Menu
Search
Samedi 27 Juillet 2024
S'abonner
close
Samedi 27 Juillet 2024
Menu
Search

Aïd Al Fitr, le couronnement d’un mois de jeûne et de recueillement

Pour la deuxième année consécutive, les musulmans du monde passent un Ramadan exceptionnel et un Aïd Al Fitr inédit. Mais bien que la pandémie impose une nouvelle manière de célébrer cette fête religieuse, elle garde toujours tout son sens dans le cœur et l’esprit des musulmans, car elle symbolise le couronnement d’un mois de jeûne et de recueillement.


Aïd Al Fitr, une symbolique et un esprit qui dépassent les restrictions

Le Maroc et le monde arabe et musulman célèbrent la fête d’Al Fitr (fête de la rupture du jeûne). Marquant la fin du mois sacré du Ramadan, cette fête, également appelée «Aïd Sghir, par opposition à Aïd Lekbir, ou fête du sacrifice, intervient une nouvelle fois dans un contexte difficile et inédit. En effet, comme l’année dernière, la célébration de Aïd Al Fitr est conditionnée par les mesures de restriction sanitaire liées à la pandémie de la Covid-19. Mardi dernier, le ministère des Habous et des affaires islamiques a annoncé que dans le cadre des mesures préventives, il a été décidé de ne pas accomplir la Prière de Aïd Al Fitr dans les moussalas et les mosquées, en raison de l’affluence observée à cette occasion et des difficultés de garantir les conditions de distanciation. De plus, et toujours en raison des mesures de restriction des déplacements et la limitation des rassemblements, les retrouvailles entre familles se limitent aux appels vidéo et aux échanges téléphoniques. Même avec la contrainte de l’éloignement physique, l’Aïd reste un moment fédérateur.

Ainsi, et malgré cette ambiance spéciale, les Marocains maintiennent les traditions liées à cette fête religieuse pour conserver son caractère symbolique perpétué de génération en génération. Une ambiance qui reste unique et que ni le temps, ni les traquas de la vie n’ont pu altérer. En effet, les préparatifs de cette fête commencent au préalable avec des rituels bien ancrés dans la tradition marocaine. Ainsi, tout au long des dix derniers jours du mois sacré du Ramadan, les mères de famille se mobilisent pour confectionner les gâteaux marocains les plus célèbres, tels que les «Cornes de gazelle» et la «Ghrieba», qu’on trouve sur toutes les tables des foyers marocains, le jour de l’Aïd.


Il était une fois, Aïd Al Fitr, une fête de rassemblement

Depuis toujours, Aïd Al Fitr, en plus de sa symbolique religieuse, est la fête des rassemblements par excellence. Et si on garde tous l’espoir de revenir à un rythme de vie normale, on ne peut pas s’empêcher de nous remémorer l’ambiance de Aïd de l’avant-Covid. Décidé après l’observation du croissant lunaire, Aïd Al Fitr est un moment communautaire privilégié. C’est une occasion propice pour les retrouvailles familiales et les rencontres amicales, de plus en plus rares à cause des occupations diverses et des contraintes quotidiennes.

Si les musulmans du monde entier célèbrent Aïd Al Fitr, c’est parce que, comme tous les Ramadans, le mois est chargé de symboles. Si le jeûne de tous les jours pendant ce mois sacré renforce le recueillement dans la solidarité et la foi commune, des dates viennent rappeler, à leur tour, des moments forts dans la lumineuse histoire de l’Islam. La bataille de Badr et la Nuit du destin sont des moments forts qui consolident les liens et facilitent le rapprochement entre les individus et les communautés. Aïd Al Fitr est de ce fait le couronnement de tout un mois d’efforts inhabituels. Les rites qui accompagnent la célébration de Aïd Al Fitr versent tous dans l’extériorisation, la liberté, le pardon, la joie et le rapprochement.

Tous ces sentiments se traduisent par le fait que les musulmans, après la prière d’Al Aïd, se dirigent vers leurs proches, échangent les vœux, oublient les querelles et les différends et saisissent l’occasion pour renouer avec le prochain. D’où, les gâteaux et autres sortes de pâtisseries fines soigneusement préparés par la maîtresse de maison et généreusement offerts aux invités. L’expression de la joie et de la liberté, pendant cette courte période appelée «Lâwacher», se traduit aussi par le port d’habits neufs, un rituel apprécié surtout par les enfants.

Ces attitudes sont tellement ancrées dans nos traditions que, société moderne ou archaïque, famille nombreuse ou nucléaire, le pardon, le recueillement, l’effort du don et le rapprochement caractérisent remarquablement les fêtes religieuses et, en premier lieu, Aïd Al Fitr.


Témoignages

Mohamed, étudiant

«On aime beaucoup cette fête, mais malheureusement, nous sommes en train de la vivre d’une manière très différente ces deux dernières années. J’espère de tout mon cœur que l’on n’aura pas à revivre ça l’année prochaine, nous avons besoin de retrouver notre rythme de vie normal.»

Hakima, mère au foyer

«J’avais l’habitude de recevoir toute ma famille le jour de l’Aïd, on passait la journée ensemble et on se réunissait autour de plats délicieux et variés. Je n’aurais jamais pu imaginer vivre une fête loin de ma famille et mes proches, mais nous sommes obligés de respecter les mesures sanitaires pour notre bien à tous.»


La zakat, l’heure est à la générosité

Zakat Al Fitr, aumône de la rupture du jeûne, est une sunna dont doit s’acquitter tout musulman. Ce don légal, qui est cité dans plus de 80 versets du Coran, permet à chacun de renouer avec la solidarité et de ne pas oublier son prochain.

Instituée selon une mesure bien déterminée que chaque musulman doit verser avant d’aller à la prière de Aïd Al Fitr, la Zakat revêt en général un rôle social de premier plan. Elle contribue de ce fait à corriger certaines situations socio-économiques et ancrer la pratique islamique dans l’âme et l’esprit de tout croyant. Le prophète Sidna Mohammed a clarifié, par l’acte et la parole, tout ce qui a trait à cette aumône purificatrice. Elle est en fait appelée ainsi parce qu’elle correspond à la fin du mois du Ramadan et donc du jeûne. Elle est instituée pour purifier chaque croyant de tout ce qui aurait pu entacher son jeûne, tels que des propos obscènes ou des écarts de conduite, et de subvenir aux besoins des pauvres durant les jours de la fête de l’Aïd. Elle est obligatoire pour chaque tuteur musulman (père de famille), pour lui et pour ceux qui sont à sa charge.

Il est préférable que la zakat soit versée avant Aïd Al Fitr, soit deux ou trois jours avant le jour de la fête. Elle doit être donnée au musulman libre et pauvre, mâle ou femelle et non au riche et au mécréant. La Zakat consiste à offrir un «Saâ» d’orge ou de blé par personne en fonction de la consommation de la population, soit l’équivalent de 2,5 kg, notant qu’il est possible de s’acquitter de la Zakat trois jours avant Aïd Al Fitr. Cette année, le montant a été fixé par le Conseil supérieur des oulémas à 15 DH par personne. Toutefois, toute personne peut s’acquitter d’un montant ou d’une quantité supérieurs si elle en a les moyens.

À noter que depuis 2017, le montant de la Zakat, qui variait selon les régions, était unifié sur tout le Maroc.


N’oublions pas 2009 !

Oui, bien avant cette pandémie de la Covid-19, l’on se rappelle d’un certain Aïd Al Fitr célébré sous haute surveillance. En effet, en 2009, alors que le monde faisait face à l’épidémie du H1N1, survenait la célébration de cette même fête religieuse qui avait nécessité d’importantes mesures sanitaires. Certes, la dangerosité de l’épidémie du H1N1 n’a rien à voir avec la situation inédite que nous vivons face à la pandémie de la Covid-19, néanmoins, le 21 septembre 2009, plusieurs pays avaient renforcé les mesures sanitaires pour prévenir une éventuelle propagation de la grippe H1N1.

Au milieu de cette ambiance de fête, qui coïncidait avec le retour des pèlerins, les autorités des pays concernés gardaient un œil attentif sur le risque de propagation du virus. Ainsi, en Égypte, les fidèles avaient été invités à prier chez eux plutôt que de se rendre dans des mosquées bondées. À l’aéroport du Caire, le retour en quelques jours de 115.000 pèlerins d’Arabie saoudite est sous étroite surveillance, tandis que tous les établissements scolaires ont été momentanément fermés. En Jordanie, des responsables religieux et la presse avaient appelé la population à éviter les embrassades. En Indonésie, les autorités avaient installé des détecteurs de fièvre à l’entrée de certains édifices. En France, où le virus H1N1 progressait de façon inquiétante, il a été décidé, et c’était une première, de retransmettre la cérémonie de prière à la Mosquée de Paris en direct à la télévision.


Les vêtements de l’Aïd pour enfants, une tradition préservée depuis des générations

  

Ph. Sradni

Aïd Al Fitr occupe une place particulière chez les musulmans en général et les Marocains en particulier. C’est une journée spéciale qui met un terme à un mois de jeûne, où les sens, les appétits et l’endurance avaient été mis à l’épreuve. Bien qu’au fil des années, de nombreuses habitudes ont changé, les Marocains font leur possible pour s’accrocher aux traditions transmises de génération en génération comme celles d’offrir aux enfants de beaux vêtements neufs le jour de l’Aïd.

Durant le mois du Ramadan, les magasins de vêtements pour enfants sont pris d’assaut par les parents qui sont à la recherche de la tenue qui ravira leurs enfants le jour de la fête. Et ce ne sont pas les mesures de restriction sanitaire ou le couvre-feu qui les empêchera de trouver la perle rare. «C’est toujours un véritable bonheur de chercher les vêtements de l’Aïd pour les enfants. Nous, les parents, sommes souvent, plus enthousiastes que les enfants à l’idée d’acheter les fameux habits de l’Aïd», souligne Houria, maman de trois enfants. Et d’ajouter «Malheureusement, à cause des mesures de restriction sanitaire, nous ne pouvons pas sortir le soir après le ftour. Du coup, nous n’avons pas le choix, il faut absolument faire le shopping au cours de la journée, ce qui ne nous a pas facilité la tâche. Tout le monde cherche des vêtements pour ses enfants durant cette période et c’est la grande pagaille dans les magasins. Pour trouver une jolie tenue pour mes trois enfants, j’ai dû sortir trois fois. C’était vraiment très fatigant».

En effet, pendant tout le mois du Ramadan, les magasins de vêtements pour enfants au niveau des grands centres commerciaux étaient bondés dès les premières heures du matin. Les parents et leurs enfants envahissent les principales enseignes du prêt-à-porter des tout petits à la recherche de la tenue de leur rêve. Ces boutiques se transforment en véritable souk ; les gestes barrières ne sont plus respectés, même les essayages qui sont interdits se font hors cabine d’essayage au vu de tout le monde. «Les personnes qui travaillent dans les magasins de vêtements pour enfants ont beaucoup galéré durant ce mois du Ramadan. En plus du jeûne, il a fallu gérer la clientèle qui, non seulement était nombreuse, mais surtout agitée et incontrôlable. Nous avons des consignes strictes pour faire respecter les mesures de restriction sanitaires, mais face au grand nombre des clients, cela était juste impossible. Sans parler des vêtements qu’il fallait plier et ranger des dizaines de fois chaque jour», déplore Marouane, vendeur dans un magasin au Morocco Mall à Casablanca.


Une aubaine pour le tourisme local, mais…

Les opérateurs touristiques voient dans cette fête une occasion d’enclencher la relance du secteur touché de plein fouet par la crise. Cependant, et compte tenu des restrictions sanitaires en vigueur et des limitations des déplacements entre les villes, les opérateurs restent dans le flou et espèrent une légère levée du confinement et du couvre-feu, ce qui représente une issue de secours pour le secteur. Et même en pleine confusion, certains établissements ont imaginé des offres adaptées à l’événement et à la clientèle marocaine. Mais force est de constater que la demande ne suit pas et que ces jours chômés à l’occasion de Aïd Al Fitr ne profiteront pas beaucoup aux hôteliers.

Ph. Sradni


Qui dit Aïd dit gâteau de l’Aïd !

   

Même en plein confinement, on ne peut pas imaginer une table de ftour de Aïd Al Fitr sans gâteaux et mets spéciaux pour cette occasion. Durant les derniers jours du mois sacré, les boulangeries et pâtisseries ne désemplissent pas. Ces derniers innovent chaque année en proposant toujours de nouveaux modèles avec de nouveaux goûts pour attirer la clientèle. Et grâce à leurs pages sur les réseaux sociaux ainsi que les influenceurs qui leur font de la publicité, les boulangeries et pâtisseries réussissent à toucher de plus en plus de clients.

Toutefois, il y a toujours des personnes qui préfèrent préparer leurs propres gâteaux à la maison. Et grâce aux milliers de vidéos de recettes publiées chaque jour par les youtubeurs et youtubeuses, on ne peut pas dire qu’on manque d’idées. En effet, durant les dix derniers jours du mois sacré, les propriétaires des chaînes de cuisines consacrent cette période à la diffusion de recettes spéciales Aïd. Des vidéos qui expliquent en détail les étapes à suivre pour cuisiner nombre de plats et gâteaux pour le plus grand plaisir des internautes qui n’ont que l’embarras du choix. «Depuis que je me suis mariée, j’avais l’habitude d’acheter des gâteaux de la pâtisserie à l’occasion de l’Aïd. Mais depuis deux ans, j’ai commencé à préparer mes propres gâteaux à la maison grâce aux tutos sur YouTube. C’est facile, ça coûte moins cher et ça nous fait une bonne activité avec les enfants qui nous rappelle notre propre enfance quand toute la famille se réunissait pour préparer les gâteaux et mets pour la fête», confie Hanane, mère de famille.

Et pour répondre à la demande de plus en plus grandissante de personnes qui préparent les gâteaux pour la fête, mais aussi tout au long de l’année, de nombreux vendeurs d’épices se sont mis à vendre les ingrédients et ustensiles spéciaux. «Les gens suivent de plus en plus les vidéos de cuisine et de pâtisserie sur YouTube et viennent chercher les ingrédients qui leur faut pour réaliser ces recettes. Nous essayons de répondre à la forte demande en proposant de plus en plus de produits de pâtisserie, spécialement durant cette période où nous recevons énormément de clients», affirme Hassan, vendeur d’épices à Casablanca.


Témoignages

Hamid, employé

«C’est vrai que la célébration de l’Aïd a changé, mais il faut qu’on veille au maintien de l’esprit de cette fête si chère à nos cœurs. Personnellement, j’ai acheté des habits traditionnels pour mes enfants, j’appelle toute la famille à défaut de les voir et je ne cesse de rappeler à mes enfants nos traditions pendant ces jours.»

Fatima, enseignante

«J’essaye de garder les mêmes traditions pendant le jour de l’Aïd, comme ça on arrive à recréer la même ambiance que les années d’avant, mais tout en respectant les mesures sanitaires, car il en va de notre sécurité à tous.»

Hanane, Marocaine résidente en France

«Je comptais rentrer au Maroc pour passer l’Aïd en famille, mais malheureusement, je ne peux pas à cause des restrictions sanitaires. Je me contente donc de partager ce moment avec eux à distance, sans pouvoir goûter les délicieux repas de ma mère (sourire). Cette situation nous est imposée par la pandémie, on n’y peut rien, mais on prie Dieu pour que ce soit le dernier Aïd qu’on passe ainsi.»

Dossier réalisé par Souad Badri et Hajjar El Haiti

Lisez nos e-Papers
Nous utilisons des cookies pour nous assurer que vous bénéficiez de la meilleure expérience sur notre site. En continuant, vous acceptez notre utilisation des cookies.