Le Covid-19 a mis les responsables des approvisionnements et achats stratégiques au défi de sécuriser les chaînes d’approvisionnement contre des risques multiples et d’origines diverses (santé, sociaux, sociétaux et économiques). Cette crise sanitaire sans précédent, qui n’a épargné aucune région du monde, a permis de mettre en lumière le rôle majeur de la supply chain dans le développement des économies et la performance des entreprises. Ces dernières évoluent plus que jamais dans un environnement de moins en moins maîtrisé et donc caractérisé par une incertitude forte, qui s’exprime aujourd’hui tant au niveau de l’offre que de la demande.
La législation sauve l’industrie pharmaceutique
Ainsi, cinq panélistes, représentant les secteurs pharmaceutique, agro-industriel, l’emballage ou encore électrique, ont pu livrer, à une audience de 96 spécialistes du transport et de la logistique, des expériences croisées, mais aussi les leçons tirées de cette crise. Et pour mieux appréhender leur niveau d’exposition, un sondage en direct a révélé des indicateurs importants : sur les 96 participants à cette rencontre virtuelle, 15% n’ont vécu aucun choc de la demande, la situation étant restée plutôt similaire à la normale. Quelque 40% ont connu un choc de la demande positif, avec une consommation qui a explosé, quand 45% ont malheureusement vu leurs ventes s’arrêter. «Au niveau de l’industrie pharmaceutique, la demande a explosé pendant le mois de mars. Plus aucune boite de paracétamol et de vitamine C dans les rayons des pharmacies. Mais ce n’est pas pour autant que la demande était plus importante ; c’était juste parce que les gens s’étaient rués sur certains médicaments. Donc un mois de mars au-dessus de la tendance, par contre les mois d’avril et mai ont connu une chute de 50% du chiffre d’affaires. C’était une tendance générale du marché pharmaceutique qui s’explique notamment par l’arrêt des prescripteurs», explique Mounia Meknassi, directrice Supply Chain du laboratoire pharmaceutique Maphar. Autant la demande était difficile à prévoir, autant le choc de l’offre était dur pour l’industrie pharmaceutique du pays, car l’approvisionnement est passé d’une fréquence mensuelle à hebdomadaire. Rappelons que l’Inde et la Chine captent à elles seules 60% de la demande mondiale en principes actifs, y compris la Chloroquine. Ce mono-sourcing adopté depuis des années pour des raisons de réduction de coûts a démontré toutes ses limites en quelques semaines seulement. «Il a fallu négocier très fort pour obtenir quelques kilos de matières. Mais nous avons été sauvés par la réglementation marocaine qui oblige l’industrie pharmaceutique à disposer d’un stock de sécurité de trois mois», souligne Meknassi.Industrie du papier-carton : Merci les produits agricoles et agro-industriels !
La demande en emballage, une activité transversale car liée à tous les secteurs d’activité, a connu des réactions très différentes. «Certaines étaient très positives vu l’augmentation de la demande en fruits et légumes. Concrètement, cette branche a très bien fonctionné puisque les agriculteurs ont continué à produire, permettant par conséquent à l’emballage de bien se maintenir en termes d’offre. Au niveau de l’agroalimentaire, qui représente près de 40% de nos clients industriels, la tendance était également positive vu que les consommateurs ont constitué des stocks pour préparer le confinement. En revanche, les commandes des secteurs du BTP et automobile se sont arrêtées», déclare, pour sa part, Loubna Nafzaoui, Morocco Sourcing Director Chez International Paper, un des leaders mondiaux du papier et de l’emballage. Présent au Maroc à travers trois sites à Casablanca, Agadir et Tanger, International Paper a dû réorienter certaines lignes de production pour continuer à servir les industries demandeuses. Mais surtout répartir la charge entre les trois sites de présence au détriment de coûts de transports plus importants. Autant l’activité agricole et agro-industrielle se portait bien à Casablanca et Agadir, autant il fallait faire tourner le site de Tanger qui était en sous capacité. L’agilité de la chaîne logistique de la firme n’est autre que le fruit de plusieurs ingrédients : « la communication transversale entre plusieurs départements est le premier facteur de succès. Le deuxième a trait à la coordination entre l’amont et l’aval de l’entreprise afin d’éviter les déphasages. Troisième facteur, nous avons puisé l’information chez nos fournisseurs et clients en nous enquérant de leur plan de continuité. Nous avons pu par la suite rassurer nos clients», détaille la responsable.