Le Maroc a été à la fois l’un des plus rapides et des plus énergiques dans sa réaction à la pandémie du Covid-19. Le pays a rapidement imposé la suspension quasi systématique des vols aériens et un confinement obligatoire de la population dès le seizième jour, donc trois fois plus rapidement que l’Italie ou la France. Le constat est du cabinet Finactu qui vient de publier une étude intitulée : le coronavirus et l’Afrique, crise sanitaire et crise économique. Selon les experts du cabinet français, la rapidité avec laquelle la plupart des autorités politiques du continent ont réagi face au Covid-19 en stoppant les facteurs de contagion pourrait bien permettre à l’Afrique d’éviter une crise sanitaire dramatique. Mais il faut alors anticiper une crise économique sans précédent, relèvent les auteurs de l’étude. «En premier lieu, l’Afrique sera victime des mécanismes qui frappent le monde entier et que nous, avec un choc massif sur la demande et sur l’offre à court terme, puis une vague de faillites en chaîne, débouchant in fine sur une reprise atone et une longue période de croissance molle», analyse Finactu. La faiblesse des marchés de capitaux sur le continent atténuera en partie l’effet domino que vont connaître les économies occidentales, où la chute sans précédent des Bourses va fragiliser très profondément les bilans des institutions financières, mais cette consolation est d’une faible portée, nuancent les experts de Finactu. Car face à la mécanique infernale mondiale enchaînant crise sanitaire et crise économique vont s’ajouter divers facteurs aggravants propres aux économies africaines. D’abord, pour les matières premières, la pandémie du Covid-19 est à l’origine d’une chute historique des cours du pétrole, divisés par 3 depuis décembre 2019, passant de 63 dollars à environ 22. Les pays africains exportateurs de pétrole subissent ainsi une double peine : une diminution des exportations de pétrole en volume et en valeur, alors même que certains d’entre eux comme la Guinée équatoriale n’enregistrent officiellement aucun cas d’infection à date.
Ensuite, le ralentissement de l’économie chinoise et donc de ses importations impacte sévèrement les économies africaines ayant développé des liens de partenariat avec le pays-continent et dont les exportations (vers la Chine) représentent en moyenne 47% des échanges internationaux. Puis, l’absence de plan de soutien.
En effet, indique Finactu, les Budgets étatiques contraints et le poids de l’informel dans la majorité des pays d’Afrique empêchent ou rendent difficile la mise en œuvre de plan de soutien, social ou économique, que ce soit en termes financiers ou en termes d’identification des entreprises et micro-entrepreneurs. Les conséquences sur le maintien du pouvoir d’achat des ménages, et sur la capacité des entreprises à être prêtes lors de la reprise, sans oublier l’impact sur les stratégies et efforts de lutte contre la pauvreté et lutte contre la mortalité, restent difficiles à évaluer et appréhender. «Le Maroc est le premier pays du continent à avoir mis en œuvre une batterie de mesures sociales et économiques fortes accompagnant le confinement obligatoire imposé depuis le 20 mars dernier. Depuis, d’autres pays, comme la Tunisie, l’ont rejoint», constatent les experts du cabinet. Au-delà des facteurs aggravants sur le plan économique, l’Afrique va sans doute souffrir de la faiblesse de ses filets de sécurité et, plus globalement, de sa faible résilience sociale, s’alarment les auteurs de l’étude. Concrètement, l’une des caractéristiques structurantes du continent est le poids massif de son secteur informel ou non-salarié, qui y représente souvent 90% de la population active globale. Dans la plupart des cas, ces personnes n’ont pas de revenus réguliers, pas de réserves financières et donc peu de capacité à respecter un confinement qui signifie pour elles une absence complète de ressources. Cette situation crée un risque supplémentaire pour les autorités dans leur stratégie de lutte contre la propagation du Covid-19.