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Le manager «spectateur» : Bonjour les conflits et les incertitudes !

Face à n’importe quelle situation, il y a deux manières d’agir : soit on s’implique dans les faits à la recherche d’une solution, soit on s’érige en spectateur passif. Il est clair que dans le management des équipes, cette deuxième attitude n’est point positive. Pis encore, un manager non impliqué dans le quotidien de son entreprise risque de devenir un pur étranger, empêchant le bon fonctionnement du travail. En tout cas, ce n’est pas pour rien qu’il est nommé manager : pour s’impliquer dans le travail de ses collaborateurs. Garant de la synergie et de la dynamique de ses équipes, «le chef d’orchestre» doit fédérer toutes les compétences autour d’un projet commun tout en veillant à maintenir le tissu relationnel. Un rôle qui doit être renforcé davantage en temps de changement et de crise. Le point avec Imane Hadouche, master-coach et comportementaliste.

Le manager «spectateur» : Bonjour les conflits et les incertitudes !
Un manager qui ne se positionne pas laisse la porte ouverte aux spéculations, aux suppositions, aux rumeurs, à la méfiance, aux doutes, à l’insécurité et aux conflits. Ph. Shutterstock

 

Conseil : Au lieu de s’impliquer directement dans les actions de leurs équipes, certains managers préfèrent se tenir en spectateurs. Qu’avez-vous à nous dire à ce propos ?
Imane Hadouche :
Précisons d’abord que le fait de mettre dans une seule phrase les termes «manager» et «spectateur» relève un dysfonctionnement quelque part, puisque l’essence même du rôle du manager et sa raison d’être en entreprise sont tout le contraire. Cela dit, on peut constater que le profil existe, et généralement il est plutôt lié à une situation limitée dans le temps. Cette posture de spectateur peut se déclencher face à quelques circonstances, par exemple, une situation de gestion de conflits dans les équipes, ou en phase d’accompagnement de changement majeur en entreprise. Et là aussi, on peut distinguer deux profils comportementaux totalement différents :
• Le profil du jeune manager : Il expérimente pour la première ou deuxième fois une situation dans son rôle de manager. Généralement, c’est un jeune manger qui manque encore d’expertise opérationnelle et exécutive, et complète sa formation académique par l’expertise opérationnelle, en expérimentant plusieurs situations dans le concret et de manière pratique. Cela permet justement d’enrichir sa maîtrise et de développer sa boîte à outils de manager. Cette posture de spectateur lui permet d’observer, de prendre le temps de scanner son environnement et d’en tirer des leçons, mais aussi d’acquérir un nouveau savoir-faire.
• Le profil du manager démissionnaire : Là il est important de distinguer 
deux profils totalement différents, notamment au niveau des intentions et de l’impact. D’abord, le manager démissionnaire écologique. Sa posture de spectateur est profondément liée à sa propre personnalité, généralement bienveillant, il évite au maximum les situations conflictuelles et préfère les laisser se décompter d’elles-mêmes et déléguer la gestion de conflit aux personnes impliquées sans prendre position dans la limite du possible.
En scénarios de vie, on pourrait dire qu’il a une relation d’adulte à adulte avec ses équipes et c’est un mode de management comme les autres, qui a ses avantages et ses failles, et sa plus grosse faille est cette capacité de savoir reprendre le contrôle dans certaines situations critiques. Ensuite, il y a le manager démissionnaire toxique dont il faut oser parler puisque ça existe. La posture de spectateur dans ce cas précis est juste un outil de manipulation hautement toxique. On est face à un manager qui calcule ses démarches. Dans les situations difficiles, il préfère rester dans le flou et maintenir le flou pour éviter de se positionner de manière claire et pouvoir jeter toute responsabilité sur ses équipes. C’est le genre de manager qui se positionne en spectateur, pour pousser ses équipes à se positionner, en prenant des décisions ou en posant des actions sans leur présenter une demande ouverte. De manière tacite, il les pousse à «faire pour lui», avec l’intention d’en tirer bénéfice, de s’approprier les mérites des résultats positifs, et de rejeter la responsabilité sur ses équipes en leur faisant porter les conséquences des résultats négatifs.

Dans quelle mesure cette attitude peut-elle être nuisible à la bonne marche de l’entreprise, particulièrement en période de changement ?
Cette attitude n’est bénéfique à aucun moment, puisque le rôle d’un bon manager et le fondement de sa mission est d’accompagner ses équipes, les orienter, les impliquer, les motiver… C’est encore moins bénéfique en période de changement, où il est censé être non seulement l’«initiateur», mais l’«acteur» de ce changement. Le changement en toute entreprise, et dans tous les domaines de vie, déclenche des doutes, des angoisses, des résistances, et peut créer un climat tendu et toxique, puisque ça peut révéler le pire en tout un chacun dans une équipe. C’est en période de changement qu’un manager devrait être doublement présent, en accompagnant et en coachant ses équipes. Ce climat anxiogène et toxique qui peut facilement s’installer en période de changement pourrait détruire le tissu relationnel des équipes, ou du moins le détériorer, pour quelques années, et bien évidemment impacter la dynamique humaine de l’entreprise.

À quel point cette position conduit-elle aux conflits au sein des équipes ?
Le manager, de par son rôle, est normalement garant de la synergie et la dynamique des équipes. Il se doit de fédérer au tour de projets, de maintenir le tissu relationnel et développer une intelligence collective dans son environnement. Un manager qui choisit de rester spectateur face à certaines situations, notamment le changement, risque de contribuer indirectement à la détérioration du tissu relationnel, avec toutes les conséquences que cela implique. Un manager qui ne se positionne pas, laisse la porte ouverte aux spéculations, aux suppositions, aux rumeurs, à la méfiance, aux doutes, à l’insécurité, aux dépassements et abus comportementaux, aux conflits. Des conflits qui peuvent durer longtemps et qui peuvent être irréparables, quand il s’agit de trahisons entre collègues, puisqu’une confiance qui se brise ne peut jamais être complètement regagnée, alors que la confiance est le fondement et le pilier de toute relation.

Propos recueillis par Nabila Bakkass

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