Conjugué à une situation déjà difficile de notre économie, l’impact de la crise sanitaire est à analyser sur les courts, moyens et longs termes. Et ce choc économique n’est pas qu’interne, mais également externe puisque le Maroc est partenaire d’un certain nombre de pays qui subissent eux-mêmes cette crise brutale. Le choc externe se fait également ressentir par rapport à l’apport du tourisme, des MRE et des investissements directs étrangers. Le choc interne est provoqué par un arrêt de la production, la baisse des importations et des exportations… C’est en somme le constat choc détaillé par Redouane M’Fadel qui estime qu’à ce jour, personne ne peut identifier l’étendu de l’impact de cette crise qui ne ressemble à aucune autre.
Grandes, petites ou moyennes entreprises, on sauve qui ?
Selon l’invité de L’Info en Face, c’est l’une des questions cruciales auxquelles le plan de relance économique doit répondre. «Il est évident qu’il va falloir initier des plans de sauvegarde d’un certain nombre d’entreprises publiques au Maroc, mais il va falloir leur demander aussi un engagement notamment en matière de maintien des emplois, mais les PME sont d’autant plus importantes. Il faut savoir que les 2/3 des entreprises au Maroc n’ont pas accès au financement et il n’y a pas d’alternative au financement bancaire», explique-t-il. En effet, les banques ont un rôle systémique puisqu’elles représentent l’unique relais de l’État qui est aujourd’hui la seule entité qui peut sauver l’économie de par sa vision globale et ses outils d’intervention. Cependant, il est important de penser à d’autres modes d’interventions et amener les établissements de crédit à rendre plus accessible le financement aux entreprises, notamment en proposant un taux d’intérêt plus bas. «Outre le soutien louable aux ménages, il y a l’aide aux entreprises qui est aussi à saluer, mais ça ne sera pas suffisant. Il va falloir trouver d’autres mécanismes beaucoup plus percutants, plus rapides et plus directs et qui coûtent moins cher aux entreprises», insiste-t-il.L’État au cœur de la relance
Depuis le début de la crise et ses premiers impacts, l’État a pleinement joué son rôle d’État providence. Mais est-ce que la relance économique devait être portée par l’État seul ? À cette question, M’Fadel répond qu’il n’y a pas que l’État providence, il faut évoquer également les instruments de la politique économique, à la fois la politique budgétaire, monétaire et de régulation. «Partout dans le monde, l’État est extrêmement présent, car c’est la seule entité qui est en mesure de jouer un rôle systémique de sauvegarde à la fois des populations et de l’économie», explique-t-il. Mais la question est de savoir comment l’État agit. Pour jouer pleinement son rôle, l’État doit procéder à des évaluations coût/objectif ciblées pour savoir quel secteur soutenir en priorité.Les bases de la relance
Comme dans de nombreux pays, le Maroc s’oriente vers la préférence nationale et optera certainement pour l’appui des secteurs qui ont un effet d’entrainement sur l’économie, notamment ceux qui créent le plus d’emplois, indique l’invité de l’Info en Face qui évoque en particulier le tourisme, les secteurs industriels à forte proportion de main d’œuvre, le textile, les petits commerces, l’immobilier,… Par ailleurs, et dans le cadre d’une politique de relance efficace et efficiente, la préférence nationale est un élément qui émerge pour promouvoir la production et la consommation locale. «Ce que l’on voit se dessiner c’est la sauvegarde de certains secteurs stratégiques clés», explique-t-il avant de relever le paradoxe qu’il y a entre protection des frontières et la quête des IDE ou des effets de relocalisation. L’idéal serait de mettre en place des mesures de sauvegarde ponctuelle sur certains produits, une solution déjà opérationnelle, mais qui n’a pas permis de rendre ces industries plus compétitives ou plus productive, explique M. M’Fadel. «Si on veut mettre en place des mesures de sauvegarde, il faut aussi accompagner les secteurs industriels pour augmenter leur efficacité et les rendre plus compétitifs pour au final proposer un produit de qualité au consommateur», poursuit-il. Tout l’enjeu donc est d’essayer de remédier à certaines lacunes pour augmenter la compétitivité de notre industrie : coût énergétique, production durable, main d’œuvre, règlement du travail…L’emprunt pour une réaction rapide
Si l’emprunt reste l’option inévitable pour créer un choc rapide pour rétablir la confiance, pour l’économiste, ces montants devront être bien étudiés et utilisés en analysant notamment le coût-bénéfice des dépenses publiques qui seront engagées. C’est dans ce sens que M. M’Fadel invite l’État à changer son modèle d’intervention pour le rendre plus efficient et plus rapide. Parallèlement à la dette, il est nécessaire de s’interroger sur l’efficacité de l’investissement public. «Il faut choisir des investissements publics qui génèrent de la valeur ajoutée, il faut peut-être aussi dédier un fonds à l’industrialisation et au soutien des startups et de l’économie digitale», préconise M. M’Fadel. Relancer l’offre doit en parallèle être accompagné par une relance de la demande, du pouvoir d’achat et donc de la consommation. «Il faut engager des mesures fortes pour redonner confiance après le choc de la crise. Les entreprises ont besoin de recevoir des signaux clairs par rapport aux processus de soutien et les ménages ont pour leur part besoin de voir leur pouvoir d’achat rebooster», prévient l’économiste.