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Quand le sentiment d’insécurité au travail s’installe

Quand le sentiment d’insécurité au travail s’installe

Conseil : La peur de perdre son emploi tiraille de plus en plus de salariés. Quelles peuvent être les différentes raisons de ce phénomène ?
Malgorzata Saadani :
Jusqu’à aujourd’hui, l’emploi salarié était le synonyme de stabilité professionnelle, financière et sociale. Sur la base d’un contrat avec l’entreprise, clair et bien encadré par la loi, le collaborateur pouvait se projeter dans l’avenir et construire sa voie de carrière et ses projets personnels et familiaux. Si actuellement les employés ressentent de plus en plus d’angoisse, c’est parce que le monde du travail est devenu durablement beaucoup plus flexible et les changements, plus ou moins importants, plus ou moins prévisibles, font naturellement partie de ce nouvel environnement. Le changement fait peur.

Peut-on justifier ce sentiment d’insécurité par un manque de confiance en soi ?
Je pense que les événements extérieurs et les ressentis individuels sont un système des vases communicants finement interconnectés : le manque de sécurité d’emploi suscite chez la personne la remise en question de ses compétences et sa place dans la société. Ensuite, tiraillée par ces pensées, elle agit d’une manière chaotique ce qui l’ancre davantage dans la position d’instabilité. Il faut alors beaucoup de courage, d’effort personnel et même de l’aide extérieure pour sortir de ce cercle vicieux.
Dans quelle mesure le manager peut-il être jugé responsable de ce phénomène en entreprise ?
Dans l’entreprise, chaque manager a sa part de responsabilité et je ferais la distinction entre le top management et le management de proximité qui peut à son tour être composé de plusieurs strates. La direction générale décide des grands axes stratégiques sur la base des informations provenant des différentes sources, dont le middle-management. Celui-ci a le rôle-clé dans la transmission des informations dans les deux sens à la verticale et aussi en transversale, mais également dans le relai des initiatives, des observations et dans l’application sur le terrain des décisions prises par la hiérarchie. Il y a cependant une chose en commun qui est indispensable à tous ces chefs : ils doivent être exemplaires dans leur communication, les explications qu’ils fournissent sur les actions qu’ils mènent et dans les rapports avec des salariés pour instaurer et construire chaque jour le climat de confiance et de sécurité au sein de l’entreprise.

Quelles peuvent être les conséquences de ce sentiment sur le bien-être et la performance du collaborateur ?
Le sentiment d’insécurité au travail sabote plusieurs facteurs de performance en même temps : tout d’abord, il provoque le désengagement par rapport aux objectifs à moyen et long termes et la démotivation qualitative à court terme. Les notions : fidélité et durabilité disparaissent des priorités. Ça, c’est le côté performance. Côté bien-être, c’est encore plus contrasté : comment pourrait-on parler du bien-être lorsque les conditions de base de sécurité ne sont pas réunies ? Et cela ne servirait à rien à aménager une belle cafétéria, un espace de détente ou à créer un poste de «manager du bonheur» dont la mission consisterait à apaiser les réactions naturelles et compréhensibles des gens dans la situation d’insécurité. Les actions que je viens de citer à titre d’exemple peuvent constituer un plus, pendant qu’un bon management raisonnable et humain est un impératif.

Qu’est-ce que vous proposez comme actions pour tenter de surmonter ces différentes craintes ?
Personnellement, je suis partisane du retour aux grands fondamentaux classiques : le rétablissement des relations honnêtes à travers toutes les composantes de l’entreprise, la création d’une authentique charte des valeurs éthiques commune, et surtout l’application pratique de toutes ces belles déclarations : la rémunération juste et conforme aux contrats, la transparence des voies de carrière, l’équité de traitement des employés. Souvent, les craintes se renforcent pendant une période de transition ou des grands changements organisationnels.  L’entreprise doit donc prévoir dès le départ non seulement la bonne introduction et conduite de ces changements, mais aussi un accompagnement supplémentaire pour ceux parmi les collaborateurs qui auraient des difficultés particulières à affronter ce défi. Je pense que nous avons beaucoup d’outils pour faire face efficacement au sentiment d’insécurité, et le plus important parmi eux c’est notre capacité d’explications rationnelles et notre bienveillance mutuelle. 
Propos recueillis par Nabila Bakkass

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