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Les DSI marocaines entre l’impact des technologies numériques et l’effet Covid

Les Directions des systèmes d’information (DSI) marocaines ont été placées sous la loupe de l’Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc (Ausim) et ses partenaires, avec comme toile de fond la crise de la Covid-19 et la transformation numérique. Les constats qui s’en dégagent sont susceptibles d’apporter des éléments de connaissance sur les évolutions, les défis et les projections de cette fonction de plus en plus stratégique pour l’entreprise.

Les DSI marocaines entre l’impact des technologies numériques et l’effet Covid
Ph. Shutterstock

La crise de la Covid-19 a été un véritable stress test pour les systèmes d’information des entreprises, interrogeant leur capacité à faire face aux nombreux défis imposés par le nouveau contexte. La DSI s’est retrouvée ainsi en première ligne, contrainte d’agir dans l’urgence pour permettre à l’entreprise d’assurer la continuité des activités et garantir l’efficacité d’une nouvelle organisation de travail tout en respectant les contraintes budgétaires.
Sur le plan technologique, les DSI étaient relativement bien préparées et la crise n’a fait qu’accélérer un processus de transformation numérique déjà entamé depuis plusieurs années. Cette tendance globale se vérifie aussi au Maroc d’après les constats qui se dégagent de la dernière enquête de l’Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc, menée en janvier 2021 auprès des professionnels IT d’une centaine d’entreprises, en collaboration avec Dell Technologies et BearingPoint.
Par contre, sur le plan budgétaire, la maîtrise des coûts a représenté un défi majeur pour les DSI marocaines. Celles-ci ont été confrontées à une épineuse équation : continuer à investir dans l’accélération des projets stratégiques tout en optimisant les coûts.
Selon les chiffres dévoilés par l’enquête, 36% des entreprises ont prévu de maintenir leurs budgets IT en 2020 et 35% parmi elles ont décidé de les réduire alors que 28% ont déclaré envisager de dépenser davantage.
Les réductions de budget sont plus importantes chez les petites et moyennes entreprises, souligne le baromètre, précisant que 68% des acteurs du secteur financier, industriel, de distribution et d’enseignement ont maintenu ou augmenté leurs investissements IT au cours de cette année en comparaison avec les prévisions.
«Avec un contexte de crise s’installe plus fortement un challenge budgétaire. Et cela a été le cas pour nous au sein du Groupe. Mais d’un autre côté, cela nous a permis de faire ce que j’appelle de l’innovation pragmatique. Nous avons travaillé sur des projets qui étaient essentiels en cette période de crise, des projets à court terme à fort ROI», témoigne Meriem Berrada, responsable du Digital Innovation Lab chez l’OCP.
En effet, l’enquête a noté chez les répondants cette même volonté de maîtriser le budget IT par l’investissement dans les chantiers prioritaires au regard de la crise. Quelles sont donc 
ces priorités ?
D’après 85% des sondés, assurer la continuité d’activité par les utilisateurs des applications SI vient en tête des priorités des DSI, juste avant la mise à disposition d’outils collaboratifs (84%). Arrivent ensuite les chantiers de transformation digitale (78%), les projets SI (77%) et le stockage (67%).
S’agissant du volet d’exploitation IT, l’attention s’est concentrée de manière très forte sur les réseaux et sécurité (81%), les dépenses de matériels et infrastructures (77%) et de logiciel (76%), indique l’enquête.
Gouvernance : qui tire les ficelles ?
Le baromètre de l’AUSIM s’est également intéressé à la participation des DSI dans la prise de décisions budgétaires impactant les investissements IT. Il en ressort que la DSI n’est pas seule aux commandes, mais elle n’en reste pas moins fortement impliquée dans la prise de ces décisions.
Dans le détail, l’enquête a identifié quatre structures de gouvernance qui émergent à travers les réponses des entreprises interpellées :
• Une structure hybride où les décisions se prennent conjointement par la Direction générale (DG) et la DSI. Elle concerne près de la moitié des répondants (43%).
• Une structure où la DG accapare ce genre de décisions (26% des sondés).
• Une structure où la Direction administrative et financière se joint à la DG et à la DSI dans la prise de ces décisions. Elle est beaucoup moins présente et concerne seulement 17% des entreprises interrogées.
• Une structure où la DSI est la principale entité décisionnaire (14% 
des répondants).
«Ces structures de gouvernance dévoilent des modèles de relations différenciés entre les directions de l’entreprise lorsqu’il s’agit de décider des investissements IT. Dans près de trois quarts des cas, la DSI reste le principal décisionnaire et sa position reste très significative aux côtés de la direction générale», souligne le document. 


Leader technologique, le nouveau rôle de la DSI

Avec la transformation digitale qui a exacerbé davantage les besoins et les attentes, la DSI a vu forcément son rôle évoluer. La DSI traditionnelle a tendance à s’effacer pour laisser place une DSI plus en phase avec les attentes des équipes et du métier de l’entreprise, mais pas uniquement. La fonction est désormais dotée d’une mission d’innovation technologique.
En effet, pour 48% des professionnels sondés, la DSI joue désormais un rôle de «leader technologique»
«Les DSI marocaines apparaissent très disposées au digital et se voient plutôt comme des ambassadeurs du numérique. La technologie est perçue comme une opportunité pour assouplir les processus en interne, soutenir la croissance et asseoir sa position sur le marché. Elle apparaît moins comme la direction qui s’adapte, mais comme celle qui déclenche et facilite le changement tant en interne qu’en externe», explique le baromètre.
Pour 43% des répondants, la DSI est plutôt un partenaire métier avec des objectifs orientés vers la réponse aux demandes, l’efficacité commerciale et la productivité.
Seuls 9% ont indiqué que la DSI est restée cantonnée dans son rôle traditionnel de fonction support avec une logique de client/fournisseur, principalement focalisée sur le maintien de l’exploitation et la réduction des coûts.
Selon les analystes, «ce postulat indique le besoin d’aller d’une maîtrise budgétaire à une création de valeur au sein de l’entreprise, mais n’enlève pas de légitimité à l’importance d’une réduction de coût pour une DSI au Maroc».


La sécurité, principale préoccupation

Pour la grande majorité des professionnels sondés (86%), la sécurité constitue le critère majeur qui intervient dans le choix des nouvelles technologies à adopter au sein de l’entreprise. Quelque 65% des répondants désignent la capacité d’intégration et 61% la performance. Seuls 30% citent la capacité à installer On-Premise et 23% les compétences techniques requises.
La sécurité figure également en bonne place dans la liste des avantages recherchés par les DSI à travers l’implémentation de nouvelles technologies. En effet, elle a été citée par 67% des DSI marocaines interrogées, pas très loin de l’amélioration des processus (73%) et de l’économie de coûts (70%). La liste des avantages comprend également une meilleure utilisation de la donnée (62%), l’automatisation (61%), le support à la prise de décision (58%), les nouveaux services à la clientèle (42%) et la transparence accrue (37%).


Le Cloud, LA tendance Tech

De par son rôle d’intégrateur de nouvelles technologies, la DSI se doit être à l’affût des tendances à même d’optimiser ses performances et celles de l’entreprise. L’enquête démontre d’ailleurs qu’une bonne partie des DSI marocaines (54%) sont pleinement dans ce rôle et ont déjà intégré les solutions Cloud. À cette proportion s’ajoutent 14% des répondants qui affirment que le processus est en cours de développement ou de mise en place ainsi que les 26% qui comptent l’implémenter dans 1 à 5 ans.
L’enquête précise que la majorité des répondants bénéficie aujourd’hui de prestations d’hébergement de services que ce soit au niveau national (63%) ou international (53%) voire même aux deux niveaux (29%).
Cependant, seul le Cloud reste la technologie la plus adoptée et la plus importante pour les DSI et, dans une moindre mesure, la Data Analitycs.
En effet, la Data Analytics arrive en seconde position des nouvelles technologies adoptées ou en cours d’adoption, avec près de la moitié des répondants qui l’ont déjà implémenté ou sont en train de le faire et près de 13% qui comptent l’implémenter dans l’année à venir.
Par contre, la majorité des répondants déclarent n’avoir ni stratégie data (55%), ni gouvernance des données (54%), ni modèle de gestion de la qualité des données (63%), et encore moins une plateforme open data (74%).


Les compétences IT, une quête difficile

D’après les constats de l’enquête, le recrutement des ressources compétentes donne du fil à retordre à nos DSI. En effet, les répondants déclarent majoritairement éprouver des difficultés à recruter des compétences IT, principalement en raison de la rareté des profils adéquats, comme l’indiquent 48% d’entre eux. Les autres raisons invoquées sont en rapport avec les salaires très élevés (34%), le turnover trop important (22%) et l’inadéquation entre la formation des candidats et les besoins de l’entreprise (19%).
Interrogés sur les profils IT difficiles à dénicher, les sondés ont cité les développeurs web et mobile (31%), les experts fonctionnels (29%), les Data Scientists (27%), les architectes IT et Cloud (25%) ainsi que les ingénieurs systèmes réseaux (24%).


Questions à Lhoussaine Drissi Kamili, directeur du Pôle systèmes d’information groupe chez le Crédit Agricole du Maroc, trésorier adjoint Ausim

«Au cours de la crise sanitaire de la Covid-19, l’agilité dont ont fait preuve les entreprises marocaines nous donne confiance en notre capacité à réussir cette transformation»

Management & Carrière : On assiste aujourd’hui à l’émergence de la fonction transverse de la DSI, qui peut participer aux choix stratégiques des entreprises. Quels sont les principaux défis à relever à l’ère du digital ?
Lhoussaine Drissi Kamili
: Nous vivons aujourd’hui une période exceptionnelle. En effet, grâce à la digitalisation, le monde se transforme devant nos yeux, que ce soit pour les individus, les communautés, ou les organisations, voire les pays.
La digitalisation devient un enjeu vital pour les entreprises. Ainsi, quel que soit le secteur d’activité, les entreprises qui ne se transforment pas sont fortement pénalisées, voire vouées à disparaître.
Quelques exemples : dans le secteur du tourisme, la location de particulier à particulier (Airbnb…) fait de l’ombre à l’hôtellerie classique. Les sites de réservation en ligne ont remplacé les agences de voyages physiques. Dans les médias, la télévision cède de plus en plus la place aux plateformes de vidéo en streaming (Netflix, YouTube, etc.), l’achat de musique se fait désormais via Spotify ou Deezer et les journaux papier subissent les lois d’Internet. La grande distribution se trouve menacée par Amazon. Quant au transport, il est marqué par l’importance grandissante du covoiturage… je vous laisse réfléchir aux services financiers ou encore à l’éducation.
Cette rupture ne se limite pas à la Chine, aux États-Unis ou aux pays européens. Des changements importants se sont déjà installés au Maroc, avec l’adoption de nouvelles habitudes de consommation : développement du e-commerce, livraison à domicile, lecture de contenus en ligne, administration en ligne (passeport, permis…) ou encore services bancaires sur mobile…
Au cours de la crise sanitaire de la Covid-19, nous avons davantage pris conscience de la criticité de la transformation digitale. De plus, l’agilité dont ont fait preuve les entreprises marocaines nous donne confiance en notre capacité à réussir cette transformation.
Au sein des organisations, le DSI (directeur des Systèmes d’informations) a la charge de mettre en place les solutions informatiques permettant à l’entreprise d’être performante. Les solutions couvrent l’ensemble des fonctions et services internes et externes de l’entreprise : Finances (comptabilisation, recouvrement, trésorerie…), gestion de l’entreprise (ressources humaines, achats, logistique, collaboration…) ou encore marketing et fonction commerciale.
De plus, le DSI digital doit désormais développer sa capacité à être porteur de la nouvelle culture digitale, d’abord au sein de son équipe, puis au niveau de l’ensemble de l’entreprise.
Ce changement culturel inclut des approches itératives en mode «Test and Learn», une forte orientation client avec le souci de l’amélioration des parcours clients, et l’adoption des démarches de travail agiles qui permettent d’ajuster rapidement les produits et services selon les retours des utilisateurs.
Par ailleurs, les nouvelles technologies susceptibles de créer de la valeur doivent être adoptées (Développement mobile, communication multicanal, IOT (Internet des objets), Blockchain), en accordant une attention forte à la sécurité et la valorisation des données (Big Data & Data Analytics). Ainsi, si la transformation digitale est une opportunité précieuse pour l’entreprise de revoir son business model et sa stratégie, elle nécessite une transformation interne importante où le DSI a un rôle central de business partner pour imprégner l’ensemble des entités de l’entreprise par la culture digitale.

À votre avis, quelle architecture doit avoir la DSI pour s’adapter aux évolutions du marché ?
La capacité à mettre sur le marché des produits et services dans des délais courts est, sans doute, un des enjeux majeurs d’une entreprise digitale. Une compétition féroce oppose aujourd’hui les acteurs de chaque marché pour communiquer en premier sur un nouveau produit ou service afin d’offrir l’expérience client la plus aboutie et renforcer une image digitale.
Afin d’accélérer la mise en place des services digitaux, certaines entreprises choisissent de mettre en place une digital factory qui collabore avec la DSI pour produire des solutions digitales. D’autres entreprises, ont choisi de moderniser leur DSI pour en faire des DSI Digitales.
Chacune des deux options présente des avantages et des limites, tirés par la nécessité de développer les services rapidement, celle de préserver la cohérence de toutes les données et solutions informatiques (digitales ou pas) et enfin, celle de constituer une équipe informatique et digitale performante qui peut accompagner le développement du business. Le choix le plus adéquat pour chaque entreprise dépend de son contexte.

Pensez-vous que cette fonction prend toute sa place dans la stratégie future de l’entreprise ?
Sans généraliser à l’ensemble des secteurs, il me semble qu’au Maroc, la DSI Digitale se positionne de mieux en mieux pour contribuer de manière efficace à la vie de l’entreprise. En effet, certaines entreprises, qui ont avancé dans leur transformation digitale, ont pris la mesure du SI digital dans leur stratégie, et ont ainsi accordé un rôle exécutif au dirigeant spécifique du SI & Digital. Un autre indicateur pertinent de l’influence de cette fonction réside dans le nombre de plus en plus important de profils qui ont piloté avec succès les systèmes d’information et qui ont évolué par la suite vers des responsabilités de direction générale. 


DSI, quels défis ?

Pour résumer, Lhoussaine Drissi Kamili estime que «les défis du DSI sont multiples. Il doit développer une relation forte avec les directions métiers, être porteur de la culture digitale, et facilitateur de sa mise en place. Il doit accompagner ce changement important au sein de son équipe tout en assurant la continuité de l’activité et la production des solutions digitales et informatiques».


Les recommandations de l’expert

«La fonction SI & Digital couvre un périmètre bouillonnant en nouveautés et innovations. En cela, il est riche, intéressant, et même passionnant. Au sein de l’Ausim nous avons lancé plusieurs programmes et avons produit plusieurs livrables pour permettre à nos membres de se retrouver, d’apprendre et d’échanger ensemble. En cela, nous participons à améliorer la maturité des DSI membres. Il est important de rappeler que l’association est ouverte aux entreprises de toute taille de la PME à la Grande Entreprise».


Ausim Maroc : carte de visite

L’Ausim est une association à but non lucratif créée en avril 1993. Elle œuvre activement dans l’esprit de développer et de vulgariser l’usage des technologies de l’information et du digital au Maroc. La vision «Disrupt» de l’Ausim est, entre autres, de dynamiser l’utilisation du digital à travers les actions que l’Association entreprend dans l’écosystème IT, Identifier et accompagner les PME, afin d’adopter le digital comme levier de développement, Transformer les innovations des startups et universités en Proof Of Concept…


Paroles de professionnels

Nadia Nahil, DSI au ministère de l’Équipement, du transport de la logistique et de l’eau

«Le SI peut jouer un rôle très important dans l’optimisation de la gouvernance des structures. Dans ce sens, la DSI se présente comme un partenaire des stratégies plurielles de l’organisation. La direction doit être présente dans les instances de gouvernance du ministère (comités interministériels, pilotage...) pour donner conseil et collaborer.»

Jalal Benhayoun, directeur général de PortNet

«Cette transition était accompagnée d’une montée de task force pour assister les utilisateurs dans l’usage des outils en ligne (Webex, Teams, Google Apps, configuration des VPN...), et ce, dès l’adoption du télétravail.
Les méthodologies de travail ont profondément changé (débriefs matinaux, réunions de suivi en mode agile, exploitation des outils de collaboration, basculement des partenaires technologiques marocains vers les SI internes ...) ce qui a nécessité une mobilisation en mode agile.»

Dossier réalisé par Mounia Senhaji & Najat Mouhssine

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