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Licenciement économique : un choc très fort pour les entreprises et les salariés

Sommes-nous aux portes d’une nouvelle phase de la crise où les entreprises vont devoir passer à l’action et opérer une purge sans précédent ? La situation économique qui ne cesse de se dégrader sous l’effet de la pandémie, met les entreprises en forte détresse de trésorerie. Ainsi, et après avoir tenté de rester solidaires avec ses employés, les managers sont parfois contraints de s’en séparer et de mettre fin à leur relation professionnelle, soit à l’amiable, soit en ayant recours au licenciement économiques ou au plan social.

Licenciement économique : un choc très fort  pour les entreprises et les salariés

Le tsunami des licenciements économiques est-il inévitable au Maroc ? Une vague de plans sociaux va-t-elle s’abattre sur nous ? Selon une enquête du Haut-Commissariat au Plan (HCP) publiée en juillet 2020, pendant la période du confinement, près de 83,4% de l’ensemble des entreprises organisées ont déclaré avoir arrêté leurs activités. 52,4% ont réduit partiellement leur activité, 29,6% de manière totale mais temporaire alors que 1,3% ont déclaré avoir cessé leurs activités de manière définitive. Par secteur d’activités, les principaux secteurs les plus touchés par cette crise sont l’hébergement et la restauration avec 98% d’entreprises en arrêt, les industries textiles et cuir et les industries métalliques et mécaniques avec 99 et 91%, respectivement, ainsi que le secteur de la construction avec 93%. Après le confinement, seules 32,4% des entreprises déclarent avoir retrouvé une activité normale, 52,2% indiquent une reprise partielle, alors que 15,4% d’entre elles sont toujours en arrêt d’activités. Autre chiffre alarmant présenté par le HCP, indique que, pendant la période du confinement, 49,8% des entreprises organisées ont réduit temporairement leurs effectifs employés et 9,6% d’entre elles l’ont fait de manière définitive.
Qui dit arrêt d’activités, dit réduction, voire même disparition, des ressources financières et donc l’obligation pour le manager de prendre des mesures draconiennes pour redresser la barre. «Quand la pandémie a démarré, beaucoup de nos clients, notamment des multinationales, ont décidé de retarder le processus d’exécution des mouvements de restructurations, d’être solidaires et de maintenir les emplois. On a ainsi eu recours à différents mécanismes du droit du travail, notamment la réduction du temps du travail qui implique une réduction du salaire, la liquidation des congés payés ou encore les congés sans solde pour ceux qui donnent leur accord. Or, à un moment donné, il était devenu impossible de maintenir cette cadence et c’est à ce moment-là que les consultations par rapport aux plans sociaux sont intervenues», a révélé maître Nesrine Roudane. Et de préciser, par ailleurs, que «depuis l’entrée en vigueur du Code du travail en 2004, il n’y a eu aucune décision administrative autorisant le licenciement économique», et ce n’est pas faute d’essayer, poursuit-elle, «des chefs d’entreprises ont présenté des demandes auprès des gouverneurs, mais jamais une autorisation n’a été accordée». C’est dire que le cas largement médiatisé ces dernières semaines, en l’occurrence celui de la Royal Air Maroc, est une première et il traduit l’ampleur de la crise notamment pour un secteur touché de plein fouet depuis le début de la pandémie.

Que prévoit la loi par rapport au licenciement économique ?
Maître Nesrine Roudane, invitée de «L’Info en Face», explique que l’arsenal législatif qui est prévu par le législateur, malgré ses manquements, représente certaines garanties. La procédure de licenciement économique peut ainsi être regroupée en deux étapes principales. La première étape est interne à l’entreprise, alors que la deuxième est externe. Cette dernière est administrative. «Il faut savoir que toutes les entreprises ne sont pas éligibles pour bénéficier de l’article 66», rappelle-t-elle. En effet, cette procédure ne concerne que les entreprises qui emploient au moins 10 personnes. Cette procédure de licenciement économique peut concerner la totalité de l’entreprise comme elle peut ne concerner qu’une partie. Pour déclencher ce processus, il faut commencer par l’étape interne qui implique d’informer les représentants des salariés et les délégués syndicaux au sein de l’entreprise. Pour les entreprises qui emploient plus de 50 salariés, c’est le comité d’entreprise qui se substitue aux délégués des salariés. Ils seront donc informés de la décision de recourir au licenciement économique en clarifiant trois points essentiels : pourquoi va-on licencier ? Qui sont les salariés concernés ? Et quand est-ce qu’on va licencier ? Juste après le partage de ces informations essentielles, il faudra engager des réunions de concertations, de dialogue et de négociations pour essayer de trouver des solutions et étudier les possibilités pour éviter le licenciement en trouvant éventuellement des alternatives. À la fin de ces négociations, un procès-verbal doit être dressé et signé par les deux parties. Une copie de ce procès-verbal est envoyée au représentant de l’inspection du travail. C’est à ce niveau que démarre la deuxième étape dite administrative.
 En effet, «l’employeur qui, malheureusement, n’a pas pu trouver une solution et que ses rounds de négociations n’ont pas donné fruit, va devoir déposer une demande de licenciement économique auprès de l’inspection du travail», explique l’experte juridique. Cette demande doit être accompagnée d’un certain nombre de documents. D’abord, le procès-verbal des concertations, ensuite un rapport sur la situation économique de l’entreprise et tout ce qui justifie les décisions de licenciement, puis un rapport établi par le commissaire aux comptes ou par un expert-comptable. 
Tous ces éléments vont permettre à l’inspection du travail et au représentant gouvernemental d’étudier le dossier. L’étape administrative doit se dérouler dans une période de deux mois. Le tout est gouverné par des délais de rigueur qui sont prévus par le législateur dans les articles 66 et suivants. Une fois le dossier est déposé auprès des autorités, le représentant de l’inspection du travail procède à une étude et émet ses conclusions. Ces dernières sont soumises à la commission provinciale qui est composée des représentants des autorités administratives, des représentants des employeurs, mais aussi par des syndicats les plus représentatifs. Cette commission émet ses recommandations et procède à l’étude du dossier dans sa globalité. Les recommandations de cette commission sont soumises au gouverneur de la province ou de la préfecture qui, in fine, doit rendre une décision permettant d’autoriser le licenciement et en expliquer les motivations. «L’autorisation de licenciement économique est donc une décision administrative et c’est le pouvoir public qui y intervient, c’est une procédure longue et extrêmement compliquée», affirme maître Roudane. À l’issue de cette autorisation, il y aura seulement deux chefs d’indemnités accordés, à savoir l’indemnité de préavis et l’indemnité de licenciement. L’employeur sera dispensé ainsi de l’indemnité des dommages et intérêts. 


L’Info en Face avec maître Nesrine Roudane, Managing Partner chez Roudane & Partners Law Firm et présidente de la Commission juridique et fiscale de la CFCIM

«Il y a de nombreuses contraintes qui font que la décision de licenciement est devenue une réalité pour beaucoup d’entreprises»

Management & Carrière : En cette période de crise, l’entreprise doit répondre à des besoins immédiats. Or, sur le plan législatif, moult dispositions ne répondent plus aux nouveaux enjeux du travail. Comment s’y prendre ?
Me Nesrine Roudane
: Le Maroc, comme tous les pays du monde, s’est trouvé face à la pandémie du coronavirus. Malheureusement, il y a énormément de défaillances législatives et donc il fallait, depuis le début de la pandémie, accompagner les managers et les décideurs sur différents sujets, notamment le droit du travail, le droit des contrats, la mise en place du télétravail et les bons réflexes à adopter. En l’absence de textes juridiques, il faut faire avec l’existant et réfléchir à des dispositions législatives particulières. 
En tant que professionnels, nous essayons justement de trouver des solutions en restant dans le respect de l’esprit de la loi, des droits et des obligations en vigueur. D’ailleurs, nous avons, au niveau du cabinet, créé une cellule d’appui aux chefs d’entreprises pour leur permettre de prendre les bonnes décisions. On a aussi essayé d’être des avocats citoyens tout en partageant les informations nécessaires à travers des webinaires et des articles, partant du principe que nous n’avons pas tous la possibilité de s’offrir un service ou un conseil juridique.

Un collectif d’avocats avait lancé des alertes concernant les entreprises qui préparaient des plans massifs de licenciement. Est-ce toujours d’actualité ?
On s’attendait tous à ce que le mois de septembre marque le retour à la normale et la relance de l’activité économique, on se rend compte aujourd’hui que ce n’est pas le cas. Ce que l’on remarque, en comparaison avec le début de la pandémie en mars dernier, c’est une tendance chez les entreprises à étudier les possibilités de restructuration avec comme objectif la préservation de trois impératifs : Le premier est relatif au sauvetage de l’entreprise. Le deuxième est lié à la préservation de l’emploi et le troisième concerne la protection des créanciers. 
C’est dans ce contexte que nous avons dû intervenir pour permettre aux entreprises en difficulté, de trouver des solutions pérennes. Pour certaines entreprises, ces solutions passeront par des mouvements de restructuration et des plans sociaux. Comme tous les pays du monde, le Maroc subit ce phénomène et les statistiques en la matière le reflètent. Sur le plan international, l’Organisation internationale du travail (OIT) fait état de 400 millions de pertes d’emploi. 
Les dernières statistiques officielles du Maroc, émanant du Haut-Commissariat au Plan (HCP) ou d’autres institutions, parlent de 600.000 pertes d’emploi. Un chiffre qui devrait être revu à la hausse puisqu’on s’attend d’ici la fin de l’année à 1,25 millions de pertes d’emploi.
 Ceci dit, le Maroc n’est pas étranger à ce qui se passe à l’échelle internationale. Je souhaite ici partager notre expérience en matière d’accompagnement des entreprises dans ce contexte : quand la pandémie a démarré, beaucoup de nos clients, notamment des multinationales, ont décidé de retarder le processus d’exécution des mouvements de restructuration, d’être solidaires et de maintenir les emplois. On a ainsi eu recours à différents mécanismes du droit du travail, notamment la réduction du temps du travail qui implique une réduction du salaire, la liquidation des congés payés ou encore les congés sans solde pour ceux qui donnent leur accord. 
Or, à un moment donné, il était devenu impossible de maintenir cette cadence et c’est à ce moment-là que les consultations par rapport aux plans sociaux sont intervenues.

Comment les managers font-ils aujourd’hui pour préserver les trois impératifs liés au sauvetage de l’entreprise, la préservation de l’emploi et la protection des créanciers ? 
Pour répondre à votre question, je dirais qu’il s’agit d’un équilibre très fragile et très difficile à réaliser compte tenu de la circonstance actuelle, de la durée de la pandémie et surtout de l’incertitude qui se prolonge. Néanmoins, cet équilibre est à gérer différemment selon la situation de chaque entreprise. 
Cela dépend, entre autres, de la taille de l’entreprise, de son carnet d’adresse, de ses commandes et de sa trésorerie. Il s’agit donc d’une appréciation factuelle et d’un exercice auquel il faut procéder de façon singulière. Le but est d’élaborer un plan de sauvetage qui est propre à chaque entreprise. Nous passons aujourd’hui par une situation difficile et on ne peut s’en sortir que si on prend des décisions dont les conséquences sont lourdes aussi bien pour les individus que pour la collectivité. 

Certains diraient que les patrons d’entreprises penseraient à profiter de cette crise pour licencier leurs collaborateurs. Est-ce une aberration ? 
De par mon expérience, jamais un employeur ne prend une décision de licencier un collaborateur ou restructurer son entreprise de gaieté de cœur. Les conséquences d’une telle décision sont lourdes, mais elle est nécessaire aujourd’hui face à l’ampleur de la crise. 

Si les entreprises se voient aujourd’hui dans l’obligation d’annoncer des plans sociaux, comment cela se déroulerait-il ?
Jusqu’à présent, le licenciement s’effectue selon deux approches : La première consiste à négocier avec le collaborateur et essayer de trouver un accord. Ce dernier va s’inscrire dans le cadre d’un plan social qui peut être soit individuel ou collectif. La décision peut-être matérialisée par conciliation devant l’inspection de travail ou en ayant recours à la procédure d’arbitrage.  Le deuxième cas est complètement différent : un employeur qui souhaite bénéficier des dispositions légales prévues par le code du travail, notamment les articles 66 et suivants, doit suivre toute la procédure extrêmement compliquée, longue et lente pour essayer d’obtenir l’autorisation de licenciement. Plusieurs employeurs ont tenté d’avoir cette autorisation, mais elle n’a jamais été accordée. Je note ici que le cas de la RAM est une première au Maroc dans la mesure où c’est la première fois où les autorités administratives accordent leur aval pour permettre le licenciement économique des salariés. La décision est intervenue dans le cadre de la législation du travail, notamment les articles 66 et suivants du code du travail. Par ailleurs, je tiens à souligner qu’aujourd’hui, des plans sociaux sont déjà en cours. Certains employeurs essayent d’obtenir l’autorisation des autorités gouvernementales, alors que d’autres plans sont faits de façon consensuelle en enclenchant le mécanisme de négociation entre représentants des salariés et employeurs.  Ce qui est sûr, c’est que des plans sociaux, il y en aura certainement. C’est une fatalité ! Il y a de nombreuses contraintes qui font que la décision de licenciement est devenue une réalité pour beaucoup d’entreprises. 

Est-ce qu’on peut aujourd’hui licencier sans avoir l’aval des pouvoirs publics ?
La relation professionnelle, c’est d’abord un contrat de travail entre un employeur et un salarié. Comme on a décidé le premier jour d’entrer dans une relation de travail, on peut à n’importe quel moment décider d’en sortir. On peut, en effet, mettre fin à ce lien à l’amiable, le salarié a le droit de présenter sa démission, et l’employeur peut mettre un terme à ce contrat pour des raisons liées à la discipline, pour faute grave ou encore parce qu’il ne peut plus maintenir cet emploi-là. Dans ce cas de figure, l’employeur peut prendre le risque de licencier et auquel cas on va parler de licenciement abusif. Ce type de licenciement aura certainement un coût financier. Ce qu’on a constaté depuis son entrée en vigueur en 2004, c’est que le code du travail contient énormément de défaillances et de lacunes, et pourrait même, dans certains cas, constituer un frein à la compétitivité. Aujourd’hui, et tout en maintenant les acquis et les avantages prévus par le Code du travail, je pense qu’il est grand temps d’identifier les lacunes et d’entamer la réforme. 

En matière de licenciement, l’employeur se sent-il aujourd’hui protégé ? 
Actuellement, on est à la merci de l’aléa économique. Ni le salarié, ni l’employeur ne sont protégés. Le maintien des emplois et des entreprises est aujourd’hui le combat de tout le monde. Soit on est en mesure de trouver un accord et d’aller sur la voie du consentement et auquel cas, on maîtrise plus ou moins le risque, soit on est dans une situation conflictuelle, dans ce cas, les risques sont importants aussi bien pour l’employeur que pour l’employé. Aujourd’hui, plusieurs plans sociaux sont annoncés. Généralement, le pourcentage des salariés à licencier se situe entre 15 et 20% de la masse salariale. Plusieurs secteurs d’activité y sont concernés, notamment l’événementiel, le secteur touristique et le textile. Je pense que la meilleure façon de naviguer ce virage-là est de gérer cette question liée aux licenciements ou aux plans sociaux, c’est d’encourager le dialogue social.


Trois questions à Jihane Benslimane, experte en stratégie et management RH et directrice exécutive du cabinet Hera Consulting Group

«Un plan social ou de licenciement ne peut être réussi qu’avec une bonne communication RH»

Management & Carrière : Quelle lecture faites-vous de cette redoutable vague de licenciement qui se dessine à l’horizon ?
Jihane Benslimane
: Il est essentiel d’abord de rappeler que l’économie marocaine tournait déjà à un niveau inférieur à son potentiel en 2019, et ce, pour différentes causes. Je rappelle également que nous sommes dans un pays en voie de développement où l’informel est encore présent. Les obligations fiscales ne sont pas encore respectées par certaines entreprises, une bureaucratie encore très rigide, l’accès au financement n’est pas encore connu de la majorité des PME/TPE et l’innovation est encore timide. L’ensemble de ces conditions font qu’une grande majorité des entreprises marocaines manquent de liquidité et ont une gestion court-termiste de leur trésorerie. Lorsque nous présentions ce type de risque de pandémie ou décisions gouvernementales dans nos diagnostics stratégiques à certains de nos clients, les managers ou dirigeants les considéraient beaucoup moins probables que d’autres liés à la concurrence. Nous avons alors subi les premières conséquences de la pandémie en début d’année pour certains secteurs comme le tourisme. Mais si la reprise est possible pour certaines activités ou entreprises robustes, d’autres n’en auront pas les moyens. Nous sommes d’ailleurs déjà mandatés pour un accompagnement à la restructuration souvent accompagnée de suppressions d’emplois. Une multitude de dirigeants ne pensent à la suppression d’emplois qu’en ultime solution face à cette restructuration obligatoire. Pour d’autres entreprises qui étaient déjà en difficulté avant l’avènement de cette crise, il s’agit d’une décision forcée, mais souvent justifiée auprès des collaborateurs ou médias par la crise liée à la pandémie. Par contre, et si l’entreprise se trouve dans l’impossibilité d’éviter le plan social ou le licenciement économique, différentes mesures peuvent être proposées et négociées afin que le plan puisse être admissible par tous. Certaines étapes sont obligatoires :
• La mise en place des actions de reconversion, de formation liée à cette reconversion ou encore des cellules de recherche d’emploi internes.
• L’encouragement des salariés à créer de nouvelles activités et projets individuels ou innovants ou encore à reprendre une activité existante délaissée par exemple. 
• La création d’une cellule de reclassement interne ou externe à l’entreprise pouvant situer le collaborateur dans le marché avant de prendre quelconque décision commune. 
• La proposition d’aides ou de primes de départs volontaires ou anticipés. 
• Pour les salariés étrangers, la proposition d’aides et un accompagnement au retour dans le pays d’origine. 
• Pour les pré-retraités ou les séniors, la recherche de solutions spécifiques pour chacun d’entre eux, car ils auront plus de difficultés à être réembauchés. Il en est de même pour les salariés à mobilité réduite ou les femmes enceintes.
• Si l’entreprise est grande, la proposition des mutations internes dans les différentes filiales ou succursales.
• Enfin, la négociation à «l’aimable avant d’atteindre l’amiable» des indemnités de départ en fonction des possibilités de la trésorerie avec le collaborateur en question (préavis, ancienneté, dommages et intérêts).
Que ce soit une nécessité ou un prétexte, un plan social ou de licenciement ne peut être réussi qu’avec une bonne communication RH. Être dans l’incertitude ou dans le flou est le pire que nous puissions vivre en tant qu’humain ou collaborateur. Il reste donc essentiel d’avoir une feuille de route claire, minimiser le nombre de licenciements et favoriser le reclassement ou la reconversion professionnelle et surtout d’avoir une communication complète et de qualité. L’entreprise a tout intérêt d’avoir une bonne communication avec les collaborateurs sur le départ, car elle continue tout de même à renforcer sa marque employeur et se donne la chance d’attirer les compétences et les clients pour sa reprise après la crise.

Que recommandez-vous aux managers ? 
Je suggère aux managers et dirigeants de préparer la déstructuration avant de travailler la restructuration en entreprise en cette période. En effet, chez un collaborateur, les restructurations déclenchent un changement de son environnement pouvant générer chez lui un ensemble de troubles psychosociaux impactant sa santé. Il est important d’avoir un modèle de restructuration spécifique à chaque entreprise en fonction de son histoire, son cadre de référence fondamental, de son Business Model, de ses capacités financières, de son climat social, de sa culture, etc. Cependant, je recommande certains points pour l’ensemble des entreprises :
• Anticiper le changement et accompagner l’humain dans ce changement afin de prévenir le risque à venir pour l’ensemble des collaborateurs impactés par cette réorganisation.
• Communiquer sur la gestion de ce changement en donnant une vision claire et éviter les annonces brutales.
• Accompagner les salariés en difficulté et créer un dispositif d’écoute tout en permettant aux collaborateurs d’exprimer leurs difficultés aussi bien personnelles que professionnelles. 
• Multiplier les occasions d’échanges autour des activités de l’entreprise avec les collaborateurs encore en poste.
• Assumer son rôle de manager sans faire de justification et exprimer son courage managérial et son leadership.
• Diriger les collaborateurs vers des interlocuteurs prévus et formés pour cela afin d’apporter des informations claires si besoin est.
• Prévoir les actions en cas de choc et enfin et surtout décider et réagir vite en se projetant vers l’avenir.

Quel rôle joue l’accompagnement dans ce type de situations ? 
De manière générale, les managers ont un rôle délicat et difficile en cette période. Ils doivent avoir un mental d’acier, être fermes sur les décisions et agir de manière réfléchie et structurée. Comme le font certains de nos clients, les dirigeants peuvent s’appuyer sur un accompagnement RH pour la mise en place de plan social ou de licenciement. Pareillement, notre rôle est d’aider le manager ou le dirigeant à annoncer ces suppressions ou ces licenciements tout en restant à l’écoute. D’ailleurs, rappelons-le, il est important de bien réfléchir à la démarche et d’organiser sa façon de procéder afin de limiter au maximum les conflits sociaux, et par conséquent préserver la motivation des collaborateurs qui voient leurs collègues quitter la structure. Nous accompagnons alors les managers, entre autres, pour construire une feuille de route avec une vision claire et fiable, former une équipe de pilotage interne pour le suivi de cette mission, responsabiliser les collaborateurs et planifier et générer les résultats convenus à court terme. La présence d’un accompagnement RH dans ce type de situation démontre aussi à l’ensemble des acteurs dans l’entreprise et ailleurs, la crédibilité des décisions prises par le manager ou le dirigeant et le degré de difficulté auquel il a été confronté avant de prendre la décision de supprimer des emplois. Ceci permet à l’ensemble des collaborateurs quittant l’entreprise de passer leur colère et également aux collaborateurs qui ont conservé leur emploi d’avoir confiance en leur dirigeant et d’appuyer à l’avenir son leadership. 


Les dispositions de la loi

Les articles 66 à 71 du Code du travail sont relatifs au licenciement pour motif technologique, structurel ou économique. Voici ce que stipule le premier article de cette section : L’employeur dans les entreprises commerciales, industrielles ou dans les exploitations agricoles ou forestières et leurs dépendances ou dans les entreprises d’artisanat, occupant habituellement dix salariés ou plus, qui envisage le licenciement de tout ou partie de ces salariés, pour motifs technologiques, structurels ou pour motifs similaires ou économiques, doit porter sa décision à la connaissance des délégués des salariés et, le cas échéant, 
des représentants syndicaux à l’entreprise, au moins un mois avant de procéder au licenciement. Il doit, en même temps, leur fournir tous renseignements nécessaires y afférents, y compris les motifs du licenciement, ainsi que le nombre et les catégories des salariés concernés et la période dans laquelle il entend entreprendre ce licenciement.
Il doit également engager des concertations et des négociations avec eux en vue d’examiner les mesures susceptibles d’empêcher le licenciement ou d’en atténuer les effets négatifs, y compris la possibilité de réintégration dans d’autres postes.
Le comité d’entreprise agit au lieu et place des délégués des salariés dans les entreprises occupant plus de cinquante salariés.
L’administration de l’entreprise dresse un procès-verbal constatant les résultats des concertations et négociations précitées, signé par les deux parties, dont une copie est adressée aux délégués des salariés et une autre au délégué provincial chargé du travail.

Dossier réalisé par Souad Badri et Nabila Bakkass

 

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