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Vaccin anti-Covid et immunité, comment ça marche ?

C’est toute une histoire que nous sommes en train de vivre avec la Covid-19 ! La bataille est loin d’être gagnée, mais des lueurs d’espoir commencent à se dessiner à l’horizon. Le Maroc, comme plusieurs pays du monde, s’est engagé dans les essais cliniques et se prépare aujourd’hui à lancer une campagne de vaccination massive pour immuniser sa population contre ce mal. Entre ceux qui attendent avec impatience ce vaccin et ceux qui doutent de son efficacité, des questions émergent avec acuité : Peut-on avoir confiance dans un vaccin élaboré en un temps record ? Quels en sont les effets indésirables ? Y aura-t-il un suivi spécial pour les personnes souffrant de maladies graves ou chroniques ? Azeddine Ibrahimi, directeur du Laboratoire de biotechnologie de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat et du Centre de recherche Medical Biotechnology Lab, nous éclaire sur ce sujet qui préoccupe les Marocains. L’expert revient, dans cet entretien accordé au quotidien «Le Matin», sur les efforts titanesques déployés par le Royaume dans sa lutte contre la pandémie.

Vaccin anti-Covid et immunité, comment ça marche ?
Les membres du laboratoire de biotechnologie médicale de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat. Ph. Saouri

Le Matin : Où en est le Maroc dans la préparation de la campagne de vaccination massive ?
Azeddine Ibrahimi
: Je pense que la démarche marocaine a été anticipative. Je tiens à souligner dans ce sens que face à une pandémie, il y a trois approches essentielles. D’abord, l’approche non médicale que nous avons d’ailleurs réalisée avec beaucoup de succès au Maroc grâce, entre autres, au confinement et toutes les décisions qui ont été prises par la suite. La deuxième approche est dite thérapeutique. Sur ce volet, il y avait beaucoup de propositions de médicaments pour le traitement de la maladie. Malheureusement, ces médicaments n’avaient pas donné de très bons résultats. Il convient toutefois de noter que dans le courant de la semaine dernière, deux médicaments ont été plus ou moins autorisés en urgence aux États-Unis par l’Agence américaine des médicaments (FDA). Ils sont à base d’immunothérapie, mais demeurent assez chers. La troisième approche repose sur la vaccination et consiste à éradiquer le virus à travers une démarche anticipative. Cela dit, dans le cadre d’une pandémie, on devrait essentiellement passer par ce qu’on appelle une vaccination de masse.
Au Maroc, la préparation de cette dernière a démarré il y a déjà des mois. On a commencé par identifier l’agent pathogène dans notre pays, puis on a participé aux essais cliniques de phase trois du vaccin de Sinopharm. Il faut rappeler que le Maroc a diversifié ses vaccins puisqu’on a signé aussi un contrat avec AstraZeneca. On aura donc droit à deux vaccins avec deux techniques différentes, à savoir Sinopharm et AstraZeneca. Parallèlement, le Maroc est en train de chercher à s’approvisionner en d’autres vaccins. Une fois que l’ensemble des vaccins sera assuré, il faut éventuellement terminer les essais cliniques qui prouvent en quelque sorte leur efficacité et leur innocuité. Il faut rappeler à ce niveau que dans le cadre de la phase trois des essais du vaccin, chaque pays est souverain de donner ses autorisations, suivant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Au Maroc, c’est la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP) qui va s’en occuper. Avant d’arriver à ce stade, nous avons déjà commencé à nous préparer pour lancer une campagne de vaccination de masse puisque des millions de personnes seront vaccinées à la fois. Comme nous n’aurons pas assez de doses, l’administration des vaccins sera assurée par ordre de priorité. Suivant les recommandations de l’OMS, la priorité sera donnée aux personnes qui offrent les soins, à savoir le corps médical, les infirmiers, le corps pharmaceutique et les personnes qui organisent la logistique de cette démarche. On sélectionnera éventuellement les premières personnes à risque et qui sont dans des situations précaires du point de vue sanitaire, comme les personnes très âgées ou celles qui ont des maladies chroniques. Ce virus a d’ailleurs la particularité, soit de donner des symptômes très légers ou même d’être asymptomatique, ce qui est le cas pour 80% de la population, soit d’être à risque (20%). Cela dit, si on arrive à protéger les personnes à risques et à créer une bulle générationnelle, cela nous permettra de réduire le nombre de cas aggravés, de diminuer la pression sur les services de la réanimation et par conséquent de réduire le nombre de décès des suites du virus.

Dans quelle mesure ce vaccin permettra-t-il aux Marocains de renforcer leur immunité face à ce virus ? 
Face à une pandémie, il y a deux façons d’avoir l’immunité. D’abord, l’immunité naturelle. Elle est acquise par les personnes qui contractent le virus. Or il faut savoir qu’il existe d’autres mécanismes pour acquérir l’immunité naturelle, notamment la production d’anticorps neutralisants. Le problème avec ce type d’immunité c’est qu’à côté de son acquisition, vous risquez en fin de compte de développer la pathologie, ce qui n’est pas à l’avantage des personnes à risques. Ensuite, il y a ce que l’on appelle l’immunité acquise à travers la vaccination. Les personnes arrivent à acquérir ce type d’immunité en administrant un vaccin qui va «tromper» le corps permettant ainsi de produire des anticorps sans développer la pathologie. Ceci dit, entre une immunité naturelle qui comporte des risques et une immunité acquise, dont les effets indésirables sont connus et contrôlés, le choix doit être facile pour les personnes âgées et celles souffrant de maladies chroniques. 

Comment expliquer au citoyen l’efficacité du vaccin ?
L’efficacité, l’innocuité et la qualité du médicament ou du vaccin sont les bases de ce que l’on appelle la pharmacocinétique ou de la pharmacologie en général. Ces trois principes sont vraiment élémentaires et essentiels pour le développement d’un médicament ou d’un vaccin. Même au niveau du laboratoire, on teste la cytotoxicité pour vérifier sur des cellules s’il n’y a pas de toxicité et si l’efficacité est au rendez-vous. Des tests sont effectués sur les animaux avant de passer aux humains en lançant trois phases essentielles, rien que pour vérifier les trois éléments que je viens de citer. L’OMS préconise dans ce sens que chaque vaccin qui aura une efficacité de 50% sera plus ou moins accrédité par l’Organisation. D’ailleurs, immuniser 50% de la population avec 100% d’administration, c’est déjà pas mal ! Il faut rappeler que ce qu’on cherche aujourd’hui, c’est à briser la chaîne de contamination et à atteindre un niveau où chaque personne n’arrive plus à contaminer les personnes autour d’elle. Il faut aussi savoir que les trois éléments que j’ai cités au début de ma réponse, à savoir l’efficacité du vaccin, son innocuité et la qualité de sa production, sont pris en considération au moment de l’autorisation de sa mise sur le marché. J’insiste sur le fait que personne ne nous imposera de mettre un vaccin sur le marché marocain. Ce sont nos experts et notre administration qui prendront cette décision. 

Que pouvez-vous nous dire sur les effets indésirables potentiels du vaccin anti-Covid ?
Il est évident que les citoyens se posent aujourd’hui la question sur les effets indésirables du vaccin, mais je pense qu’au Maroc, nous avons déjà une tradition de vaccination. Chacun de nous s’est fait vacciner au moins une dizaine de fois dans sa vie. Ceci dit, nous connaissons déjà les effets indésirables d’un vaccin. Il s’agit essentiellement d’une rougeur au niveau du bras, si le vaccin est administré dans cette partie du corps. La rougeur est, plus ou moins, accompagnée d’une fièvre. Tous les vaccins qui ont été développés jusqu’à aujourd’hui et qui sont soumis à une réglementation d’autorisation en urgence présentent à peu près les mêmes effets indésirables, dont un peu de fière et de rougeur. Il s’agit aussi des maux de tête pour les vaccins de Pfizer, et cela a déjà été démontré. Il convient de souligner dans ce sens que la participation du Maroc aux essais cliniques lui a permis d’avoir des éléments essentiels sur la manière avec laquelle se déroulera la campagne. Les résultats de ces essais, qui ont été d’ailleurs discutés au sein du Comité national scientifique, étaient très clairs. Sur les 600 personnes qui se sont portées volontaires pour les essais cliniques, les effets indésirables étaient très réduits. Bien évidemment, Sinopharm et AstraZeneca vont revenir sur tous les essais cliniques réalisés partout dans le monde avant de proposer leur vaccin à l’autorisation. 

Quelles sont les mesures prises pour administrer ce vaccin aux personnes souffrant de maladies graves ou chroniques ? Y aura-t-il des mesures ou un suivi spécial ? 
Pour les personnes à risque, notamment les personnes âgées et celles qui souffrent de maladies chroniques, ce vaccin permettra d’avoir une immunité acquise avec les effets indésirables qu’on connaît tous. Personnellement, je suis très confiant quant à la décision que les Marocains vont prendre dans ce sens. D’ailleurs, nous avons déjà commencé à recevoir des questions sur ce vaccin, ce qui est une bonne chose. Pour revenir à votre question, j’attire l’attention sur le fait que l’administration d’un médicament ou d’un vaccin passe par une quatrième étape qu’on appelle la phase de pharmacovigilance avec un suivi qui sera assuré pour bien analyser les effets indésirables du vaccin. L’étape de la pharmacovigilance est d’ailleurs très importante pour ces personnes. Côté communication, la transparence sera de mise pour mieux accompagner les citoyens, aussi bien dans la première administration que dans la deuxième. 

D’après le ministre de la Santé, les essais cliniques menés sur 600 personnes confirment l’efficacité du vaccin choisi par le Royaume. Est-ce qu’on dispose de résultats détaillés ? Si oui, quelles en sont les grandes lignes ? 
Avant de s’engager dans les essais cliniques, on s’est assuré que les souches du virus qui circulent au Maroc sont compatibles et qu’il n’y a pas beaucoup de diversité par rapport aux souches qui étaient en Chine. Pourquoi ? Tout simplement, parce que le vaccin de Sinopharm est chinois. Sinopharm est d’ailleurs l’une des plus grandes boîtes de production de vaccins au monde. La proposition de leur vaccin a été élaborée selon une technique très classique qui repose sur l’inactivation du virus en le détruisant complètement. Les carcasses protéiques sont utilisées comme antigènes pour produire une réponse immunitaire. On voulait donc au départ s’assurer que nous avions le même virus. À travers plusieurs études établies dans le monde, y compris celle que nous avons réalisée nous-mêmes, la plupart des vaccins qui seront développés seront universels. C’est ce qui explique d’ailleurs que les 11 vaccins proposés à la date d’aujourd’hui sont achetés par tous les pays du monde. Les résultats des tests cliniques, réalisés au Maroc, après l’obtention de l’aval du comité technique, étaient très clairs. Sur les 600 personnes volontaires, il n’y avait pas d’effets indésirables qui n’étaient pas dans le cahier des charges, à part un peu de rougeur et de fièvre, ce qui est d’ailleurs très normal pour un vaccin. Parallèlement, nous avons observé chez ces personnes-là une réponse immunitaire très importante et une présence aussi importante des anticorps neutralisants. Pour sa part, AstraZeneca vient de publier ses premiers résultats à propos de l’efficacité de son vaccin. Il en ressort que l’efficacité, mais aussi l’innocuité, a bel et bien été vérifiée.  À noter que le Maroc a diversifié ses achats et approvisionnements de vaccins et heureusement que notre Royaume l’a fait dans une approche anticipative. D’ailleurs, aujourd’hui vous ne pouvez plus trouver de vaccins au niveau du marché mondial puisque tout a été acheté. 


Ne pas relâcher la vigilance après le démarrage de la campagne de vaccination

Être vacciné ne veut pas dire qu’on est immédiatement protégé contre le virus puisque le processus prend du temps. Les personnes qui seront vaccinées vont ainsi avoir une première administration, suivie d’une deuxième après quatre semaines. Ce qu’il faut savoir, c’est que durant la période entre la première et la deuxième administration, les personnes vaccinées peuvent être infectées par le virus. Il faudra ainsi mieux se protéger. Même après la deuxième administration, il va falloir attendre encore quelques semaines pour avoir une immunité complète. Nous sommes aujourd’hui presque à la ligne d’arrivée et c’est dommage de perdre des personnes avant d’y arriver. La vigilance reste donc de mise et j’invite tout le monde pour le moment à respecter les gestes barrières. 


Vaccin contre la grippe saisonnière vs vaccin anti-Covid

«Certaines personnes ont déjà commencé à être vaccinées contre la grippe saisonnière, ce qui est une bonne chose. En effet, quand on se fait vacciner, on lutte, plus ou moins, contre l’agent pathogène contre lequel ce vaccin a été développé, mais à côté de cela, on augmente aussi son immunité générale. Ce vaccin est important, aussi bien pour les personnes qui ont l’habitude de le faire, que pour les personnes qui sont considérées à risque. Je recommande ainsi de le prendre pour se protéger contre la grippe et augmenter son immunité générale et je recommande aussi et sans problème d’opter pour le vaccin anti-Covid dès qu’il sera mis sur le marché. Il n’y a pas de risque dans ce sens.»

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