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La transparence, plus qu’un impératif en temps de crise

En temps de crise, il est fortement recommandé de jouer la carte de la transparence, mais à quel degré ? Faut-il tout révéler à ses collaborateurs ou plutôt distiller les informations en vue de protéger la santé morale en entreprise ? Ces questions trouvent tout leur intérêt en cette période difficile dont le maître mot reste la prudence. Jihane Benslimane, experte en management et directrice exécutive Hera Consulting Group, y répond.

La transparence, plus qu’un impératif en temps de crise
Les managers RH doivent mettre en pratique les outils de la communication de crise tout en optimisant la transparence auprès des collaborateurs. Ph. Shutterstock

Conseil : Les DRH militent en première ligne, depuis le début de la pandémie, et s’assignent pour mission d’assurer la continuité de l’activité de l’entreprise tout en préservant le moral des collaborateurs. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur ce sujet ? 

Jihane Benslimane
: Effectivement, depuis l’apparition de la pandémie du coronavirus (Covid-19), les directions des ressources humaines ont dû multiplier leurs efforts pour faire face à différentes crises au sein de l’entreprise. On a tendance à parler de la crise sanitaire, mais il est important de rappeler que celle-ci a engendré plusieurs problématiques, notamment le respect de la santé physique et morale des collaborateurs, les plans économiques, les grèves ainsi que les risques professionnels. Cette période, pleine d’incertitude et à caractère inédit, a permis aux directions des ressources humaines de renforcer les liens avec les directions générales des entreprises. Le rôle stratégique de la fonction RH a ainsi été confirmé au sein des organisations. Il est à noter aussi que les services RH ont permis avec réactivité d’appliquer à grande échelle l’activité partielle et le télétravail avec pour objectif de maintenir l’activité à son niveau le plus élevé possible. Ils ont favorisé le digital, lorsque le secteur ou la fonction le permet, pour développer une nouvelle communication avec les collaborateurs et pour rendre l’échange administratif plus fluide, y compris avec les organismes sociaux. En résumé, les DRH ont eu à gérer dans l’urgence des défis stratégiques au sein de l’entreprise comme :

• L’optimisation de la masse salariale en fonction de la productivité en baisse.

• La gestion au quotidien du télétravail et des indicateurs RH adaptés (outils, présence en télétravail, tâches, projets, organisation…).

• La mise en place et l’application du protocole sanitaire et gestion du personnel.

• Le maintien de la relation avec les différents organismes gouvernementaux pour l’obtient de différentes autorisations, notamment d’exercer et de se déplacer.

• Le coaching des équipes et des managers pour minimiser les frustrations pendant le confinement ou la pandémie de manière générale.

• La mise en application des plans de départ.

• La conduite du changement et de la mobilité interne.

• Le recrutement de nouveaux profils en dépit du contexte. 

Je tiens à souligner à ce niveau que l’atteinte de ces objectifs dépend, entre autres, de la qualité de la communication interne qui doit être optimale et travaillée. À mon sens, depuis le début de la pandémie, les DRH sont en train de devenir des experts en communication au sein des organisations. 

Justement, en matière de communication interne, la plupart des experts RH estiment qu’il est important de jouer la carte de la transparence en temps de crise. Qu’en pensez-vous ? 

L’adaptation aux tendances du marché est incontournable pour n’importe quelle fonction y compris celle liée au management des ressources humaines. Pour cette dernière, l’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de conduire le changement, assurer le bon déroulement du travail, même à distance et mettre en place de nouveaux projets au sein de l’entreprise. Il est donc essentiel pour le manager RH de maîtriser le volet de la communication, aussi bien externe qu’interne. En effet, l’expertise de la communication interne ou dite RH permettra au dirigeant de renforcer la culture d’appartenance à l’entreprise chez les collaborateurs et de gagner leur engagement, ce qui impactera positivement la performance des résultats. 

Les managers RH doivent ainsi mettre en pratique les outils de la communication de crise tout en optimisant la transparence auprès des collaborateurs. Il est également recommandé de créer une expérience collaborateur en misant par exemple sur le mappage des compétences. Il s’agit des outils faciles et efficaces permettant de détecter et d’évaluer les talents. Le mappage permettra ainsi d’identifier le besoin en personnel ainsi que l’analyse des performances et des opportunités de carrière. 

La formation prend une place plus stratégique dans ce sens. Je recommande également d’élaborer des stratégies autour du traitement des données face à la multiplication des informations en cette période de crise. 

En matière de transparence, les DRH peuvent-ils se permettre de s’abstenir de partager certaines informations avec leurs collaborateurs ? 

Les entreprises traversent une période difficile sans précédent. Les équipes RH, à côté de la direction générale, sont en première ligne en matière de coordination et de communication de crise. Leur enjeu quotidien prioritaire est de conserver et d’entretenir la motivation des salariés. Bien sûr, la manière et les outils utilisés pour communiquer en interne dépend du Cadre référence Fondamentale ou de la culture d’entreprise. Force est de reconnaître que la crise liée à la Covid-19 a constitué une véritable occasion pour les managers des équipes de nouer un contact direct avec chaque collaborateur. La communication descendante s’est imposée dans un premier temps, car l’entreprise avait énormément d’informations à communiquer. Il s’agit, notamment de la situation économique et financière de l’entreprise, l’application de la loi d’urgence et du protocole sanitaire ainsi que les nouvelles modalités de gestion des cas personnels ou dans le traitement de la paie. Certaines entreprises ont su mettre en place des outils digitaux pour que la communication soit fluide soit via réseaux sociaux, soit via newsletter soit via une plateforme interne propre à l’entreprise. Les visio-conférences ou les «remote café» ont remplacé les réunions classiques et l’onboarding de nouveaux salariés a permis la mise en place d’une nouvelle forme de communication. Pour répondre à votre question, je dirai que les DRH peuvent donc se permettre de partager les informations avec leurs collaborateurs en toute transparence, mais il est impératif que cette communication soit préparée et que l’outil choisi soit en cohérence avec le message à diffuser.

En cas d’apparition de cas de Covid-19 en entreprise, faut-il en informer les collaborateurs, sachant qu’une telle information risque de créer un climat de peur et d’inquiétude ? 

Malheureusement, la pandémie n’est pas finie. Les foyers de contamination continuent d’augmenter et notamment dans les entreprises qui requièrent du présentiel. Nous devons tous être vigilants, car le virus circule encore. Le DRH ne doit pas céder à la panique ni garder le secret et éviter ainsi un état de panique ou de frustration. 

Les collaborateurs doivent être informés, mais avec la communication de crise la plus simple et digeste. Les organismes ou autorités concernés, par exemple la médecine du travail, doivent être prévenus également. En interne, c’est aussi une nouvelle occasion pour la DRH de rappeler les consignes de sécurité et de protocole sanitaire pour responsabiliser davantage les collaborateurs. De par cette transparence, la DRH communique clairement et montre qu’elle donne de l’intérêt à l’ensemble des collaborateurs et tente de les protéger. Cela permet de renforcer l’attachement et le renforcement de la culture d’entreprise et ainsi la marque employeur devient plus solide. Sur un autre registre, je tiens à souligner qu’il est important de rappeler aux DRH et aux dirigeants généraux que la communication de crise doit être préparée. La pire chose à faire pendant une période crise serait de garder le silence ou de banaliser les échecs ou les problèmes. Si nous n’essayons pas de donner nous-mêmes forme au débat, le public ne fera que parler en mal de l’entreprise au lieu de s’identifier à elle et de continuer à consommer ses produits ou services. C’est pourquoi il est primordial de s’exprimer et de communiquer.

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