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Une politique de rénovation et de développement plus que nécessaire

Les souks hebdomadaires en milieu rural sont un lieu de vie sociale ancré dans les habitudes de la société marocaine, depuis plusieurs siècles. Ils constituent une plateforme commerciale, socio-économique et culturelle importante et un espace vital pour les populations locales. Mais depuis quelques années, ces souks souffrent de difficultés de gestion, de logistique et de financement, impactant ainsi leur développement ainsi que la sécurité sanitaire des populations. L’adoption d’une politique de rénovation et de développement de ces souks est devenue plus que nécessaire pour sauver ces lieux de vie.

Les souks hebdomadaires, un baromètre de la vie rurale

Les souks hebdomadaires en milieu rural font partie de notre patrimoine culturel au Maroc. Ce sont des espaces de vie où se rencontrent périodiquement les habitants d’une ville ou d’une région pour y vendre des marchandises, échanger des informations, acheter des denrées nécessaires pour subvenir aux besoins de la semaine, rencontrer famille et amis… «Lieu de vie, d’échange et de partage d’informations par excellence, le souk demeure le lieu privilégié de la rencontre de la vie rurale marocaine. Historiquement, le souk est un lieu de rassemblement des habitants ou des membres des tribus d’une même région ou localité, qui se tient chaque semaine. Le souk prend souvent le nom du jour de la semaine et de la région, de la localité et de la tribu où il se tient», explique le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un avis, publié récemment, pour appeler au développement des souks hebdomadaires. Le Conseil rappelle ainsi que les vendeurs sont généralement des commerçants qui se déplacent tous les jours de la semaine. Ils se rendent successivement aux souks selon un circuit bien établi. Pour les personnes vivant en milieu rural, le souk est l’occasion d’écouler leur récolte et de vendre leur bétail pour disposer d’une trésorerie leur permettant de satisfaire d’autres besoins, de s’approvisionner, de s’informer, de rencontrer d’autres membres de la famille, de se divertir et d’être au fait des nouvelles tendances. Pour les autorités publiques et les instances élues au niveau local, le souk est un véritable baromètre de la vie rurale et du bien-être des populations rurales. 


Boosteur de la dynamique de l’économie locale et régionale

De par leur rôle essentiel dans le développement régional, les souks hebdomadaires en milieu rural remplissent une fonction économique et commerciale de premier plan. Ils génèrent un chiffre d’affaires important qui contribue au budget des communes. «La fonction économique, déterminante pour la majorité des souks hebdomadaires, se matérialise par l’échange d’importants flux financiers, découlant essentiellement de la vente du bétail et des activités commerciales diverses. Néanmoins, il importe de distinguer entre les recettes générées par les souks au profit des communes et les flux financiers qui circulent lors du souk. Les recettes du souk sont quantifiables et maîtrisables, car elles proviennent soit de l’affermage soit du prélèvement direct de taxes par la commune», souligne le CESE, rappelant que l’étude menée par le ministère de l’Intérieur en 2013 estime la recette annuelle des souks à environ 313 millions de DH, dont 95% provenant de la location, avec une moyenne de 400.000 DH par souk. «Les recettes de 70% des souks ne dépassent pas 200.000 DH/an et les coûts de location varient entre 2.000 et 7.000.000 DH, selon le type de souk. Par contre, les flux financiers, c’est-à-dire la masse monétaire qui circule le jour du souk, ne sont ni maîtrisables ni quantifiables, il faudrait mener à cet égard des études spécifiques pour les mesurer et apprécier les volumes d’échanges entre les différentes composantes du souk (commerçants, usagers, visiteurs, etc.). Avec un nombre de visiteurs qui avoisine en moyenne 3.000 visiteurs par souk, soit 2.600.000 visiteurs par semaine, au niveau national, les souks hebdomadaires génèrent des recettes importantes qui varient selon la vocation du souk, sa taille et son emplacement», affirme le Conseil.
Il est à rappeler qu’en fonction de leurs vocations, les souks constituent une plateforme importante de distribution et de commerce. Il s’agit principalement de bétail vivant (ovin, bovin, caprin et camelin) et des échanges des produits divers, tels que les épices, les légumes, les fruits et les céréales ainsi que l’exercice de métiers très variés. Les souks en milieu rural sont les principaux fournisseurs de viande. Les 689 abattoirs existants ont une capacité avoisinant les 68.000 tonnes de viande par an. Cependant, il y a lieu de relever un faible contrôle sanitaire à ce niveau, puisque près du tiers d’entre eux ne sont pas couverts par les services vétérinaires. 


Des fonctions multidimensionnelles, indépendantes et complémentaires

Dans son avis pour la mise en œuvre d’une politique de rénovation et de développement des souks hebdomadaires en milieu rural, le Conseil économique, social et environnemental a distingué plusieurs fonctions de ces lieux :

• Fonction commerciale/économique : C’est la fonction dominante de la majorité des souks hebdomadaires, car elle se caractérise par l’échange d’importants flux monétaires le jour du souk, découlant essentiellement de la vente des bétails et de commerces divers. En effet, ces souks contribuent à la dynamisation des communes rurales et des petites agglomérations limitrophes. Ils représentent un relais important entre la ville et la campagne, notamment en matière de ramassage et de distribution de produits.

• Fonction sociale : Cette fonction n’est pas suffisamment valorisée par les acteurs. Le souk assure le contact entre les populations et l’échange d’informations (relais social). Il constitue un espace de renforcement des relations sociales : règlement des litiges, emprunts, projets de mariage, espaces de restauration, etc.
• Fonction administrative : Le jour du souk constitue le moment privilégié pour les «soukiers» de régler leurs affaires administratives (acte de naissance, certificat de résidence, etc.). Cette fonction est appelée à évoluer par l’introduction des outils de dématérialisation des démarches administratives.

• Fonction culturelle : Au-delà de sa fonction commerciale, le souk est un espace de loisirs, de jeux, d’animation, de promotion du tourisme, etc. C’est un patrimoine historique et culturel qu’il faut absolument intégrer dans les politiques publiques et les projets locaux, pour le préserver et le promouvoir.

• Fonction politique et citoyenne : La dimension politique et citoyenne du souk est présente historiquement dans les pratiques des acteurs politiques. Les souks ont un grand pouvoir d’attraction et de rétention des populations. En tant qu’espace ouvert, le souk est peu valorisé pour assurer l’encadrement politique et la mobilisation des citoyens par les échanges, les rencontres, la formation et la sensibilisation. 


Des dysfonctionnements à la pelle

D’après le Conseil économique, social et environnemental (CESE), les modes de gestion actuels des souks hebdomadaires ne garantissent pas une performance économique soutenue et l’analyse de l’état des lieux de ces endroits soulève la persistance de nombreux dysfonctionnements. Il s’agit principalement du manque de clarté des cahiers de charges élaborés, des engagements des partenaires (délégataire et délégant) ainsi que la qualification des ressources humaines au niveau des communes pour accompagner la gestion et le suivi régulier des contrats. Le Conseil relève également l’absence de toitures, des sols sans revêtements et un manque d’organisation notoire des métiers traditionnels…, la non-régularisation de la situation juridique du foncier de deux tiers des souks hebdomadaires, ainsi que l’absence de délimitation de la superficie dédiée au commerce au sein du souk, ce qui engendre un débordement sur les allées et les passages des piétons et crée un problème de circulation, de stationnement et une désorganisation totale aux alentours du souk. Aussi, l’état des routes non classées et les pistes rurales les plus utilisées en milieu rural constituent un handicap majeur d’accessibilité des populations rurales aux souks durant les périodes pluvieuses. Parmi les dysfonctionnements, on trouve également l’obsolescence graduelle des équipements de base, le manque de critères liés à leur architecture, l’exploitation irrationnelle des différents espaces par métiers, l’insuffisance des recettes en comparaison avec les potentialités des souks. «La réhabilitation des souks passe nécessairement par l’amélioration des services offerts aux usagers et la réorganisation des espaces consacrés au stockage et ceux destinés à la vente des produits agricoles, à la vente de bétail, aux métiers et aux abatages. La sécurisation des transactions au niveau des souks et la question des flux financiers générés par les souks ne doivent pas être occultées du nouveau schéma de la réorganisation des souks en milieu rural», souligne le CESE. 


Les recommandations du CESE

Les recommandations formulées par le Conseil économique, social et environnemental pour la promotion des souks hebdomadaires en milieu rural s’articulent autour de cinq axes.
Il s’agit premièrement d’ériger les souks hebdomadaires parmi les priorités de l’État et des collectivités territoriales en mettant en place, à court terme, une vision unifiée dédiée au développement des souks hebdomadaires en milieu rural, tout en respectant les particularités provinciales et régionales, et en tenant compte des évolutions récentes de leurs fonctions et leur rôle, en tant que service public de proximité.
Le deuxième axe porte sur l’adoption d’une gestion rénovée des souks en milieu rural qui favorise une réelle implication de tous les acteurs concernés. Dans le troisième axe, on appelle à doter les souks en infrastructures et équipements modernes en phase avec les dynamiques du développement et de la dématérialisation du service public. Et ce en élaborant un schéma directeur de modernisation de tous les souks en milieu rural qui respecte les normes sanitaires, en s’appuyant sur les spécificités de chaque commune et en valorisant les fonctions économique, sociale, culturelle, administrative, politique et citoyenne du souk.
Le quatrième axe consiste à rendre le souk hebdomadaire un levier majeur qui contribue efficacement à la promotion du développement territorial et à l’ancrage de la population locale en repensant la fonction économique du souk et diversifier les recettes de la commune et en réorganisant la fonction commerciale du souk.
Enfin, le dernier axe appelle à donner un nouvel élan à la recherche et la production de connaissances sur les souks en milieu rural. 

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