Avril 2020, ce sont 195 pays qui ont été contraints de fermer l’intégralité de leurs établissements scolaires au public. Une situation inédite pour l’enseignement supérieur qui s’est retrouvé dans l’impossibilité d’assurer l’une de ses missions constitutives, dans sa modalité la plus traditionnelle, à savoir le face-à-face entre l’enseignant et l’étudiant. Chacun selon son niveau de digitalisation, les établissements de l’enseignement supérieur sont passés, pour assurer la continuité pédagogique, au monde d’enseignement à distance. C’était aussi le cas au Maroc où la décision de passer du 100% présentiel au 100% de cours à distance a été prise le 16 mars 2020 en enclenchant un dispositif général d’enseignement à distance sous l’égide du ministère de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Formation/Emploi, principal enjeu de la rentrée
S’il y a une réforme qui interpellait, et encore plus aujourd’hui, les Marocains, c’est bien celle de l’adéquation entre formation et besoins du marché de travail. C’est en effet, l’un des axes identifiés lors du Discours de S.M. le Roi Mohammed VI à l’occasion du 65e anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple qui a tiré la sonnette d’alarme sur les failles du système éducatif. Le Souverain y a insisté sur la nécessité d’assurer une meilleure adéquation entre formation et emploi. «Nous devons, à nouveau et de toute urgence, attirer l’attention sur la question de l’emploi des jeunes, notamment par rapport à son articulation au Système de l’Éducation et de la formation. En effet, nous ne devons plus accepter que notre système éducatif fonctionne comme une machine à fabriquer des légions de chômeurs, surtout dans certaines filières universitaires dont les diplômés, tout le monde le sait, peinent énormément à intégrer le marché de l’emploi. Ce gaspillage manifeste du potentiel des jeunes et des ressources publiques entrave les dynamiques de développement et affecte les conditions de vie de nombreux Marocains. Paradoxalement, dans le même temps, bon nombre d’investisseurs et d’entreprises trouvent des difficultés à dénicher, dans certaines professions et spécialités, les compétences et les profils qu’ils recherchent», a indiqué le Souverain. Pour rectifier le tir, le Discours Royal du 20 août a souligné l’impératif de donner la priorité aux spécialités qui permettent de trouver un emploi et d’instaurer un système efficace d’orientation précoce au niveau de la deuxième ou de la troisième année précédant le baccalauréat. D’autre part, S.M. le Roi a invité le gouvernement à revoir en profondeur les spécialités de la Formation professionnelle pour qu’elles répondent aux besoins des entreprises et du secteur public, et à mettre en place, au niveau de chaque établissement, un programme obligatoire pour la mise à niveau des étudiants et des stagiaires en langues étrangères.Cette Vision Royale trouve tout son sens aujourd’hui face aux changements imposés par la crise sanitaire. En effet, les entreprises se sont retrouvées devant des défis colossaux en termes de compétences qui répondront aux nouvelles exigences économiques. C’est d’ailleurs la priorité de la quasi-totalité des établissements que nous avons interviewé dans le cadre de ce numéro spécial. L’offre de formation universitaire ne restera pas indifférente face à ces changements de métiers, les acteurs du secteur n’ont plus le choix que de renforcer le dialogue avec les acteurs économiques pour venir à bout de ce problème d’inadéquation entre formation et emploi. Cette rentrée scolaire sera également marquée par un renforcement de l’offre des établissements publics à accès sélectif qui ont augmenté leur capacité d’accueil des jeunes bacheliers.L’enseignement à distance,
une option sérieuseDepuis le début de la crise sanitaire, l’enseignement à distance a concerné plus de 10 millions de personnes entre élèves, étudiants et jeunes en formation professionnelle. Il a été mobilisé, à cet égard, plus de 6.200 sources numériques. Le taux de suivi varie entre 96% pour le secteur de l’enseignement privé et 71% dans le public. Des indicateurs encourageants qui permettent au ministère de tutelle de se projeter pour la prochaine rentrée et, si la pandémie persiste, envisager un maintien de l’enseignement à distance. Bien que liée à la situation sanitaire, la rentrée universitaire est prévue pour octobre 2020, comme l’avait annoncé le ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur, Saaid Amzazi, devant la Chambre des représentants. Mais le retour au mode présentiel reste conditionné par l’évolution de la situation épidémiologique. Certaines universités et écoles supérieures ont déjà tranché en annonçant un début d’année en mode e-learning, d’autres opteront pour un modèle hybride qui combine le présentiel et l’enseignement à distance, alors que certains opérateurs préfèrent attendre pour décider. Mais une chose est sûre, et quels que soient les critiques ou les ajustements à apporter, l’enseignement à distance a sauvé l’année scolaire et a permis à des milliers d’étudiants de poursuivre leur cursus et donc de nourrir leurs aspirations pour un avenir meilleur. De cette expérience de l’enseignement à distance, beaucoup de succès sont à retenir certes, mais beaucoup de lacunes et d’insuffisances ont été identifiées. Le défi qui se pose maintenant à tous les acteurs intervenant dans cet écosystème, est de tirer les leçons qu’il faut, de préserver les acquis et de développer les stratégies de digitalisation tous azimut. Il en va de la qualité de notre enseignement et donc de la compétence des jeunes qui porteront le développement d’aujourd’hui et de demain. Autre défi de taille, le développement d’un écosystème dédié à la recherche scientifique et l’innovation dans lequel l’université a un rôle crucial à jouer. D’ailleurs, le Maroc ne cesse de multiplier les stratégies pour amplifier l’élan donné à la politique de la recherche en approfondissant les acquis institutionnels et en redynamisant les outils mis en place. Mais, encore une fois, la crise sanitaire, que nous vivons, a remis cet axe en haut des priorités comme étant une condition sine qua none du développement économique et social du pays. Conscients également de l’importance de promouvoir l’entrepreneuriat universitaire, les établissements d’enseignement supérieur sont en train d’accompagner les jeunes à développer des projets à fort impact. L’enjeu étant de combler l’écart entre la formation et l’emploi et garantir une meilleure insertion professionnelle à leurs lauréats. Outre les formations et modules dédiés à l’entrepreneuriat qui ont été intégrés aux programmes, plusieurs universités et écoles ont lancé des programmes d’accompagnement, en partenariat avec des acteurs publics et privés et des ONG, afin de soutenir les étudiants souhaitant créer leurs projets.