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«Malgré l’importance de leur rôle, les infirmiers et les sages-femmes sont souvent sous-estimés et ne peuvent s’épanouir pleinement»

«Malgré l’importance de leur rôle, les infirmiers et les sages-femmes sont souvent sous-estimés et ne peuvent s’épanouir pleinement»

Le Matin : Comment évaluez-vous la situation des infirmiers dans le monde, mais surtout au niveau national ? 
Zoheir Maazi
: Tout d’abord, il faut rappeler que les infirmiers jouent un rôle crucial dans les prestations de soins curatifs, préventifs, promotionnels et de réhabilitation. Aussi, ils font la formation, la gestion de projets de santé et la recherche scientifique, et ne sont pas des assistants médicaux comme il l’a confirmé le secrétaire général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette communauté s’occupe des citoyens dès le premier cri jusqu’au dernier, répond à leurs besoins essentiels de santé et soulage leurs douleurs. Mais nous sommes peu, l’OMS estime que nous avons besoin de neuf millions de sages-femmes et d’infirmiers pour réaliser l’objectif de la santé pour tous d’ici 2030. Il est à signaler que la profession infirmière est féminisée. Aussi, 70% des personnels de santé sont des femmes, dont une grande partie des sages-femmes et des infirmières. Malgré l’importance du rôle qu’ils jouent, les infirmiers et les sages-femmes sont souvent sous-estimés et ne peuvent pas s’épanouir pleinement. Au Maroc, la pénurie aigüe en personnel infirmier est un vrai défi à relever par le gouvernement. Environ 9.000 infirmiers doivent être recrutés pour soulager le système de santé. D’autres actions doivent être faites en ce qui concerne la réglementation, la motivation pour éviter l’hémorragie. En effet, vu les conditions, beaucoup d’infirmiers souhaitent quitter le pays ou changer de carrière.

Que pensez-vous du système de formation des infirmiers au Maroc ?
Dans le cadre de la coopération internationale, les Émirats arabes unis ont créé une filière de la Faculté Shekha Fatma à Rabat pour une formation complémentaire d’une année en faveur des jeunes infirmiers marocains, pour en conséquence avoir le Bachelor en Nursing. Même si la formation est en anglais, nos infirmiers brillent. Ce que nous demandons est simple, capitaliser sur cette histoire de succès pour faire évoluer le système de formation infirmière vers le Bachelor (BAC+4) avec plus d’intérêt donné à l’anglais et aux Soft Skills. Cette mutation me semble nécessaire pour investir dans la qualité des soins et assurer l’intégration internationale. Heureusement, le gouvernement va lancer le système de Bachelor dans les universités dès l’année prochaine. Il faut suivre la tendance nationale et mondiale. D’ailleurs, l’OMS invite les pays à former le personnel infirmier et les sages-femmes selon les normes internationales. Elle insiste sur le fait que cela permet d’économiser des ressources en évitant les interventions coûteuses et inutiles, d’améliorer la qualité des soins et de progresser vers la couverture sanitaire universelle.

Quelles sont selon vous les mesures qui doivent être prises pour améliorer les soins infirmiers et la situation des infirmières au Maroc ?
Il est temps d’accentuer les efforts pour le développement des soins infirmiers, et cela pour une contribution meilleure au nouveau modèle de développement de notre pays. Il faut «penser globalement et agir localement». Des initiatives au niveau national et local doivent voir le jour pour suivre les recommandations mondiales, réaliser les obligations de l’État marocain envers les institutions internationales et, pourquoi pas, promouvoir un rôle de leadership régional dans le domaine de la santé et spécialement dans le domaine des politiques des ressources humaines pour la santé et des soins infirmiers. C’est une vision ambitieuse, mais possible. Il est temps de passer à l’action. Une forte politique dans le domaine des soins infirmiers avec une participation effective des infirmiers à la table de discussion est la clé pour assurer la santé pour tous et bâtir un système de santé fort, solidaire, résilient et durable. L’élargissement du champ d’action des infirmiers vers les soins avancés doit guider la réflexion. Encore une fois, les décideurs sont appelés à faire confiance à leurs infirmiers pour lutter contre la désertification médicale et innover pour l’équité et la justice sociale dans la santé. Une loi d’exercice et un statut interministériel ont été élaborés en partenariat avec les syndicats et les associations, et un système de formation universitaire en soins infirmiers et techniques de santé a été instauré. Maintenant, il faut redémarrer sans report et sans prétextes les projets de l’Ordre professionnel regroupant les infirmiers fonctionnaires, salariés et libéraux. Nous espérons que le président sera nommé par le Souverain pour honorer des générations d’infirmiers.

L’année 2020 a été désignée par l’OMS pour être l’année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier, que pensez-vous de cette initiative ?
Oui, c’est vrai. Suite au plaidoyer de la société civile, l’Assemblée mondiale de la santé de mai 2019 a désigné 2020 comme année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier. C’est une manière de dire merci aux infirmières et sages-femmes, de mettre en lumière les conditions difficiles dans lesquelles ces agents travaillent souvent et appeler à investir davantage dans le personnel infirmier et les sages-femmes en termes d’effectifs et autres. À cette occasion, l’OMS et ses partenaires appellent les gouvernements à s’engager politiquement et financièrement et à prendre des mesures pour investir en faveur du leadership du personnel infirmier et des sages-femmes, les aider à promouvoir la santé et prévenir les maladies, les placer au cœur des soins de santé primaires, recruter plus d’effectifs et investir dans plus de services dirigés par le personnel infirmier et les sages-femmes afin de permettre à ces derniers de s’épanouir pleinement.
Vous êtes coordinateur national de la campagne mondiale «Nursing Now», rappelez-nous les principaux objectifs de cette campagne...
«Nursing Now» est une campagne de plaidoyer qui vise à améliorer la santé au niveau mondial en rehaussant le statut et le profil des infirmières, en influençant les décideurs politiques et en aidant les infirmiers eux-mêmes à diriger, apprendre et construire un mouvement mondial. 
Elle est basée sur les recommandations du rapport britannique «Triple Impact» qui a prouvé que la promotion des soins infirmiers contribue essentiellement à la promotion de la santé, l’égalité des sexes et le développement économique des pays. Nous sommes partenaires de l’OMS pour la célébration de l’Année internationale des infirmières et sages-femmes. 
Au Maroc, nous menons un plaidoyer pour investir davantage en soins infirmiers. Nous encourageons le ministère à croire au potentiel infirmier et à prendre les mesures en conséquence. 

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