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Attention, le repli sur soi c’est dangereux et contagieux !

Les menaces fusent de partout, les dangers aussi. Nous nous sentons pris au piège et incapables de trouver une issue. Certains montrent une résiliation à toute épreuve et recourent aux moyens de bord pour garder la tête à la surface de l’eau, tandis que d’autres s’affaissent et perdent leur énergie affichant une incapacité à rebondir. Ces derniers ne trouvent d’autres solutions que de se replier sur eux-mêmes. Une manière de s’auto-défendre ! Cet état d’esprit représente un danger réel, aussi bien pour la personne que pour les équipes, parce qu’il est facilement transmissible entre les collaborateurs. Comment y remédier ? Malgorzata Saadani, coach ICC, conférencière et médiatrice, se propose de nous apporter quelques éclairages.

Attention, le repli sur soi c’est dangereux et contagieux !
L’instabilité des conditions d’exercice, la chute des certitudes et la peur de l’avenir sont un fort cocktail des raisons exogènes, suffisant pour provoquer un repli sur soi temporel. Ph. Shutterstock

Conseil : Le repli sur soi constitue un phénomène fréquent en milieu professionnel. Quels en sont les symptômes ?
Malgorzata Saadani
: Jusqu’il y a un certain temps, les sciences de management s’intéressaient relativement peu à l’état psychique des collaborateurs ou à la cohésion des équipes. 
C’était l’époque (déjà révolue) de la productivité et de la rentabilité brute comme seuls critères de gestion en entreprises. Puis, les dirigeants ont constaté que pour obtenir de meilleurs résultats, il fallait absolument tenir compte de l’élément humain et relationnel. D’où un grand intérêt pour la psychologie du travail et la valeur ajoutée qu’elle apporte très concrètement sur l’efficacité collective. En ce qui concerne le repli sur soi, c’est une posture qui est dangereuse, aussi bien pour la personne que pour le groupe. Chez l’individu, on observe la réduction des échanges au strict minimum et l’absence de l’initiative qui déteint sur l’entourage, et qui risque de devenir une forme de «culture d’entreprise» tacite marquée par la cachotterie et l’absence de proactivité. 
Attention toutefois d’appliquer automatiquement les mêmes indicateurs à tout le monde, au risque de faire des «diagnostics» erronés : le repli sur soi peut être facilement confondu avec la discrétion sociale ou la nature introvertie d’un collaborateur. D’où l’importance pour un manager de bien connaître ses équipes pour repérer ce qui est vraiment significatif.

Quelles sont les principales raisons de ce phénomène ?
Tout d’abord, le repli sur soi peut être passager ou durable ; dû aux facteurs extérieurs indépendants ou à ceux propres à la personne. Aujourd’hui, la situation économique est un grand facteur d’instabilité et de la recrudescence des postures de repli sur soi. Outre ce facteur omniprésent sur le plan global, il y en a d’autres qui peuvent le renforcer encore davantage, p.ex. un traumatisme psychique individuel suite à une situation de conflit ou d’autres problèmes que la personne n’a pas envie de partager avant de les travailler et de les résoudre elle-même. Ce qui est important dans une entreprise, c’est de comprendre l’origine du problème pour pouvoir affronter la situation, trouver des solutions et surtout retrouver la proactivité et l’énergie habituelles.

Dans quelle mesure la crise sanitaire a-t-elle accentué ce problème ?
L’instabilité des conditions d’exercice, la chute des certitudes et la peur de l’avenir sont un fort cocktail des raisons exogènes, suffisant pour provoquer un repli sur soi temporel même chez les personnes les plus résistantes, dynamiques et habituées à relever les défis. En ce moment, la crise économique est un facteur majeur de ces comportements du repli, soit par son impact direct (p.ex. la crainte d’un licenciement possible) soit par l’afflux des informations alarmistes à caractère général agissant fortement sur l’imaginaire.
Si en plus on y ajoute des problèmes personnels préexistants que je viens de citer, nous avons une situation à forte probabilité du repli sur soi, ne serait-ce que temporel.

Comment les réseaux sociaux contribuent-ils à aggraver ce comportement en entreprise ?
Les fake news et les commérages sèment le trouble dans la communication déjà chaotique et peu compréhensible pour beaucoup de gens, et ce aussi bien au niveau global que celui de l’entreprise. 
En plus, les réseaux sociaux donnent aux utilisateurs un faux sentiment d’anonymat, d’où la profusion de tout type d’informations vraies et fausses dont le seul objectif est d’obtenir des clics. Et qu’est-ce qui attitre le plus le public ? Le sensationnel à forte charge émotionnelle. Une fois la peur et la suspicion installées, les réactions réelles cette fois-ci apparaissent, y compris le repli sur soi.

Comment y faire face ?
Je pense que le premier pas c’est d’observer attentivement l’attitude des gens : les collaborateurs, les collègues et même la hiérarchie. 
Humainement, personne n’est à l’abri. Si nous repérons un repli sur soi inhabituel pour quelqu’un, et qui dure sur une période prolongée, il faut en parler ouvertement pour bien saisir les raisons de cet état de choses et y remédier. Sur le plan collectif, non seulement en situation de crise, mais en amont, c’est la vision bien claire et bien communiquée qui peut rassurer les gens. Consacrer le temps à ce dialogue est crucial pour prévenir que les attitudes du repli s’installent. 
D’ailleurs, quelle que soit la situation, communiquer sur une difficulté passagère, compréhensible et justifiée n’est pas un signe de faiblesse, mais une preuve d’auto-conscience, de force et d’authenticité. 

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