Connexion
Conseil : Outre la productivité, les managers sont appelés à préserver le climat du travail. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire à ce sujet ?
Imane Hadouche : Précisons d’abord qu’un manager est normalement amené à mener ses équipes, même à travers les pires crises, en gardant un bon équilibre et un climat productif et positif. C’est l’essence même de sa mission. Un bon manager est un manager proactif, mais aussi un manager qui sait s’adapter aux situations et qui connaît bien ses équipes. Le Ramadan n’étant en aucun cas un événement imprévu, il est recommandé de se réorganiser, de programmer et de gérer les activités en amont. Il est important aussi de savoir adapter le rythme des missions, tâches et activités au rythme de productivité prévu ou constaté. Et bien évidemment, en connaissant les équipes, le rythme de chacun, les points forts et les points faibles, les attitudes et comportements prévisibles, on peut parfaitement maintenir un climat stable et garder un bon équilibre.
Comment expliquer les conflits qui peuvent avoir lieu en milieu de travail ?
Cette tendance à devenir querelleur pendant le Ramadan peut s’expliquer par :
• Le changement du rythme de vie, des rituels, de la routine, des habitudes… et on sait que tout changement provoque des réactions de résistance qui peuvent devenir agressives et violentes.
• Le manque de sommeil rend irritable. Plusieurs études ont prouvé qu’un sommeil irrégulier ou perturbé impacte de manière directe les comportements. Cela peut aller de l’agressivité au burnout.
• La consommation d’aliments riches en sucre peut aussi contribuer à l’irritabilité. Ce n’est pas pour rien qu’on interdit les aliments sucrés aux enfants hyperactifs et qu’on recommande de ne pas consommer d’aliments sucrés le soir.
• La faim, puisque certaines personnes peuvent devenir coléreuses quand elles ont faim.
• Le sevrage est aussi une des raisons directes de l’irritabilité et de la tendance agressive. Évidemment, les personnes qui ont des accoutumances relevant de la dépendance se sentent en manque et vivent les symptômes d’un addict qui se soigne. Ça peut être le café, le thé, la cigarette ou même le petit croissant du matin.
Comment éviter cette situation ?
Il est important de s’y préparer en anticipant.
• Le manager pourrait tenir une réunion en amont et monter une sorte de charte ou règles de vie réservées au mois sacré. Idéalement en puisant dans les valeurs humaines et spirituelles collectives. Et en proposant une sorte de «phrases ressources» à se répéter en situation de conflit éventuel, ou dans les moments où la tension se fait ressentir.
• Détecter les sources de conflits prévisibles et les personnes de nature colérique ou susceptibles de souffrir de sevrage sévère, et leur faire, chaque matin, un petit rappel bref du code de conduite adopté et des règles de vie établies.
• Faire aussi un travail de sensibilisation concernant les addictions même bénignes et expliquer l’importance de commencer à diminuer les doses un ou deux mois avant le Ramadan. Mais aussi concernant le mode de vie sain recommandé pour garder une bonne santé morale et physique pendant le mois sacré. Ce travail d’accompagnement et de sensibilisation peut être fait par le manager lui-même, ou en faisant appel à un spécialiste.
Les conflits sont encore plus difficiles à gérer quand les collaborateurs sont en télétravail. Quelles astuces privilégier dans ce cas de figure ?
Il est vrai que la communication à travers des écrans peut contribuer à créer des malentendus pouvant aller jusqu’au conflit, et que justement, l’écran donnant plus de frustration ou d’audace, ceci peut amplifier l’agressivité. Dans ce cas précis, prendre la peine de faire un cadrage quotidien au démarrage des réunions en rappelant les règles de vie établies.
Ne pas hésiter à recadrer les personnes quand la tension se fait sentir. Et refuser de prendre part à tout conflit ou lui laisser le temps de prendre place, en accueillant les oppositions et plaintes, mais en temporisant leur traitement à un moment plus calme. Par exemple, on pourrait dire à la personne tendue : «Je comprends, je prends note, mais on en reparlera en fin de journée». Accueillir permet de calmer la personne puisqu’elle se sent écoutée. Temporiser permet de faire tomber la pression et la tension, et généralement au moment prévu pour en parler, la personne concernée est déjà plus calme, a eu le temps de penser à autre chose, ou de recevoir plus d’informations pouvant aider à calmer le conflit.
