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Loi de Parkinson : Quelle application en temps de crise ?

En management d’entreprises, plusieurs lois ont été développées permettant, entre autres, une bonne gestion du temps et des ressources. Parmi ces lois figure celle dite de Parkinson. Cette loi, qui n’a rien à voir avec la maladie, stipule, entre autres, que tout travail finit par occuper le temps qui lui est imparti et qu’en cas de surcharge de travail, un collaborateur aura tendance à demander le recrutement de subordonnés, plutôt que des cadres «riveaux» du même niveau. Eclairages avec Sanae Hanine, PhD, experte en communication, coach et formatrice en développement personnel.

Loi de Parkinson : Quelle application en temps de crise ?
Pour gérer la crise du Covid-19, ou toute autre crise, nous devons faire appel à plus de flexibilité et surtout d’agilité. Ph. Shutterstock

Conseil : On entend très souvent parler de la loi de Parkinson. De quoi s’agit-il ?

Sanae Hanine :
La loi de Parkinson est connue dans la sphère du management. Elle est liée particulièrement aux sujets relatifs à l’amélioration de la productivité et de l’efficacité. Cette loi porte le nom de celui qui l’a inventé : Cyril Northcote Parkinson. En effet, ce dernier avait réalisé en 1958 que l’effectif des fonctionnaires se développait à un rythme exponentiel, indépendamment de la quantité du travail à fournir, et que lorsque la taille des organisations augmentait, son efficacité diminuait. Il avait ainsi expliqué ce qu’il avait constaté par plusieurs paramètres regroupés sous le nom de loi de Parkinson. Dans le détail, cette loi intègre, en effet, trois principes clés : Le premier stipule que tout travail finit par occuper le temps qui lui est imparti. En d’autres termes, lorsqu’on ne fixe pas une date butoir dans la réalisation d’une tâche ou dans la prise d’une décision, le passage à l’acte tend à s’éterniser. À titre d’exemple, quand un collaborateur est chargé de l’exécution d’une tâche, il utilisera tout le temps dont il dispose pour l’accomplir. Si vous lui accordez une semaine pour rédiger un rapport, il mettra exactement une semaine pour le faire. Or si vous lui accordez deux semaines, il mettra deux semaines pour la rédaction du même rapport. En d’autres termes, le collaborateur agira selon vos attentes en termes de délai. Le deuxième principe émet l’hypothèse que la quantité de travail effectuée dans une organisation est peu corrélée au nombre de ses effectifs. En se sentant débordé par la charge de travail, un collaborateur aura tendance à demander le recrutement de subordonnés plutôt que le recrutement d’un «rival» du même niveau. De plus, et afin d’assoir son autorité, il cherchera à diviser le travail parmi ses subordonnés et de garder le rôle de coordinateur. Cette configuration crée des tâches nouvelles avec une valeur ajoutée qui sera nulle : coordination, reporting, réunions, suivi, etc. L’agrégation de ces nouvelles tâches justifiera le recrutement de nouveaux subordonnés. Le troisième principe de la loi de Parkinson porte sur l’élasticité de la charge de travail qui stipule que les managers se créent mutuellement du travail. À titre d’exemple, une tâche qui peut être effectuée par une seule personne sera étalée sur deux personnes et un responsable et mobilisera ainsi trois personnes à temps plein.

Comment appliquer cette loi pour améliorer la performance et l’efficacité, notamment en cette période de crise sanitaire ?

La loi de Parkinson nous interpelle sur le gaspillage du temps et des ressources dont on dispose, notamment en période de crise comme celle que nous sommes en train de traverser. Cette loi souligne ainsi l’importance d’une optimisation de ces deux facteurs, à savoir le temps et les ressources, et de les lier objectivement à la réalisation d’une tâche bien définie. Il est clair que pour gérer la crise du Covid-19, ou toute autre crise, nous devons faire appel à plus de flexibilité et surtout d’agilité. Un gaspillage de temps et de ressources ne sera donc plus autorisé. D’ailleurs, l’agilité, qui a été citée comme une technique à même d’aider les entreprises à sortir de la crise, est antinomique à la déperdition des ressources en temps et en capital humain. En d’autres termes, la fixation des délais réalistes en fonction des ressources disponibles est une condition sine qua none pour l’agilité. Pour répondre à votre question, je tiens à souligner qu’il est fortement recommandé en temps de crise d’aider le collaborateur à maîtriser le travail ou la tâche à réaliser, de fixer sa date de début et sa date de fin, de la découper en sous-tâches pour la simplifier et la traiter rapidement. En effet, plus une tâche est jugée longue et complexe, plus l’occurrence d’erreur dans l’estimation du temps nécessaire à sa réalisation est grande. Il faut savoir prioriser et surtout apprendre à répondre aux urgences. La précision reste de mise en temps de crise et la communication avec ses équipes doit être bien maîtrisée et surtout orientée objectifs. De même, pour bien gérer son temps, il faut faire la distinction entre ce qui important et urgent, ce qui est important et non urgent, ce qui est non important et urgent et ce qui est non important et non urgent. Des techniques sont proposées dans ce sens permettant de gagner en termes d’efficacité. Je peux citer à titre d’exemple la production scrum qui consiste à réaliser une réunion de groupe en début de journée pour une durée de 10 à15 minutes maximum. Elle aura pour objectif de définir l’agenda du jour de chaque collaborateur et les problèmes rencontrés dans la réalisation de son travail. À noter que cette technique doit être appliquée même à distance et c’est possible grâce à l’évolution technologique et aux outils du télétravail dont on dispose.

Quelles peuvent-être les limites de cette loi, d’autant plus que la transformation digitale a bouleversé nos modes de fonctionnement ?

Bien entendu, la loi de Parkinson a des limites. Les circonstances où elle a été inventée dans les années 1950 ne sont plus les mêmes aujourd’hui. À l’ère de l’économie digitale, de la robotisation ou même de la cobotisation, il serait opportun de réfléchir à une meilleure adaptation des principes de cette loi pour gagner en termes d’efficacité et de productivité. À cela s’ajoute que face à la crise sanitaire que nous sommes en train de traverser, le télétravail s’est imposé aux entreprises et aux collaborateurs, les poussant à s’adapter à un nouveau contexte avec de nouveaux enjeux, notamment l’absence de ligne de démarcation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Sur un autre registre, la loi de Parkinson peut induire de mauvaises interprétations, notamment qu’il faut systématiquement surcharger les collaborateurs de sorte à occuper tout le temps de travail. En effet, l’adéquation entre la tâche à réaliser et la plage horaire impartie ne doit pas pour autant pousser les managers à fixer des délais de réalisation agressifs et drastiques, car si le travail peut bien souvent se dilater à l’infini, il ne peut pas se contracter à l’infini. Il ne faut pas oublier aussi qu’il est important en toutes circonstances, notamment en temps de crise, de penser à la motivation des collaborateurs. À cet effet, la modération et l’équilibre restent les maîtres mots. Actuellement, de grandes entreprises accordent une marge de 20% à ses collaborateurs de temps libre pour travailler sur des projets personnels, qu’ils soient en relation avec le domaine d’activité de l’entreprise ou non. C’est une bonne stratégie permettant de stimuler leur créativité et leur sens d’innovation. Rappelons dans ce sens que ce sont les collaborateurs motivés, engagés et surtout dotés de soft skills qui permettent à l’entreprise de réaliser sa stratégie. 

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