle, a dédié un ouvrage intitulé «ar rûh» (Le livre de l’esprit) aux hadîths et récits traditionnels attestant la survivance, dans les sanctuaires, d’une conscience post-mortem, rendant ainsi possible cette communication entre vivants et morts. Cette culture qui se base sur l’idée qu’il peut y avoir des lieux particulièrement propices pour susciter une médiation et une ferveur spirituelle a donc des bases théologiques réelles. Le sanctuaire comme le saint symbolisent et renvoient à ce lien 
avec l’invisible.
Au détour d’un chemin de campagne, au sommet d’une colline, dans l’enchevêtrement des ruelles d’une ville ancienne, ils nous rappellent à une présence où le surnaturel est toujours profondément lié à la vie ordinaire et à la nature. Ces coupoles souvent construites sobrement, en terre battue, sont pourtant très belles. Elles s’intègrent avec harmonie dans un paysage qu’elles colorent d’une lumière diffuse de spiritualité. Elles apportent dans des lieux simples et populaires la perception d’une richesse insaisissable : une richesse précieuse et immatérielle.
La vérité du moment laisse transparaître un monde de sérénité. Un adage populaire célèbre dit que si l’Orient (mashreq) est la terre  des prophètes (anbiyâ’) l’Occident (maghreb) est celle des saints (awliyâ’). Dans le texte coranique, l’un des termes qui renvoient à cette notion de sainteté est celui de wilâya : «Non, vraiment les amis (awliyâ, sing. walî) n’éprouveront plus aucune crainte et ne seront point affligés. Ceux qui croient en Dieu et qui Le craignent recevront la bonne nouvelle dans cette vie et dans l’autre»
(Cor. 10/62-63-64).
Un hadîth qudsî (où Dieu parle par la bouche de Son Prophète) précise le sens de cette wilâya : «Mon serviteur ne cesse de s’approcher de Moi par des œuvres surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime, et lorsque Je l’aime je deviens son ouïe par laquelle il entend, sa vue par laquelle il perçoit, sa main par laquelle il saisit, son pied avec lequel il marche. S’il Me sollicite,   certainement, Je l’exaucerai et s’il prend refuge auprès de Moi, certainement, Je l’accueillerai».

 

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