Menu
Search
Lundi 25 Novembre 2024
S'abonner
close
Lundi 25 Novembre 2024
Menu
Search

Quelles répercussions sur les personnes en situation de handicap ?

 Quelles répercussions sur les personnes  en situation de handicap ?

Si en temps normal les personnes en situation de handicap ont un accès moindre aux soins de santé dont ils ont besoin, durant la période de la crise sanitaire due à la Covid-19, la situation s’est aggravée, notamment à cause de l’interruption du suivi médical et la suspension des actes paramédicaux non urgents pendant le confinement. Afin d’avoir une idée plus claire sur l’impact de la pandémie sur la prise en charge médicale des personnes en situation de handicap, le groupe AMH a mené une étude au niveau de son centre hospitalier de rééducation Noor. «Directement impacté par la crise à travers la suspension puis la réorganisation de ses activités en ambulatoire, le Centre Noor a été un témoin direct des difficultés nouvelles auxquelles les personnes en situation de handicap ont dû faire face dans le contexte sanitaire actuel», souligne le groupe AMH.

Cette étude, qui a également été menée au niveau du Centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle (CRRF) de Aïn Chock, a cherché à étudier les causes et les effets de la rupture de l’accompagnement proposé aux personnes en situation de handicap et à élaborer des solutions pour pallier les difficultés qui en résultent, afin de permettre une prise en charge mieux adaptée en temps de crise. 


Entretien avec Amina Slaoui, présidente du Groupe AMH

«Il est important d’inclure les personnes en situation de handicap dans la liste des bénéficiaires prioritaires de la vaccination afin de les protéger»

Le Matin : Le Groupe AMH a publié récemment les résultats de son étude sur la prise en charge des personnes en situation de handicap en temps de Covid-19. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à mener cette étude ?

Amina Slaoui : Depuis près de 30 ans, le Groupe AMH cherche l’excellence. Nous nous remettons continuellement en question pour nous améliorer et offrir à nos bénéficiaires des services de qualité quelles que soient leurs conditions socio-économiques et dans la mesure des moyens disponibles. La crise sanitaire, économique et sociale liée à la propagation de la Covid-19 nous a démontré que la pérennité des structures peut facilement être fragilisée par les pandémies ou l’avènement de scénarios imprévus. Toute nouvelle situation est pour nous une occasion d’apprendre, de nous améliorer et d’innover afin de nous adapter au mieux aux conditions existantes. Cette étude nous a donc permis d’évaluer notre agilité et notre capacité à faire face à des situations imprévues. Ainsi, si une situation semblable voit le jour dans l’avenir, nous aurons la possibilité d’y répondre plus rapidement et plus efficacement tout en capitalisant sur nos bonnes pratiques et en améliorant d’autres actions. 

Nous avons assisté depuis le début de la pandémie à une mobilisation sociale, portée par la société civile, qui a démontré une grande capacité à gérer l’imprévu et à participer, chacune à son échelle, à aider ses bénéficiaires à faire face à cette pandémie.

Quel impact a eu la pandémie sur la vie des personnes en situation de handicap ?

Les personnes en situation de handicap souffrent de plusieurs problèmes qui freinent leur inclusion sociale et économique. La crise liée à la propagation de la Covid-19 a approfondi ces problèmes. L’expérience démontre que l’existence de facteurs de vulnérabilité amplifie fortement l’impact d’une pandémie. Les personnes en situation de handicap ont souffert, comme tous les Marocains, de manière directe ou indirecte, de l’arrêt de l’activité économique dans le Royaume, du confinement et du couvre-feu imposés, de la fermeture temporaire des centres paramédicaux et de l’accessibilité aux moyens de communication pour assurer une continuité de leur vie sociale. Sur ce dernier point, par exemple, plusieurs enfants qui n’ont pas de smartphone ou de connexion à internet n’ont pas pu suivre leur scolarisation.

Comment avez-vous pu vous organiser au niveau de vos centres pour pouvoir prendre en charge les soins des personnes en situation de handicap durant cette période ?

Au niveau du Centre hospitalier Noor, nous avons pris des mesures drastiques pour éviter la propagation du virus au sein de la structure. Nous avons ainsi minimisé au maximum les contacts avec l’extérieur. 

Par conséquent, nous avons arrêté la prise en charge des patients en ambulatoire et avons interdit les visites des familles des patients hospitalisés. Ces visites ont été remplacées par des appels vidéos quotidiens, programmés entre les patients et leurs familles.

 L’objectif principal était de protéger les patients, leurs familles et le personnel soignant. Nos équipes en hospitalisation ont adopté de façon volontaire un système de confinement de quinze jours, en rotation de deux équipes. À cela s’ajoute le fait que nos processus ont été révisés pour mettre en place des gestes barrières strictes pour empêcher la propagation du virus.

Est-ce que vous estimez que les personnes en situation de handicap sont vulnérables face au virus et qu’elles doivent bénéficier du vaccin en priorité ?

Les personnes en situation de handicap souffrent de plusieurs pathologies chroniques connexes à leur état moteur.Elles sont vulnérables aux virus étant donné que leur système immunitaire est faible. Les médecins spécialistes du Centre hospitalier Noor affirment qu’il est important d’inclure cette catégorie des personnes dans la liste des bénéficiaires prioritaires de la vaccination afin de les protéger. Nous faisons confiance aux autorités afin qu’elles prennent leurs responsabilités. 

La campagne de vaccination dans notre pays est un bon benchmark international et nous sommes certains que les décisions adoptées pour prioriser les catégories des personnes vulnérables 

seront prises.


Les personnes en situation de handicap, vulnérables face au virus

Les personnes en situation de handicap ont été fortement touchées par la crise sanitaire. En effet, dès le début de la pandémie, le handicap est apparu comme un facteur de risque supplémentaire face à la maladie, dans la mesure où la Covid-19 aggrave les problèmes de santé préexistants, notamment ceux liés au système immunitaire ou à des pathologies cardiovasculaires… «Les personnes en situation de handicap sont parfois plus exposées au virus à cause des difficultés pour respecter les mesures d’hygiène ou les distances physiques lorsqu’elles ont besoin d’une aide supplémentaire ou vivent en institution, pour obtenir des informations accessibles concernant la pandémie et les gestes barrières... À ces risques s’ajoutent des difficultés d’accès accrues au système de santé, avec la suspension au début du confinement des activités médicales jugées non essentielles et des restrictions de circulation», souligne le Groupe AMH dans son étude. Et d’ajouter : «Face à ces obstacles, des mesures spécifiques ont été mises en place par les autorités publiques pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, notamment à travers la cellule de veille d’urgence ouverte au sein du ministère de la Solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille et le ministère de la Santé». Afin d’atténuer l’impact de la crise sur les personnes en situation de handicap, on a créé des capsules de sensibilisation et élaboré une quarantaine de capsules de formation et d’orientation à destination des aidants et accompagnateurs. On a également encouragé les structures bénéficiaires du Fonds d’appui à la cohésion sociale à maintenir leurs services de rééducation à distance.

Par ailleurs, une plateforme numérique avec un numéro vert mobilisant des spécialistes des troubles du spectre de l’autisme ont été mis en place et des protocoles ont été adressés aux centres de rééducation pour mettre en place des changements organisationnels respectant les gestes barrières. Le ministère de la Santé a, quant à lui, cherché à garantir le maintien des activités par les structures de soins paramédicaux après une interruption qui a duré le premier mois de confinement. «Si des mesures spécifiques ont été mises en place par les pouvoirs publics, leur impact est resté limité face à l’ampleur des besoins, et la société civile s’est également mobilisée à travers la distribution de paniers alimentaires, le soutien financier aux familles les plus vulnérables (médicaments, loyers, etc.), le plaidoyer pour appeler à la continuité des soins et à une meilleure prise en compte des besoins des personnes en situation de handicap dans les mesures de lutte contre la pandémie et la poursuite des activités d’accompagnement à distance», a constaté le groupe AMH.


Qu’en est-il des patients des centres de rééducation ?​

S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan définitif de la pandémie de la Covid-19, il semblerait que les personnes en situation de handicap font partie des groupes les plus affectés dans tous les aspects de leur vie. Elles ont dû faire face à une difficulté d’accès accrue aux services de santé et à l’information, ainsi qu’à de graves perturbations dans leur emploi, leur éducation, et leur accès aux services de soutien et d’accompagnement.

Pendant la période de confinement, les personnes en situation de handicap ont souffert à cause de la stagnation dans les progrès réalisés, ou même une régression dans la mobilité avec l’interruption des séances de rééducation. «Issus majoritairement d’un milieu modeste, les patients ont eu un accès limité aux capsules des institutions et centres de santé diffusées sur Internet pour la réalisation d’exercices à domicile. Ils ont également eu des difficultés pour réaliser des séances en auto-pratique à cause du manque d’accompagnement ou de place...», relève l’étude. Sur le plan émotionnel et psychologique, ils ont exprimé une angoisse et peur de la maladie, mais aussi une rage et impuissance face à l’arrêt des séances.

Les choses ne se sont malheureusement pas vraiment arrangées avec le déconfinement. Beaucoup de patients n’ont, en effet, pas pu reprendre leurs séances à cause des difficultés économiques ou de peur de la maladie, ce qui a réduit leur mobilité. Pour ceux qui ont recommencé les séances, les délais sont parfois plus conséquents pour la prise de rendez-vous à cause des mesures sanitaires impliquant une réduction du nombre de patients pouvant être accueillis chaque jour par les centres.

En revanche, la majorité de ces patients qui ont repris leurs séances de rééducation se sont déclarés rassurés par les mesures d’hygiène mises en place par les centres.


Les femmes plus touchées que les hommes

L’étude du groupe AMH affirme que pour les femmes en situation de handicap et les mères de PSH, s’ajoute, à la situation générale, pendant le confinement, l’absence d’issue pour l’échange et la socialisation dans un contexte de cohabitation familiale souvent difficile, dans des logements précaires et des espaces réduits. «Au niveau des patientes du Centre hospitalier Noor, le vécu du confinement, avec l’arrêt brusque des séances de rééducation, semble avoir contribué à la prise de conscience de l’importance du rôle du Centre, au-delà de la réhabilitation, en tant que lieu d’échange et de sociabilisation privilégié, en particulier pour les jeunes femmes et les mères des mineurs ou adultes dépendants en situation de handicap. Pour les enfants souffrant de paralysie cérébrale, les contacts et les échanges dont ils bénéficient au centre sont très importants pour leur motivation et peuvent être leur seule interaction sociale en dehors de la famille», indique l’étude. Et d’ajouter que «L’arrêt a eu un impact important sur leur état émotionnel, mais semble avoir contribué à la valorisation de cet aspect par les mères et par le personnel du Centre. Au niveau du Centre Noor, comme de façon générale au Maroc, ce sont en majorité les mères qui s’occupent des enfants en situation de handicap, des femmes qui souvent n’ont pas de travail rémunéré. Il n’existe pas de données suffisantes pour connaître l’impact du confinement sur la charge de travail de ces femmes, mais l’enquête du Haut-Commissariat au Plan indique que les hommes ont été plus impliqués dans les soins aux enfants, que 19,3% d’entre eux ont contribué pour la première fois aux tâches ménagères et que 45% y ont pris part. Mais malgré cela, les femmes auraient consacré en moyenne, pendant la période de confinement, six fois plus de temps au travail domestique que les hommes».

Lisez nos e-Papers
Nous utilisons des cookies pour nous assurer que vous bénéficiez de la meilleure expérience sur notre site. En continuant, vous acceptez notre utilisation des cookies.