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Le dirigeant leader pour redynamiser l’entreprise

La crise économique perdure et continue d’engendrer une situation complexe à plusieurs niveaux. Dans leurs tentatives de relance, les acteurs économiques sont contraints de revoir leurs stratégies de base et se réinventer. Les entreprises doivent redonner un sens au travail et mobiliser les collaborateurs en leur permettant une montée en compétence pour qu’ils soient capables de créer de la richesse et dynamiser le marché de l’emploi. Éléments de réflexions avec Jamal Belahrach, CEO Deo Conseil, président de la fondation Jobs For Africa, invité de L’Info en Face et Matin TV.

Alors que les indicateurs de la relance économique commençaient à virer au vert, les dernières hausses des cas de la Covid-19 font craindre un retour en arrière et un affaiblissement de la dynamique de reprise. En dépit de cette situation, les plans de sauvegarde du tissu économique, lancés à plusieurs niveaux, laissent apercevoir une légère reprise en ce dernier trimestre. Aujourd’hui, force est de constater que bon nombre d’entreprises sont en train de reprendre des couleurs et s’en suit donc la création de certains emplois, ce qui est un bon signe en soi, mais c’est loin de rattraper le rythme des pertes d’emplois et c’est ce qui engendre la situation de crise actuelle.
Les derniers chiffres du Haut-Commissariat au Plan (HCP) le confirment. La situation du marché du travail au premier trimestre 2021 continue de subir les effets de la crise qu’a vécue l’économie nationale durant l’année 2020. Elle a été essentiellement marquée par la hausse du chômage et de l’inactivité, particulièrement parmi les femmes et les jeunes. Avec une hausse de 242.000, dont 185.000 en milieu urbain et 57.000 en milieu rural, le volume du chômage a atteint 1.534.000 personnes au niveau national. Le taux de chômage est passé de 10,5 à 12,5% au niveau national, de 15,1 à 17,1% en milieu urbain et de 3,9 à 5,3% en milieu rural. Il a enregistré une forte hausse parmi les femmes, de 14,3 à 17,5%, parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans, de 26,8 à 32,5%, et parmi les diplômés, de 17,8 à 19,8%.

Selon Jamal Belahrach, CEO Deo Conseil, président de la fondation Jobs For Africa, il y a bien des «prémices d’une reprise économique en regard de ce que nous produisons en termes de PIB et comment il a évolué par rapport au semestre précédent». «Ça, c’est factuel», confirme-t-il. Cependant, l’invité de L’Info en Face a émis une réserve en admettant que la dynamique entreprise par l’État pour créer les conditions d’une vraie relance peine encore à démarrer. «Je pense qu’on verra cette dynamique en septembre et que l’Impact ne peut avoir lieu qu’en 2022. Cela coïncidera avec les élections législatives et la formation du futur gouvernement. Il est donc difficilement envisageable que l’on puisse voir émerger un plan d’action d’accompagnement économique dans le cadre d’une relance qui est nécessaire et dont l’impact ne sera malheureusement que pour 2022. Nous espérons que cette année 2022 soit pleine de référence, pour pouvoir se développer et créer les conditions de la richesse, pour créer de l’emploi.»
Relance économique, oui, mais il est également primordial de penser au modèle de société. C’est un élément indissociable du développement de notre pays. «Pour moi, c’est intrinsèque. C’est d’abord le contrat social qu’il faut définir avant de définir le modèle de développement», explique M. Belahrech convaincu qu’il n’y a pas de progrès économique sans contrat social, et pas de progrès social sans progrès économique. L’autre grande problématique soulevée par le CEO de Deo Conseil est la difficulté à entreprendre et à encourager les entrepreneurs, notamment dans le secteur du numérique où le Maroc accuse beaucoup de retard. «Le problème des Marocains, et notamment des industriels, c’est qu’ils veulent qu’on vienne taper à leur porte avec du business. Non ! il faut créer le marché. C’est ce qui se passe notamment avec ces jeunes startups qui sont en train de se développer.» L’idée donc selon l’invité de L’Info en Face est d’oser créer le besoin, et donc un nouveau marché pour développer le business, et par conséquent, il y aura de nouvelles opportunités d’emploi.

Est-ce que les entreprises, et les chefs d’entreprises ont compris les enjeux en matière de transformation, de rupture et de réadaptation ?
Pour sauver les emplois, un autre élément est à surveiller au niveau même des entreprises. Il s’agit de la nécessité pour les chefs d’entreprises de s’adapter avec ces changements de paradigmes qui s’opèrent déjà aujourd’hui et qui le seront toujours demain, et d’une manière beaucoup plus féroce. «Les gens ont repris le business comme avant, alors que ce n’est pas possible !», s’étonne Jamal Belahrech allant jusqu’à estimer que «reprendre la vie aujourd’hui comme avant est juste criminel». Les dirigeants sont les premiers concernés et doivent prendre conscience de l’importance de ce contexte. «Aujourd’hui, il faut réinventer les organisations, il faut remobiliser des collaborateurs, il faut les réengager pour qu’ils aient envie de revenir au travail. Il faut revoir leurs compétences. Aujourd’hui, la révolution numérique va mettre à plat un certain nombre d’organisations parce que leur business model va changer et certaines compétences vont devenir obsolètes», répond l’invité de L’Info en Face. Pour lui, la pandémie représente une réelle opportunité pour les entreprises de se réinventer et remobiliser leurs équipes autour d’un nouveau projet. Mais comment opérer cette mobilisation ? C’est l’heure de donner tout son sens au travail d’équipe et de donner un sens au travail. «J’invite l’ensemble des dirigeants à trouver du temps pour prendre du recul et réfléchir», dit-il avant d’insister que «ce n’est pas un choix, mais une nécessité absolue pour les dirigeants de prendre du recul pour réfléchir leur projet d’entreprise et le corriger à l’aune de ce que nous venons de vivre.» En somme, les dirigeants sont aujourd’hui devant le défi de repenser leurs stratégies et surtout remobiliser des collaborateurs. «Je rappelle que nous avons un tissu économique relativement faible, dont 95% de PME-PMI. Les grosses boites, peu ou prou, auront la capacité de se réorganiser, mais ce n’est pas aussi simple pour les petites structures», explique l’ancien président de la commission d’emploi et relation sociale à la CGEM.
Toujours alarmant, M. Belahrech tient à rappeler que le chômage touche les jeunes de plein fouet nombre de jeunes, que le taux d’activité des femmes est extrêmement faible et que les indicateurs sont toujours au rouge. «Le travail des jeunes et des femmes est un sujet d’une extrême importance pour une économie comme la nôtre qui espère arriver à un PIB de 6%», s’écrie le responsable.

Quel impact Covid sur le recrutement ?
La tendance actuelle est de limiter les recrutements, répond Belahrech. Mis à part les métiers liés à l’offshoring et au numérique, les entreprises sont sur une tendance plutôt de limiter les recrutements dans le cadre d’une approche de «cost-killing».
La crise économique est lourde, mais, pour ne pas accentuer les dégâts, «toute entreprise est appelée à accompagner ses salariés pour monter en compétences ou à changer d’orientation pour les garder dans le flux du marché du travail et non pas les mettre de côté parce que de l’autre côté, c’est la hausse du chômage.» Il faut le rappeler, en 2020, le Maroc a perdu officiellement, plus de 700.000 emplois détruits. Un chiffre que l’invité appelle à revoir, car, dit-il, il ne concerne que les personnes déclarées à la CNSS et rien que pour le secteur du tourisme, on parle de 1 million d’emplois perdus. Ces chiffres pourraient encore s’aggraver en 2021, parce que d’une part la crise continue, et de l’autre le risque pour certaines entreprises qui n’ont pas su se réorganiser et se restructurer, de disparaitre.
«Il faut que les entreprises et l’ensemble du tissu économique se restructurent, prennent langue avec le militantisme et apportent une contribution à l’amélioration de l’environnement des affaires», insiste Jamal Belahrech qui appelle à s’engager dans un dialogue social 2.0 et une réflexion autour d’un nouveau pacte de confiance.

Les jeunes face à la crise de l’emploi
Une situation économique compliquée, une crise qui dure et ce sont les jeunes diplômés qui payent le prix. L’invité de L’Info en Face affirme à ce sujet que, dans les meilleurs des cas, notre économie crée près de 100.000 emplois, 200.000 diplômés en âge de travailler arrivent chaque année sur le marché du travail, près 200.000 jeunes diplômés arrivent sur le marché du travail, sans oublier les décrocheurs scolaires, on arrive donc à quelque 500.000 à 600.000 demandeurs d’emploi contre 100.000 emplois créés. Les chiffres sont alarmants !

L’entreprise a besoin de plus de leaders que de patrons !
Face à cette réalité, l’entreprise a un rôle majeur à jouer dans la montée en compétence du collaborateur et dans la redynamisation du marché du travail à travers la formation. Dans cette adéquation, l’État a certes son rôle à jouer en sa qualité de régulateur, mais l’entreprise se doit également de créer de la richesse, de la valeur et d’innover. «Le chef d’entreprise doit sortir de la verticalité. Nous avons plus de patrons que de leader dans ce pays. L’économie a besoin de leaders capables de manager de manière horizontale, qui donnent le cap, qui mobilisent leurs collaborateurs et qui les inspirent», indique-t-il. Et de conclure que ces leaders existent au Maroc, il faut juste les stimuler et les laisser émerger.

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