La regrettée Touria Jabrane était obsédée par son art. C’était pour elle l’oxygène qu’elle respirait et la nourriture qui l’alimentait. Ce don de Dieu, Touria l’offrait gracieusement à son large public. C’est pour cela qu’elle restera toujours présente dans nos esprits, nos souvenirs à travers les pièces théâtrales, les films, les téléfilms dans lesquels elle a inlassablement donné le meilleur d’elle-même. Elle incarnait la générosité, la modestie, la bonté et la fougue dans le travail. Et tous ceux qui l’ont côtoyée de très près découvraient toutes ces valeurs artistiques et humaines qu’elle
possédait.
Même après avoir été nommée ministre de la Culture par S.M. le Roi Mohammed VI, rien n’avait changé dans ses habitudes et ses comportements. Une âme pure qui est restée elle-même, fidèle à ses principes, à ses amours des planches, intègre et très sincère dans tout ce qu’elle entreprenait. Cette femme exceptionnelle qui a séduit par son art et son grand cœur a présidé beaucoup de jury aussi bien pour des festivals de théâtre que de cinéma, reçu de nombreux Prix au Maroc et ailleurs… et de nombreux hommages lui ont été rendus. Un merveilleux parcours digne des grandes icônes qui restent dans les annales de l’histoire. Les mots ne suffisent pas pour la remercier pour tout ce qu’elle donné pour l’art et pour
son pays.
Depuis ses débuts dans le théâtre en compagnie de Tayeb Seddiki, en 1972, dans la troupe Masrah Ennass (le théâtre des gens), Touria Jebrane s’est vite fait remarquer et fut sollicitée pour jouer dans plusieurs pièces théâtrales. Son premier rôle au cinéma date de 1978 dans le film «Omar El Mokhtar» sous la direction de Mustapha Akkad. S’ensuivent d’autres rôles, à la télévision, au théâtre et au cinéma, en travaillant avec plusieurs metteurs en scène et réalisateurs de renom, entre autres Saâd Chraïbi, Mustapha Derkaoui, Driss Mrini, Driss Kettani, Phillipe Carrel et la liste est longue. «Je n’oublierais jamais le soutien que m’a apporté Touria Jebrane dans le film “Bamou” en 1982. Elle n’a pas hésité une seconde à accepter le rôle que je lui ai proposé, alors que j’étais encore jeune et débutant dans le cinéma. Cette confiance m’a vraiment touché. Elle m’a aussi aidé à faire appel à d’autres figures emblématiques de la scène artistique, comme Larbi Doghmi,
Mohamed El Habachi, Habiba Medkouri, Hassan El Joundi, Mohamed Miftah, Badiâ Ryane… qui avaient tous accepté de travailler avec moi grâce à Touria», souligne le réalisateur Driss Mrini.
C’était une femme qui avait un grand cœur et n’hésitait pas à aider ses collègues. Ainsi, tout en continuant son parcours à la télévision et au cinéma, elle crée, en 1987, avec son mari, Abdelouahed Ouzri, la troupe Masrah Alyaoum (Théâtre d’aujourd’hui) où son audace et sa passion sont mis en valeur… Elle devient une figure emblématique du théâtre national, révélant ses qualités de grande actrice et s’imposant comme une valeur sûre de sa génération. Le défi est remporté à travers les remarquables pièces présentées, notamment «Hikayat Bila Hodoud», «Boughaba» (1989), «Contes sans frontières» (1987), «Les Fous sont parmi nous» (1990), «Le Soleil se meurt» (1993), «Les Beaux jours» (1994), «L’Oiseau de nuit» (1997), «Maître Puntila et son valet Mati» et bien d’autres qui ont fait découvrir au public un théâtre de qualité qui a brisé les clichés et les stéréotypes.
Ce qui lui a attiré respect et reconnaissance au Maroc et dans d’autres pays arabes, comme l’Irak, la Tunisie, l’Égypte… Cela lui a valu aussi d’être décorée par Feu S.M. le Roi Hassan II du Wissam du mérite national, puis chevalier de l’Ordre des Arts et Lettres de la République française et le Prix Vermeil de l’Académie des «Arts Sciences Lettres» à Paris.