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Quelle place pour la génération Z dans un contexte de crise ?

N’est-il pas grand temps pour les managers de changer d’angle de vision dans leur façon de collaborer avec la génération Z ? Une génération réputée pour sa vocation hautement connectée, mais qui peut, effectivement, à travers son sens de la créativité, contribuer à une sortie de crise avec le moins de dégâts possible. Pour ce faire, cette génération a besoin d’être écoutée et appréciée à sa juste valeur, mais aussi intégrée dans un environnement propice à son épanouissement. Le point avec Hicham Mounib, ingénieur, coach et co-fondateur de l’École de l’Être.

Quelle place pour la génération Z dans un contexte de crise ?
Les jeunes de la génération Z cherchent d’abord à profiter de la vie et du moment présent, quel que soit le contexte professionnel ou social. Ph. Shutterstock

Conseil : Ce n’est un secret pour personne. La crise sanitaire a lourdement impacté les entreprises, particulièrement celles dites familiales. Quelle lecture faites-vous de cette réalité ?
Hicham Mounib
: Du fait de la structure des entreprises familiales, ma lecture s’intéresse à la psychologie du patron de l’entreprise. Celui qui, bien installé dans ses certitudes basées sur l’expérience des années passées, tente de récupérer des apprentissages qui n’ont pas leur utilité dans le contexte de la pandémie. Ce contexte est celui du manque de visibilité, du doute, de l’incertitude. Ce manager se caractérise par une navigation à vue, un questionnement accru du lendemain et quelquefois par une attente «optimiste» d’un retour à la normale. Paradoxalement, le doute invite à la réflexion, stimule l’imagination et nourrit la créativité lorsqu’il est bien sûr embrassé comme une énergie de basculement. Les certitudes, paradoxalement aussi, nourrissent l’ego, s’inspirent du passé pour penser l’incertain et installent les tensions entre collaborateurs dans les moments de crise tels que ceux de la pandémie. Le patron de l’entreprise familiale marocain, à qui il faut vanter le mérite d’entreprendre dans des écosystèmes pas toujours propices au développement, s’est tout de même interrogé pendant cette crise sur son approche de gouvernance, ses rapports avec ses collaborateurs et sa capacité à sortir de sa zone de confort.

Pour dépasser la crise sanitaire, les managers de ces entreprises ont été appelés à revoir leurs pratiques en misant sur la créativité, surtout parmi les jeunes de la génération Z. Qu’en pensez-vous ?
Effectivement, la génération Z (natifs et natives de 1990-2000) est réputée pour son sens de la créativité. Les jeunes de cette génération sont plus à l’aise face à un écran, mais cela ne signifie forcément pas qu’ils sont doués pour les outils informatiques tels que l’office. Ils sont juste «cérébralement» mieux disposés à communiquer, à discuter et à agir avec les autres à travers un écran, ce qui explique leur capacité à être plus actifs en télétravail. Quand ils décident de porter leur attention sur quelque chose qui les interpelle, leur niveau d’attention ne dépasse pas les 10 à 15 minutes. Ces jeunes sont aussi plus à l’écoute de leurs besoins personnels que les natifs de 1975-1985 dont leur but ultime était d’améliorer leurs standards de vie. Les jeunes de la génération Z cherchent d’abord à profiter de la vie et du moment présent, quel que soit le contexte, professionnel ou social. Pour les Z, cette pandémie avec le ralentissement du temps inhérent à celle-ci (confinement prolongé) a mis en lumière trois besoins fondamentaux :
• Le besoin de sécurité.
• Le besoin d’appartenance.
• Le besoin de reconnaissance.
Pour garder les plus talentueux de cette génération, le patron de l’entreprise familiale a dû modifier ses pratiques managériales et opter pour la créativité en vue de répondre à leurs besoins. Le plus difficile aura été, à mon sens, d’exprimer un esprit d’appartenance quand, d’un côté, les interactions sont à distance et, de l’autre, le management de décision reste au sein de la famille, faisant rarement participer les collaborateurs.

Les jeunes de cette génération sont connus pour leur quête permanente d’épanouissement. Ils ont tendance à changer plus rapidement et plus facilement de poste. Faute de moyens financiers, comment les fidéliser et les retenir ?
Comme je l’ai déjà souligné, la génération Z a déjà accès à des standards relativement élevés, ne serait-ce qu’à travers les smartphones. Ce qu’ils cherchent avant tout, c’est de donner un sens vital de joie et de bonheur durant les huit heures passées au sein de l’entreprise. Bien qu’ils soient plutôt impatients, leur désir de ramener de la valeur ajoutée et d’être reconnus pour cela reste leur premier moteur. Tant que l’entreprise familiale marocaine managera par le contrôle, elle en paiera le prix par les départs fréquents et se soumettra, par conséquent, soit à augmenter les salaires pour intégrer des compétences construites ailleurs, et donc à prix fort, soit à gérer de la médiocrité qu’elle nourrira inconsciemment parce que cela lui coûte moins cher. Ce qu’elle omet, c’est l’immense énergie déployée pour faire les choses, et le temps immense investi dans l’exécution au profit du développement. Vous voulez retenir vos talents Z ? Investissez dans leurs besoins d’appartenance, de reconnaissance et de réalisation de soi. Proposez un salaire adéquat, ni bas ni haut par rapport au marché. Intégrez vos équipes dans les décisions, puis tranchez ! Le plus important c’est d’offrir à chacun un espace de créativité, s’il le souhaite, au service de la progression de votre entreprise.

À votre avis, n’est-il pas grand temps de faire revivre certains fondamentaux pour dépasser ensemble la crise sanitaire ?
Honnêtement, je ne le pense pas. L’expression «Revivre les fondamentaux» me fait penser à «Retour à la normale». Les Anglo-Saxons parlent déjà de new normal. Le futur intègre de moins en moins de frontières dans la circulation de l’information. L’intelligence artificielle permet déjà l’élimination tangible de milliers de jobs (rappelez-vous de la robotisation dans le secteur automobile). Les jeunes âgés de 20 à 30 ans au Maroc sont très peu préparés au monde de l’entreprise, mais par contre ils ont une vision extra territoriale des possibilités et ont accès à des modèles de management en dehors des frontières de leurs pays. Cette crise a démontré que ce qui était à peine imaginable semble s’être installé de manière définitive :
• Une collaboration à distance en home office de manière partielle, mais durable.
• Un business en ligne reconnu et intégré comme une pratique non anecdotique.
• Une formation et un enseignement à distance comme une solution économique, pratique et efficace.
Cela dit, j’invite les patrons marocains à penser moins aux murs et plus aux écrans ! Moins au contrôle, et plus aux besoins de leurs collaborateurs ! Moins à la standardisation humaine des tâches répétitives (passer en IA) et plus à la capacité créative de leurs équipes. Ces approches doivent s’accompagner de l’écosystème adéquat : moins de paperasses en administration, moins de retard de délais de paiement, moins de contraintes fiscales, plus de flexibilité à l’embauche et à la séparation. Cela permet, en effet, d’amener une sérénité et une fluidité dans le quotidien capables d’expérimenter ce type de management. 

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